Dans un coin de l’usine, un tapis roulant avale des pavés de céramique. Un instant plus tard, ils en ressortent, émaillés, polis, prêts à recouvrir sol ou mur — tout cela en une heure. C’était la révolution secrète de Marazzi : la « monocottura rapida » brevetée en 1974 qui a cassé les codes de la production céramique. Pour documenter cette prouesse industrielle, l’entreprise a fait appel, en 1977, à rien moins que Gianni Berengo Gardin — maître du reportage social italien disparu le 6 août dernier à Gênes — pour capturer ce ballet technologique. Plongée dans cette conjonction fascinante entre innovation industrielle, esthétique méthodique et photographie d’auteur.
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Gianni Berengo Gardin en usine : un photographe dans la mêlée industrielle
Dans l’arène discrète de la céramique industrielle, Marazzi a misé sur un pari audacieux : réduire à une heure le cycle de cuisson d’un carreau, grâce à sa technologie de monocottura rapida. Trois ans après l’invention du procédé (1974), en 1977, l’entreprise convia Gianni Berengo Gardin à documenter ses « lignes veloci », devenues mythiques.
Le résultat ? Une série de photographies où la couleur explose dans les machines, les flux, les bandes de production , exercice rares pour cet artiste que l’on connaît davantage pour ses clichés en noir et blanc : « J’ai tout de suite compris le défi professionnel qui m’était lancé : pouvoir saisir le flux rapide des couleurs et la traînée dynamique des formes, souligne Gianni Berengo Gardin. La couleur, que j’avais toujours très peu utilisée, ici, s’imposait. Comme influencé par ce cadre innovant, je m’essayais aussi à de nouvelles méthodes de travail. Je modifiais souvent la distance, approchant les sujets de très près, pour en saisir les détails, en glaner la moindre bribe, de manière à créer des photographies différentes des autres : rêveuses, colorées, presque abstraites. »
Ces images transforment une salle d’usine en abstraction visuelle, une piscine de carreaux en vortex de pattern. Elles révèlent, en filigrane, que l’esthétique et l’industrie peuvent faire bon ménage.