Ayça Özbank Taskan est architecte. Aujourd’hui, elle imagine des bijoux. Qu’est-ce qui a poussé cette native de Turquie à s’exiler en Finlande puis en France, pour y lancer sa propre marque, Mara Paris, loin de l’univers des bâtisseurs, en 2015 ?
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From Istanbul to Paris
Elle nait et grandit à Istanbul. Lorsque son compagnon part faire ses études à Helsinki, elle s’inscrit à l’école Politecnico de Milan : les allers-retours entre les deux villes ne lui font pas peur, charmée par l’architecture si différente qu’elle découvre en Finlande et qui l’influence encore aujourd’hui. Une fois leurs études achevées, une question se pose : où vivre et fonder une famille ? « Pourquoi pas New York ou Paris ?»
Presque dix ans plus tard, Ayça et son compagnon nous reçoivent dans une boutique flambant neuve dont la façade indique «Mara Paris ». Après avoir fonctionné sur rendez-vous dans son showroom privé, Ayça Özbank Taskan ouvre enfin les portes de son univers en plein Marais.
La magie de Mara Paris
« Encore aujourd’hui, je ne considère pas les bijoux comme de « simples » bijoux ». Bien qu’elle soit architecte de formation, Ayça Özbank Taskan a toujours voulu façonner des objets. « En revanche, je puise mon inspiration dans le travail des grands architectes que j’ai découverts pendant mes études. »
Elevée dans une famille d’artistes, la créatrice reconnaît volontiers que le lien entre art et design lui vient naturellement. « Je crée des sculptures à échelle réduite avec ceci de plus qu’elles sont utiles, portables, pas seulement belles. »
Le bijou Mara Paris, aussi sculptural soit-il, est également abordable. L’accessibilité (sa gamme de prix s’étend entre 90 et 500 €) et la praticité sont deux termes fondamentaux du langage de Ayça Özbank Taskan : « quand je mets des accessoires, il faut que je les oublie dans la journée.» Ainsi, bien que ces boucles d’oreille paraissent alambiquées et ses bagues inconfortables au premier coup d’œil, chaque détail est façonné dans le respect du corps et de ses lignes.
« J’aime faire disparaitre le début à la fin d’une pièce », s’amuse Ayça Özbank Taskan. C’est pourquoi ses bijoux d’oreille sont de réels piercings, pas des objets qui se fixent plus ou moins à l’oreille, au risque d’en tomber.
Des bijoux architecturaux
Formée à l’architecture et passionnées par les maîtres scandinaves et italiens, Ayça Özbank Taskan évoque Alvar Aalto, Carlo Scarpa, Picasso ou encore Jean Arp. Plus que de simples pourvoyeurs d’idées, ces grandes figures du design et de l’art de ces derniers siècles ont chacun inspiré une collection de bijoux de Mara Paris.
« Pour créer, j’ai besoin d’émotions. Carlo Scarpa m’évoque beaucoup de choses : Venise, une ville dont je suis amoureuse, mais aussi mon cursus à Politecnico, puisqu’il était le directeur de l’école en son temps. Alvar Aalto, lui, m’évoque la Finlande où j’ai vécu avec mon mari. L’atelier de Brancusi est quant à lui l’une des premières visites que j’ai fait quand nous avons déménagé à Paris. Je peux aussi me saisir de courant d’architecture qui me marquent, comme ça m’est arrivé avec Zaha Hadid et Frank Gehry.«
2016 : Ayça dessine « Personas », une collection inspirée par Picasso et Matisse. La silhouette de Dina, son sautoir, n’est pas sans rappeler une certaine mode de tattoo « one line» qui s’imprime sur pas mal de bras à cette époque. Si certains lui demandent de produire des pendentifs à l’effigie de leurs tatouages, c’est le bijou d’oreille Dina qui fait sensation. « Nous avons été l’une des premières marques à introduire le ear cuff.»
En parallèle, la créatrice introduit «Curves», sa ligne inspirée du constructivisme de Zaha Hadid et de Frank Gehry, un ensemble de bagues et boucles d’oreilles qui font écho aux façades réflectives avec lesquelles jouent beaucoup ces deux architectes.
«Delicatesse», une gamme aux formes organiques, fluides, encore plus abstraites que les précédentes, est un hommage à Brancusi et Jean Arp. Elle affirme cette idée de bijoux versatile, qui peut se positionner ou s’utiliser à l’envie.
Alvar Aalto, grand ami de Jean Arp par ailleurs influencé par l’art abstrait développé par le peintre, sculpteur et poète alsacien, a quant à lui inspiré la ligne «Form is a mystery», qui joue également avec cette idée d’un bijou sans fin, un geste inspiré de l’architecte et designer Carlo Scarpa. « De nombreux détails de ses architectures sont cachés, et pourtant très forts. Avec certaines pièces, j’ai vraiment eu l’envie d’emprunter des petits détails afin de jouer avec mes dessins et mes bijoux.»
Apprendre sur le tas
«Je pars en général d’inspirations assez précises, de lignes, de traits, car j’ai besoin de me tracer un cadre auxquelles j’infuse mon ressenti, mes émotions.» C’est après ce travail préparatoire, que Ayça cherche les formes qui incarneront sa collection puis la dessine pour la production.
«Je n’ai jamais pris de cours afin de dessiner mes bijoux — c’est plutôt la designer en moi qui me disait « tu peux le faire »». Ayça a ainsi imaginé ses premières pièces comme on lui a appris en école d’architecture : à l’aide de petites maquettes en carton à l’échelle. « Je suis allée voir mes artisans avec ces maquettes mais j’ai tout appris d’eux. Faire des bijoux, c’est comme monter un immeuble : on ne peux pas dessiner une pièce sans connaître les techniques de constructions.»
Depuis, la créatrice de Mara Paris dessine ses pièces en 2 ou 3D, à la main ou sur logiciel, des esquisses grâce auxquelles ses artisans, installés entre Paris et Istanbul, en fonction des besoins, élaborent les bijoux.
Mara Paris, fine jewellery
Non contente d’avoir bâti un univers de marque aux bijoux aussi complémentaires que différents, accessibles à toutes les bourses, Mara Paris introduit, en septembre, ses premières pièces de joaillerie fine. Une demande récurrente de ses clients.
Reprenant les formes abstraites qui ont fait son succès, Ayça introduit pour la première fois l’or dans ces collections — elle utilisait jusque-là l’argent et le vermeil — mais aussi les pierres précieuses. Diamants, bien sûr, mais aussi pierres précieuses car, autre première, du bijou à l’écrin, Mara Paris s’écrit désormais en couleurs.
> Mara Paris. 29 rue Chapon 75003 Paris France. Site internet.