Ils n’étaient pourtant pas très sûrs de ce choix lorsqu’ils ont quitté leur loft du Xe arrondissement pour cet appartement typiquement haussmannien situé en plein cœur du XVIIe. L’empreinte classique du lieu, le quartier… Cela leur correspondait-il vraiment ? Lui était réticent à l’idée de confier le chantier à un architecte d’intérieur. Elle avait préparé un cahier des charges long comme le bras. Bref, de parfaits clients ! Il a fallu à l’ancienne diplômée de l’école Camondo, à Paris, beaucoup d’écoute pour parvenir à synthétiser les envies du couple, les retranscrire correctement et réussir à créer un espace cohérent sans dépasser le budget. Karine et son associée, Aline Abramczyk, ont donc travaillé en trio, main dans la main avec leur cliente, une professionnelle du marketing, pour satisfaire ses envies, elle qui avait préparé pour les deux architectes un carnet nourri des tendances du monde entier. Sur ce chantier, Karine Lewkowicz et Aline Abramczyk, toujours complémentaires, se sont d’ailleurs particulièrement partagé le travail : à la première, les vues générales et le choix des matériaux ; à la seconde, le suivi du chantier et les finitions.
D’emblée, le duo s’attèle à l’objectif annoncé : « La transformation d’un appartement haussmannien pour l’adapter à un mode de vie moderne et familial », explique Karine Lewkowicz. Pour accentuer encore la convivialité offerte par les pièces de réception de cet espace classique, les associées en ont totalement réapprivoisé la circulation afin de le rendre encore plus facile à vivre. Un travail passé en priorité par la remise en valeur des ouvertures, une volonté commune du couple de propriétaires nourrie par l’expérience de son précédent loft. Dans la même veine, entre le salon et la salle à manger, les architectes ont imaginé un astucieux système de miroirs qui magnifie la lumière et agrandit l’espace.
Métamorphose contemporaine
Le plus compliqué a néanmoins été la cuisine, tordue, cachée, vécue véritablement comme une sorte de verrue esthétique dans de si beaux volumes. Encore une pièce à vivre à revoir totalement. Des cloisons ont été abattues pour faire place à une verrière moderne et aérienne, à la façon d’un atelier. Celle-ci fait d’ailleurs bénéficier l’appartement d’un apport supplémentaire de lumière. « Aline et moi-même avons opté pour la sobriété des lignes, le goût des échappées et des transparences, le tout mixé subtilement à des matières brutes et luxueuses », précise encore Karine Lewkowicz.
Le choix des matériaux, le raffinement de l’alliance du marbre et du bois, la remise en valeur des moulures, pour le cachet, en passant par le travail de précision sur la lumière, tout a été fait pour métamorphoser l’espace et le faire entrer de plain-pied dans le XXIe siècle. Dans cette cuisine tout en longueur, Karine a employé l’un de ses préceptes : utiliser le noir non pas comme une couleur, mais comme une ligne. Brillant et veiné de blanc pour le plan de travail en marbre Marquina, ou mat pour les placards, le noir souligne ici les volumes et l’espace, mettant en valeur la dimension de la pièce et sa belle hauteur sous plafond. Une habitude devenue un geste architectural, qui vient chez l’architecte de ses années d’études passées à Tel-Aviv, la « ville blanche ». De l’autre côté de la baie vitrée, une table signée Jean Prouvé accueille les repas du quotidien. Il avait été question d’installer ici la salle à manger, mais la double réception, avec ses fenêtres en rotonde, était bien trop spectaculaire pour être négligée.
Au-delà du minimalisme
Dans cet univers familial, chacun a souhaité son espace réservé. Les pièces à vivre sont en revanche très proches les unes des autres, convergeant vers le grand salon où le home cinéma réunit régulièrement la famille. Les parties jour et nuit sont donc bien distinctes. Mais le confort n’a nulle part été sacrifié à la sobriété et à l’élégance. « J’ai privilégié les tons poudrés et cocons pour les espaces intimes », souligne par exemple l’architecte. La patte du duo qu’elle forme avec Aline Abramczyk se retrouve d’ailleurs partout, notamment dans le choix des matériaux bruts qui sont toujours un point d’ancrage pour donner du sens à leurs projets. En ce qui concerne le mobilier, elles ont gagné en liberté et ont appris à agrémenter l’esthétique minimaliste inspirée par le designer britannique John Pawson – un héritage de leurs années d’études – par des pièces coups de cœur, archivées ou chinées çà et là. Ces dernières ajoutent quelques notes épicées à cet espace épuré. Le secret de l’équilibre ?