Giuliano Dell’Uva est un grand compositeur. Passé maître dans l’art d’associer les éléments architecturaux et les pièces d’ameublement, il sait y adjoindre une multitude de références historiques et contemporaines. C’est à ce talent singulier que ce Napolitain doit sa renommée internationale. Visite privée.
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Giuliano Dell’Uva pose ses valises à Milan
Dans la maison milanaise de Giuliano Dell’Uva, alternative à la bâtisse napolitaine où il passe la plupart de son temps et où se trouve son studio, la scénographie domestique naît du dialogue entre l’ancien et le nouveau, entre des fresques découvertes presque par hasard et une sorte de « boîte » blanche créée pour l’occasion, qui a l’avantage de structurer l’habitation tout en préservant l’intégrité de ces peintures murales.
Cet effet est perceptible dès l’entrée. Sans filtres ni écrans, celle-ci donne directement sur le grand espace de vie qui accueille un coin salon avec canapé et un autre consacré aux repas, avec une table de Carlo Scarpa des années 70. Les parois de la boîte ne touchent ni les murs ni le plafond, tandis que le sol s’inscrit dans une continuité, sans rupture de niveau.
« J’ai eu l’impression, explique son concepteur, qu’il n’y avait pas d’organisation des pièces préexistante. Cela a soutenu mon désir d’imaginer une architecture autour du mobilier iconique des années 70 et 80 de notre collection. Mais pendant les travaux, nous avons découvert sur les plafonds des fresques de style Art nouveau très bien conservées. Le projet a donc évolué. Car la répartition des espaces prévue aurait eu pour conséquence de rompre l’harmonie de ces décors, un sacrifice auquel, évidemment, je ne pouvais me résoudre. Maintenant, dans chaque pièce, les murs et les meubles escamotables sont comme des boîtes, avec différentes inclinaisons, qui mettent en valeur les fresques sans perturber les proportions. »
Le plafond de la cuisine produit un contraste saisissant avec les meubles de rangement blancs semblables à des boiseries contemporaines, sans poignées ni autres indices qui révéleraient leur fonction, les rendant ainsi quasi invisibles.
L’un d’eux, divisé en carrés réguliers par des joints noirs, sert de contrepoint à l’îlot central en marbre foncé gravé d’un motif en damier, tous deux rendant hommage à la série « Quaderna » lancée dans les années 70 par Superstudio (ce groupe de designers italiens d’avant-garde fondé en 1966 et dissous en 1982, NDLR).
Giuliano Dell’Uva nourrit son langage d’une grande capacité à assimiler ce qu’il voit, qu’il s’agisse des détails d’une mosaïque ancienne ou des lignes pures du design nordique.
Grands maîtres et artisans anonymes
Depuis les hommages aux grands maîtres jusqu’à la valorisation de l’artisanat anonyme, ce qui est déposé dans les archives de sa mémoire réapparaît dans ses projets sous une forme élaborée. Pour Giuliano Dell’Uva, vivre Milan de plus près signifie en approfondir son appréciation, tandis que cette connaissance enrichit son vocabulaire.
« Notre agence emprunte beaucoup au travail réalisé au fil des ans par les architectes et les designers qui ont appliqué le programme de l’école du Bauhaus ici, à Milan, qui y ont enseigné, confie-t-il. Des bâtiments les plus marquants jusqu’aux plus simples objets du quotidien. Choisir des pièces de mobilier signées Mario Botta ou Carlo Scarpa, c’est introduire ces grands maîtres dans l’espace domestique, faisant ainsi écho à la trace qu’ils ont laissée dans la ville. Cette imprégnation se poursuit jusque dans notre chambre, d’où l’on peut apprécier la vue sur l’immeuble d’habitation Casa Marmont tout proche, avec sa villa sur le toit, que le visionnaire Gio Ponti a bâti en 1934. »
Les couleurs jouent un rôle important dans cette maison, du blanc optique du salon au noir cernant la cheminée, jusqu’au jeu de contrastes qui se poursuit dans la cuisine, en passant par le jaune de la chambre du fils et les tons plus enveloppants de la chambre parentale. « J’aime choisir moi-même les teintes, confie Giuliano Dell’Uva, et parfois les opposer. »
Dans ce projet, il a dû composer avec sa femme, Andrea, exigeante et complice à la fois. « Je dois admettre qu’elle est très douée, concède-t-il en souriant, un détail lui suffit pour comprendre le potentiel d’un lieu, quel qu’il soit. Et dans ce cas précis, elle a été très pertinente. »
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