Luke Edward Hall révolutionne le décor mural

Inspiré du cirque, de Pompéi, mais aussi de Bloomsbury et des fresques de la Renaissance, le touche-à-tout britannique, artiste, designer, décorateur d'intérieur et même chroniqueur, compte bien redonner un coup de frais au concept de papier peint. Rencontre.

Tignasse blonde, lunettes rondes, tenues bariolées et visage d’ange. Luke Edward Hall, 35 ans, est sans doute l’un des artistes et designers britanniques les plus en vue du moment. Il expose ses dessins à Athènes, signe une chronique hebdomadaire pour le Financial Times, décore restaurants et hôtels – les Deux Gares, à Paris, c’est lui -, a croqué des campagnes pour Burberry, apposé ses personnages et son bestiaire sur des coussins, des assiettes et des parfums, signé une ligne pour Gant et même co-fondé Chateau Orlando, sa propre griffe de prêt-à-porter. Aujourd’hui, il s’associe une nouvelle fois à Rubelli, livrant une collection de papiers peints à composer à l’envie façon jeu pour enfant. L’occasion d’échanger quelques mots avec ce prodige basé à Oxfordshire, dans le sud de l’Angleterre.


À lire aussi : L’hôtel Les Deux Gares, meilleur antidote au spleen


IDEAT : Étiez-vous un enfant créatif ?

Luke Edward Hall : Oh que oui ! J’étais tout le temps en train de dessiner et de fabriquer des choses. Et je suis toujours comme ça !

Ajoutez un encadrement, une frise, un personnage, remuez le tout et vous obtiendrez votre décor mural personnalisé signé .
Ajoutez un encadrement, une frise, un personnage, remuez le tout et vous obtiendrez votre décor mural personnalisé signé .

IDEAT : Avez-vous toujours rêvé devenir artiste ?

Luke Edward Hall : Oui, ou du moins, un mélange entre artiste et designer. Je n’ai jamais pu m’imaginer empruntant une autre voie.

IDEAT : Est-ce difficile pour vous, en tant qu’artiste, de vous adapter à la vision d’un autre lorsque vous travaillez à vos projets de  design ?

Luke Edward Hall : Pas du tout. Ceux qui s’adressent à moi pour imaginer un intérieur le font parce qu’ils connaissent mon esthétique, l’atmosphère que j’essaie de créer. Bien sûr il y a toujours un brief à respecter, mais si je ne peux pas m’exprimer artistiquement, je n’accepter pas la mission.

IDEAT : Aujourd’hui, vous sentez-vous davantage artiste ou designer ?

Luke Edward Hall : Les deux, toujours ! Je ne m’en préoccupe pas tellement, il n’y a pas besoin de se coller une étiquette, de se ranger dans une case. J’adore brouiller les pistes, m’affranchir des frontières, tout comme les artistes et les designers que j’admire.

Le Britannique a signé la décoration de l’Hôtel des Deux Gares, situé dans le 10e arrondissement de Paris.
Le Britannique a signé la décoration de l’Hôtel des Deux Gares, situé dans le 10e arrondissement de Paris.

IDEAT : Quel a été le moment qui a marqué un tournant dans votre carrière ?

Luke Edward Hall : Il y en a eu plusieurs. Ma première collaboration d’envergure avec Burberry, en 2016, mon premier gros projet d’architecture d’intérieur, l’Hôtel des Deux Gares, à Paris… Et aussi lorsque j’ai commencé à travailler avec la galerie athénienne The Breeder, qui expose mes dessins et mes peintures.

IDEAT : Votre premier livre s’intitule Greco Disco et les figures et artefacts antiques semblent omniprésents dans votre travail. Cette période vous fascine ?

Luke Edward Hall : Depuis l’enfance, j’ai toujours adoré les mythes gréco-romains – ils sont plein de vie, de magie, d’aventure. En tant que jeune garçon ayant grandi dans une ville pluvieuse d’Angleterre, ce monde merveilleux peuplé de dieux, de centaures et de mers scintillantes m’a sidéré.

« Greco Disco : The Art and Design of Luke Edward Hall », éditions Teneues Verlag, 2019.
« Greco Disco : The Art and Design of Luke Edward Hall », éditions Teneues Verlag, 2019.

IDEAT : Y a-t-il d’autres époques qui vous captivent ?

Luke Edward Hall : Beaucoup. L’entre-deux guerre, à Londres, m’a toujours intrigué par exemple. Ce temps de grandes expérimentations, pendant lequel artistes et designers était à l’apogée de leurs pouvoirs. J’adore particulièrement lire les vies du photographe, portraitiste et écrivain Cecil Beaton, de l’aristocrate et mondain Stephen Tennant, qui faisait partie des Bright Young People, et de l’artiste Rex Whistler.

IDEAT : Si vous en aviez la possibilité, quel lieu, à quelle époque, choisiriez-vous de visiter ?

Luke Edward Hall : Peut-être l’ère élisabéthaine anglaise du XVIe siècle. Pour les vêtements.

IDEAT : Qu’est-ce qui vous a convaincu de collaborer avec Rubelli ?

Luke Edward Hall : Je suis très sensible à l’histoire fascinante de la maison et à leur héritage vénitien. Leur niveau d’excellence artisanal est inégalé et le produit final est donc absolument magnifique. Et puis, il y a les gens. J’adore travailler avec l’équipe Rubelli et j’ai tout de suite compris que ce serait un plaisir de travailler avec eux pendant des années à venir.

Les panneaux de la collection Parade s’assemblent à l’envie.
Les panneaux de la collection Parade s’assemblent à l’envie.

IDEAT : Après les tissus, vous signez cette fois une collection de papiers peints. En quoi proposez-vous une « nouvelle approche du décor mural« , selon vos termes ?

Luke Edward Hall : Les pièces que nous avons réalisées ne sont pas de simples papiers peints. En fonction de la taille de votre mur, vous pouvez sélectionner une figure (ou plusieurs !), puis des bordures, ainsi que des détails supplémentaires tels que des boiseries en trompe-l’œil. Les revêtements muraux sont imprimés sur commande, c’est donc au client de choisir. J’espère que les gens s’amuseront avec cette collection, en sélectionnant les personnages et les motifs architecturaux qui leur parlent.

IDEAT : Quel a été le plus gros défi à relever lors de la création de cette collection de papiers peints ?

Luke Edward Hall : L’aspect technique – s’assurer que les couleurs s’harmonisent, que l’échelle des différentes sections corresponde… Heureusement, l’équipe de Rubelli est très douée et a pu reprendre mes peintures et les retravailler numériquement.

Les bougies parfumées en céramique imaginées par le Britannique pour Ginori 1735.
Les bougies parfumées en céramique imaginées par le Britannique pour Ginori 1735.

IDEAT : Pouvez-vous me parler des personnages et de ce qu’ils représentent pour vous ?

Luke Edward Hall : Les personnages sortent tout droit de ce qui m’inspire le plus : la Grèce antique, le théâtre et le cirque. Il y a une sorte de douceur voulue dans mes figures, sans doute due à ma décision de peindre chaque image à l’aquarelle.

IDEAT : L’architecture semble également très présente dans votre travail et cette collaboration ne fait pas exception. Quel est le style architectural qui vous passionne le plus ?

Luke Edward Hall : Ah bon ! J’en aime beaucoup, mais je suis particulièrement attirée par l’architecture gothique. J’adore toutes les folies architecturales – tours, grottes, pavillons. Plus c’est fantaisiste, mieux c’est !

IDEAT : Quelle est l’histoire que vous avez voulu raconter à travers cette collection ?

Luke Edward Hall : Une histoire romantique, une sorte de cirque… J’ai voulu créer un défilé de dieux, de déesses, d’artistes, qui rêvent, jouent de la musique, dansent, posent.

L’artiste-designer en train de dessiner l’un des motifs de la collection de papiers peints Parade, pour Rubelli.
L’artiste-designer en train de dessiner l’un des motifs de la collection de papiers peints Parade, pour Rubelli.

IDEAT : Vous avez conçu des hôtels, des restaurants, des collections de céramiques, des tissus, des papiers peints, des vêtements… Quel est le médium qui vous convient le mieux ?

Luke Edward Hall : J’aime vraiment expérimenter, c’est donc difficile de n’en choisir qu’un seul… Tout mon travail est cependant centré sur le dessin et la peinture, au cœur de tout ce que je fais.

IDEAT : Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ?

Luke Edward Hall : Un nouveau projet d’hôtel en France et une exposition de dessins et de peintures avec The Breeder, qui aura lieu sur l’île grecque de Patmos en août…

Collection de papiers peints Parade de Luke Edward Hall pour Rubelli, réalisés sur commande, disponibles sur une base en vinyle ou un non-tissé à surface lisse, dans une impression en monochrome ou en couleurs pastel. Plus d’informations ici.


À lire aussi : Jeune designer : Luke Edward Hall, le magicien du mix & match en Technicolor