© ANTOINE LORGNIER CHEZ HANS LUCAS

À Palm Springs, les cactus redessinent le paysage moderniste

Connue pour ses maisons modernistes tant prisées des stars, la ville californienne change peu à peu de visage. Adieu pelouses vertes copieusement arrosées des années 1960, place au xéropaysagisme, une méthode d’aménagement paysager qui permet de réduire les ressources en eau.

Depuis West Cielo Drive, la vue sur la ville de Palm Springs est de toute beauté. Une mer de palmiers crée la réalité d’une oasis qui s’étend loin dans le désert. Le paysagiste Paul Ortega – également fondateur de la Desert Horticultural Society, qui organise des visites de jardins et de maisons modernistes lors de la Modernism Week, en février de chaque année – travaille sur le jardin d’une maison des années 1950, blanche, aux lignes épurées se perdant dans les rochers.


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À Palm Springs, il y a des cactus

À la demande des nouveaux propriétaires, le gazon a été supprimé, le système d’arrosage automatique, démonté et des cactus et succulentes, plantés.

Parmi les plantes xérophytes sélectionnées, des palmiers de Bismarck, des agaves americana ou encore des cactus de San Pedro.
Parmi les plantes xérophytes sélectionnées, des palmiers de Bismarck, des agaves americana ou encore des cactus de San Pedro. © ANTOINE LORGNIER CHEZ HANS LUCAS

« L’objectif est de créer un paysage inspiré du désert et composé de cactus saguaros, de palmiers de Bismarck, d’opuntias, de yuccas et de quelques Echinocactus grusonii, que vous appelez en France le coussin de belle-mère ! Leurs formes et couleurs s’allient parfaitement avec la géométrie et les lignes épurées des maisons de Palm Springs. Ces jardins sont aussi l’avenir, et la demande explose », précise-t-il.

La raison en est simple. Les nappes phréatiques sont au plus bas. À Palm Springs, les autorités ont ordonné une réduction obligatoire de 25 % de la consommation d’eau en milieu urbain. Dans la vallée voisine de Coachella, la réduction demandée est de 36 %! Alors que des incendies ravageurs sévissent régulièrement à Los Angeles, des voix s’élèvent pour dénoncer la mauvaise gestion de l’eau en Californie, État frappé par une sécheresse chronique depuis plus de quinze ans.

Le paysagiste Paul Ortega travaille sur le jardin d’une maison des années 1950, blanche, aux lignes épurées se perdant dans les rochers.
Le paysagiste Paul Ortega travaille sur le jardin d’une maison des années 1950, blanche, aux lignes épurées se perdant dans les rochers. © ANTOINE LORGNIER CHEZ HANS LUCAS

Parmi les accusés, l’agriculture, qui capterait 70 % de l’eau. Pourtant, selon les données satellites compilées par Cristina Milesi, chercheuse à la NASA, ce sont les pelouses (y compris celles des golfs) qui constituent la plus grande culture irriguée des États-Unis, plus que le maïs et le blé.

En mode désert

En Californie, 70 % de l’eau consommée l’est pour les seuls usages extérieurs, essentiellement l’arrosage du gazon ! À Palm Springs, il a fallu du temps pour que les habitants se fassent à l’idée de se passer de pelouse. « L’augmentation du prix de l’eau (+25 %) et les primes d’arrachage ont été de vrais facteurs déclenchant, plus que la réalité du changement climatique », regrette Paul Ortega.

Un peu partout à Palm Springs, les cactus saguaros – dont la hauteur peut atteindre 15 mètres –, les opuntias, les yuccas et les Echinocactus grusonii (les coussins de belle-mère) composent un paysage inspiré du désert.
Un peu partout à Palm Springs, les cactus saguaros – dont la hauteur peut atteindre 15 mètres –, les opuntias, les yuccas et les Echinocactus grusonii (les coussins de belle-mère) composent un paysage inspiré du désert. © ANTOINE LORGNIER CHEZ HANS LUCAS

La Desert Water Agency et la Coachella Valley Water District ont ainsi lancé des programmes de rachat de gazon de plusieurs millions de dollars qui ont incité de nombreuses institutions, copropriétés et particuliers à franchir le pas. À Palm Springs, au 333 South Farrell Drive, la maison réalisée en 1962 par l’architecte Emerson Stewart Williams est conçue à partir de poutres en bois et en acier.

Son jardin, autre réalisation de Paul Ortega, le prolonge avec des alignements parfaits de cactus posés sur une rocaille de graviers noirs. Ici et là, des pierres et des rochers rappellent les jardins zen japonais. Un arbre palo verde disperse ses fleurs jaunes sur le sol. Au 1197 Abrigo Road, c’est une maison conçue par l’architecte Harold Levitt qui compose désormais avec des jardinières en acier Corten surélevées dans lesquelles plantes succulentes et cactées diverses foisonnent.

Aménagés de pierres et plantés de cactus et de succulentes plutôt que du gazon, les jardins de Palm Springs adoptent le xéropaysagisme.
Aménagés de pierres et plantés de cactus et de succulentes plutôt que du gazon, les jardins de Palm Springs adoptent le xéropaysagisme. © ANTOINE LORGNIER CHEZ HANS LUCAS

« Il y a dix ans, au plus fort de la sécheresse, les habitants peignaient en vert leur gazon jauni par le soleil, s’amuse Paul Ortega. Aujourd’hui, si quelques irréductibles font appel au gazon synthétique, la règle désormais bien établie est de privilégier les plantes indigènes, car leur palette comprend de nombreux arbustes et plantes vivaces qui apportent du vert et des fleurs tout au long de l’année attirant insectes et papillons. La biodiversité du désert est bien plus riche que celle des pelouses urbaines et elle se contente de peu ! » Autrement dit, un pari écologique réussi.


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