Vous faites des choses dans des univers diérents comme si c’était juste un emploi du temps. Point barre.
Oui, c’est mon emploi du temps. Point barre. J’ai la chance de faire un travail qui me rend heureux tous les soirs. Pour moi, s’il y a un succès, c’est celui du produit. À un moment donné, je lâche l’histoire et le produit vit tout seul.
L’art design, cela vous tente ?
Non, je connais déjà. J’ai commencé par un produit de galerie, la chaise Rainbow, en 1999- 2000. Deux mois après, elle entrait dans les collections du MoMA de New York. Des galeristes m’ont appelé, mais cela ne me tente pas. Ma passion, c’est l’outil industriel.
Que faites-vous en ce moment ?
Je suis en train de travailler sur les espaces de restauration du siège de McDonald’s, à Chicago. C’est une sorte de campus dans le nouveau quartier de Meat Market. Je poursuis aussi ma collaboration avec Okko Hotels : nous terminons deux hôtels, à Strasbourg et à Toulon, qui ouvriront dans deux ans. J’entretiens toutes ces collaborations sur le long terme, d’Ethimo à Lea Ceramiche en passant par Arflex Japan. Et je réfléchis à un autre projet, personnel, global, pour élargir le spectre, avec d’autres gens.
Patrick Norguet, vous êtes un peu le roi du siège…
Non, non, non ! En ce moment, je travaille avec Artemide sur des luminaires qui sortiront dans quelques mois. Je dessine des lunettes et plein d’autres choses encore. Si la Mecque du design reste en Europe, en Italie, à Milan, on y fait surtout du siège et du canapé. Aux États-Unis, l’approche de la discipline est beaucoup plus globale. Le parrain de ma fille, qui est directement parti là-bas quand on a fini nos études de design à Paris, le vérifie encore chaque jour.
Quelle reconnaissance du designer observe-t-on en France ?
Ça ne bouge pas. C’est un vrai drame. Alors pour moi, ça va. Je travaille avec dix personnes. J’ai une agence qui fonctionne. Mais combien vivent de leur métier à Paris? Une dizaine, pas plus. Ce métier n’est absolument pas reconnu. Le statut de designer n’existe pas en France. Cela vient aussi de l’hypocrisie de toutes ces entreprises pour lesquelles on travaille tous. Je le dénonce parce qu’il est urgent de se montrer de plus en plus ferme. Il faudrait que des designers s’associent et décident ensemble d’arrêter de signer des contrats à 3 % de royalties. Si la distribution est minable, la ou le designer va recevoir 600 euros par trimestre, après avoir bossé comme un chien pendant un an ou deux. Je ne connais pas d’autre métier qui fonctionne comme ça. Personne dans la mode n’accepterait de travailler ainsi. C’est un vrai sujet économique et politique.
Vous aimez les volumes enveloppants, en couleurs, mais les choisissez-vous ?
Oui. La couleur, c’est comme le choix d’un mot ou d’une note dans une partition. Elle permet d’imager les choses et d’en renforcer le langage. Par la couleur, on diffuse un message différent. C’est un code supplémentaire, comme quand un pâtissier finit son en- robage et dépose une fraise dessus (rires). C’est basique ce que je dis, mais la couleur est vraiment un moyen de communication.
Qu’est-ce qui vous enthousiasme dans votre métier ?
Les gens, l’humain, partager. C’est la clé. Avoir la capacité d’apporter une idée, un concept, une histoire, de la mettre sur la table, de créer autour une énergie fédératrice et de tout faire ensuite pour amener cette idée à maturité. C’est un travail d’équipe passionnant. En Italie particulièrement. En France, à l’heure du déjeuner, on va manger n’importe quoi au coin de la rue. Là-bas, c’est un vrai rituel. Ils sont plus jouisseurs. L’envie de faire des choses ensemble est une force italienne que, j’espère, ils vont conserver. La chance de mon activité, c’est de pouvoir prendre le temps de réfléchir, parce qu’on ne fait pas investir à la légère 500 000 euros dans la fabrication d’un moule.