Alors que Notre-Dame de Paris émerge des cendres de l’incendie de 2019, la cathédrale s’apprête à redonner vie à l’art du vitrail en lançant un concours pour créer des œuvres contemporaines dans six chapelles du bas-côté sud. Cette initiative, portée par l’archevêque et le Ministère de la Culture, vise à marier un savoir-faire séculaire à la créativité d’artistes modernes, invitant à la réflexion sur son avenir.
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Notre-Dame de Paris en route vers l’ère moderne
En 2023, à l’initiative de l’archevêque de Notre-Dame de Paris et du Ministère de la Culture, naît l’idée d’un concours de vitraux originaux pour orner la plus célèbre cathédrale de France. La production serait confiée à un duo composé d’un artiste et d’un maître-verrier. Puisque la flèche de Viollet-le-Duc, détruite pendant l’incendie de 2019, a été reconstituée à l’identique, il revient au jury présidé par le commissaire d’exposition Bernard Blistène la lourde tâche de faire entrer Notre-Dame de Paris dans l’ère moderne.
Coup de théâtre cet été, la Commission nationale de l’architecture et du patrimoine (CNAP) émet un avis défavorable à l’unanimité contre le projet, en citant la Charte de Venise, qui interdit le remplacement d’éléments anciens bien conservés par des éléments modernes. L’artiste Pascal Convert se retire alors de la compétition, entraînant un grand débat national.
Que l’on soit pour ou contre, la voie s’ouvre à de nouveaux talents et donne un coup de projecteur sur les métiers du verre. Parmi les artistes en lice, on note désormais Jean-Michel Alberola (Atelier Duchemin), Daniel Buren (Manufacture Vincent-Petit-Atelier Duchemin), Philippe Parreno (Atelier Simon-Marq), Yan Pai-Ming (Atelier Duchemin), Christine Safa (Atelier Simon-Marq Derix Studio GMBH), Claire Tabouret (Atelier Simon-Marq), Gérard Traquandi (Atelier Duchemin) et Flavie Vincent-Petit (Manufacture Vincent-Petit). Les projets seront remis le 4 novembre pour délibération.
Simon-Marq en route pour l’avenir
Parmi les favoris de cette compétition, on trouve l’atelier Simon-Marq, fondé à Reims en 1640 sous le nom Jacques Simon – et renommé dans les années 1990. Après avoir travaillé sur la réfection de vitraux historiques, la maison tend les bras à la création contemporaine à partir des années 1950. L’atelier a ainsi réalisé les vitraux de Marc Chagall pour plusieurs lieux saints, dont l’église de Fraümunster à Zurich, la cathédrale Saint-Étienne de Metz ou encore la cathédrale de Reims.
D’autres artistes comme Joan Miró ont également fait appel au savoir-faire des maîtres-verriers rémois. Situé dans les sous-sol de l’église du Sacré-Cœur de Reims, le petit laboratoire de restauration et de production achève une série de vitraux imaginés par l’artiste Jean-Paul Agosti pour l’église du Sacré-Cœur de Genève, ainsi qu’un assemblage en patchwork coloré pour Rodrigo Salgado. Il travaille également sur une série dessinée par l’auteur de BD François Olislaeger, dont on devrait pouvoir admirer le travail à partir de l’an prochain.
Les savoirs-faire au firmament
Les possibilités quasi infinies du verre et la revalorisation des savoirs-faire traditionnels ont rendu le médium de plus en plus populaire ces dernières décennies, à l’image des travaux de Pierre Soulages pour l’abbatiale Sainte-Foy de Conques dans les années 1990, des créations de Gerhard Richter pour la cathédrale de Cologne en 2007 ou encore des agates découpées de l’église de Grossmünster à Zurich signées Sigmar Polke en 2009 – compétition que l’artiste allemand remporte face à Olafur Eliasson.
En 2014, l’artiste Kehinde Wiley proposait pour sa part un jeune afro-américain en Timberland et veste bombers en guise de Saint-Rémi. Le musée de la cathédrale d’Ely, en Angleterre, abrite également son Saint Adelaide, pendant masculin en jean-basket du carton d’Ingres réalisé pour la chapelle Saint-Ferdinand.
Du sacré au profane
L’engouement des artistes pour l’art du vitrail va bien au-delà du cadre religieux. La céramiste Lindsey Mendick exposait l’œuvre Drink To You Lucy, Philomela and St Agatha avec la galerie Carl Freedman en 2022, inspirée par l’aspect immersif du verre traversé par la lumière. « C’est une transaction entre le spectateur et le vitrail », déclarait l’artiste en 2023.
Brian Clarke, plasticien anglais formé à l’art du vitrail dans le nord du Devon, vantait les mérites du médium en 2023 a travers l’exposition « A Great Light » à la Newport Street Gallery, la galerie fondée par Damien Hirst près de Londres. Ses collaborations avec les architectes Zaha Hadid et Norman Foster attestent de cet engouement croissant, ainsi que la consécration de Clarke, qui figure sur la liste d’honneur du roi Charles III d’Angleterre en 2024, faisant de lui le premier artiste spécialiste de vitrail à recevoir cet honneur.
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