Milan, quartier Porta Romana. Le théâtre Franco Parenti, importante institution culturelle (rénovée par Michele De Lucchi en 2008), a ressuscité un quartier tranquille en faisant venir à lui le public. Dès lors, boutiques, librairies, écoles, bains Misteriosi, restaurants et cafés ont éclos. Luigi Di Mauro Morandi et sa femme, Benedetta, s’y sont installés avec leurs deux filles, Matilde et Nora, il y a cinq ans.
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Joyeux palimpsestes
Lui est architecte et designer au sein du duo Concepta, un studio milanais qu’il a créé avec son amie et consœur Alice Frana, architecte d’intérieur. Milanais d’origine, il se souvient comment, étudiant, suivant les ateliers de Bruno Munari, il eut une révélation : « Dès la première session, il nous a présenté une feuille blanche en nous demandant d’en déchirer les bords, parce qu’un projet, une idée, ne doit pas nécessairement être circonscrit dans un périmètre carré et rectangulaire. »
Cette approche librement conceptuelle a fait germer chez Luigi « une passion pour les facettes, pour les irrégularités » et un désir de voir les choses et les espaces de vie sous des angles inhabituels. Alice, quant à elle, milanaise d’adoption et diplômée de l’École polytechnique de Milan, nourrit une grande sensibilité pour les combinaisons de couleurs. Leurs interventions, minimalistes et discrètes, s’expriment parfaitement ici. La plus perceptible apportant une pureté formelle et matérielle, contrebalancée par l’usage subtil de la couleur et quelques clins d’oeil ludiques.
Respecter les caractéristiques de la maison ou de l’appartement, mais l’adapter à la vie de ses futurs occupants est la ligne directrice des deux architectes, qui font de l’écoute le premier de leurs commandements : « Une attention particulière qui nous permet de percevoir ce que le lieu a à offrir – détails d’époque, finitions, revêtements, ambiances – et de comprendre ce que les personnes qui y vivront recherchent réellement. »
Un appartement familiale
Leur sensibilité à la notion d’héritage est ici à son comble, puisque l’appartement était celui de la grand-mère de Luigi ! « Ma formation à l’université de Gênes m’a sensibilisé au patrimoine architectural, et cela imprègne ma façon de travailler », explique-t-il. On y retrouve une grande entrée aveugle, une salle à manger, un salon, puis une distribution classique des chambres.
Pour intégrer une cuisine ouverte sur le salon-salle à manger, Luigi a décidé d’abattre les murs de l’entrée. Mais il s’est aussi adapté à ce que les lieux lui suggéraient : « Comme il n’était plus possible d’y conserver le dessin original des sols, nous les avons démontés et reposés en fonction de la nouvelle géométrie des espaces. Il en va de même pour les tuyaux du système de chauffage: ils ne sont plus placés contre le mur de la salle à manger, mais ont dicté le thème de la cuisine “suspendue”. »
Cette cuisine, devenue pièce centrale, a donc été conçue sur mesure telle une « machine à rêver » ! Un panneau en verre dépoli peut être ouvert et orienté dans diverses positions. Un garde-manger permet de ranger les éléments essentiels tout en libérant l’espace du comptoir.
Quant à l’aspect volontairement délabré des murs, il vient d’une surprise. « Alors que nous étions en plein chantier, nous avons découvert des décorations sous plusieurs couches de plâtre. Tout devait être plus neutre, mais nous avons préféré jouer avec la palette existante, en intercalant des aplats. »
Pour le mobilier, Concepta collabore depuis des années avec diverses galeries telle Avanguardia Antiquaria. Parfois, le duo part même d’un meuble et crée l’ambiance autour de lui. « Nous cherchons la pièce la plus en phase avec le projet et avec ceux qui vivront là, car le plus important est que, malgré notre intervention, les habitants sentent que l’espace est le leur. Ils doivent s’y reconnaître et donc connaître les éléments qui le composent. »
L’épouse de Luigi, qui a travaillé pour des boutiques de vintage, collabore à la recherche de ces pièces à forte identité. D’autres espaces sont eux aussi assez ludiques, constitués de jeux de hublots, d’échelles, de mezzanines.
Ce qui ravit les deux adolescentes qui vivent ici, déplaçant à loisir ces échelles ou s’allongeant dans les airs pour lire ou rêvasser sur des filets suspendus comme ceux des catamarans. Mais malgré les greniers et les filets flottants, lorsque la famille est au complet, c’est bien autour de la salle de séjour que tout le monde gravite.
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