Séparateurs de pièces, entre objet fonctionnel et élément de décoration, le paravent s’impose dans nos intérieurs. Décryptage d’une tendance phare qui traverse sans défaillir les époques et les styles.
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Un objet historique qui fascine
Leur origine remonte au IVe siècle avant notre ère, en Chine, peu avant le déclin de la dynastie Zhou, où le paravent est utilisé pour créer des séparations au sein des grandes pièces des demeures royales. À ce moment, il n’est composé que de panneaux de bois fixes. Il faut attendre la dynastie suivante, celle des Han, au IIIe siècle av. J.-C. pour qu’il devienne pliable. Mais son arrivée en Europe se fait désirer. Grâce aux premières expéditions britanniques du XVI siècle, le paravent arrive finalement en occident, où il s’imposera rapidement, devenant le summum du raffinement.
En 2024, cet objet est toujours autant d’actualité. La preuve : la Fondation Prada, à Milan, dédiait il y a quelques mois une exposition entière à cet élément. Regroupant modèles historiques et commandes contemporaines faites à des artistes de divers horizons, l’événement démontrait l’intérêt renouvelé pour cet accessoire plus que décoratif, qui n’a, en réalité, jamais vraiment quitté nos intérieurs. Les designers s’emparent de cet accessoire, se jouant des styles et des esthétiques sur cette paroi mobile qui s’éloigne aujourd’hui de sa fonction première en ajoutant plus d’une corde à son arc.
Diviser pour mieux décorer
Sa fonction première naît du besoin de créer des séparations entre les pièces. Sous les dynasties chinoises, son esthétique s’inscrit dans un artisanat d’art proche de l’orfèvrerie. Amovible certes, le paravent est avant tout un élément imposant, souvent lourd, et toujours largement ornementé. Une fonction qu’il continue d’occuper aujourd’hui.
Pour l’architecte d’intérieur new-yorkaise Taylor Migliazzo Simon, la ré-émergence de cette tendance est directement liée à l’architecture contemporaine de nos lieux de vie : « Les plans « open floor », ces lofts et appartement multipliant les espaces ouverts, sont légions depuis des années. Mais on constate actuellement un revirement, marqué par le désir de retrouver des espaces dédiés à des fonctions précises. Les paravents sont une solution élégante, très « tasteful » pour délimiter différentes zones. Et ils jouent également le rôle d’œuvre d’art. Un objet qui a tout bon ! ». Qu’il s’agisse de créer une séparation entre coin repas et salon, d’isoler un espace de travail ou encore d’aménager une alcôve dédiée à la lecture et la détente, les paravents retrouvent leur fonction initiale en créant des espaces confidentiels tout en apportant un atout décoratif majeur.
Le paravent, une fonction plurielle
Le paravent divise les pièces, certes, mais sa fonction s’étend bien au-delà. L’exposition « Paravents : les panneaux pliants du 17e siècle à nos jours » de la Fondation Prada l’a d’ailleurs bien démontré. Les plus anciennes pièces présentées rappellent que ces objets servaient aussi à la narration, étaient porteurs d’histoire, devenant éléments décoratifs relatant faits historiques et batailles navales, mais également le changement des saisons. Au sein de l’exposition, les œuvres contemporaines contrastent avec ces objets anciens, le plus souvent réalisés en bois sculpté. Râpe à fromage géante, modèle à bibliothèque intégrée, paravent servant de toile de fond à la projection d’un décor filmé… L’objet se fait donc œuvre d’art, n’ayant plus besoin de remplir une fonction pratique. Moins formel qu’une toile, plus libérateur qu’un simple accessoire, cet élément séculaire sert de support à de nombreux designers et artistes.
Dans la décoration intérieure, cet objet joue depuis toujours une série de rôles, son caractère esthétique adoptant toutes les tendances, le rendant toujours plus versatile. «Après quelques objections de pure forme, Emma ne cacha pas qu’elle était touchée des égards témoignés à son père et du tact avec lequel la demande était formulée : « Ils auraient déjà sollicité l’honneur de les recevoir, mais ils avaient attendu l’arrivée d’un paravent commandé à Londres : ils espéraient maintenant être en mesure d’éviter à M. Woodhouse toute espèce de courant d’air »», écrivait Jane Austen en 1815 dans son roman Emma. Aujourd’hui, il fait office de tête de lit dans la chambre à coucher, se substitut aux rideaux devant une fenêtre indiscrète, devient barrage visuel aux recoins peu esthétiques… Une ouverture infinie du champ des possibles.
Un éventail d’esthétiques
Ces dernières années, selon Taylor Migliazzo Simon, la tendance bascule vers un retour à des esthétiques vintage, renouant avec une dimension artisanale. Parmi les pièces incontournables repérées dans les collections, on note le modèle imaginé par Joe Henry Becker pour Garcé & Dimofski. Une pièce unique encadrée de bois de châtaignier dont les pans sont parés d’une œuvre d’art de l’artiste. Décliné l’objet dans une version laquées, Paravent I.I. fait écho aux paravents des 17e et 18e siècles.
Chez la designer australienne Sarah Ellison, le paravent se joue des rayures. Légèrement décalé, composé de quatre panneaux apposés à l’endroit puis à l’envers, l’objet apporte une touche de décadence mesurée dans un intérieur en quête de division d’espace. Le cannage est lui aussi omniprésent, comme chez Frama Copenhagen, qui décline également ses paravents dans des version en bois et en lin, jouant la carte de l’élégante simplicité. Du côté des pièces plus décoratives, coup de cœur pour la création du designer Thomas Trad et son paravent Eva. Installé à Beyrouth, le créatif reprend les techniques de travail traditionnel du bois et y appose une esthétique contemporaine. Le paravent ne connaît aucune limite.
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