La maison-atelier brutaliste de l’artiste Stefan Brüggemann

Pour réaliser son projet de maison-atelier, l’artiste Stefan Brüggemann a fait appel à l’architecte Alberto Kalach. Leur langage commun a donné naissance à une esthétique brutaliste au milieu d’une nature omniprésente, maîtrisée, qui invite à la contemplation.

Un volume de béton s’élève au milieu d’une symphonie de végétation luxuriante. Nous sommes au centre d’Ibiza, l’île des Baléares connue pour ses fêtes endiablées, ses retraites spirituelles et ses plages immaculées. « Je viens ici pour travailler », déclare l’artiste conceptuel mexicain Stefan Brüggemann, qui a acheté ce terrain par hasard, après le désistement d’un ami et en a fait une maison-atelier brutaliste.


À lire aussi : L’appartement ludique et joyeux de Luigi Di Mauro Morandi à Milan


Brutalisme méditerranéen

Vivant entre Londres et Mexico, Stefan Brüggemann a été séduit par l’idée d’un projet de maison-atelier impossible à réaliser dans ces deux villes. « Il s’agit de remettre en question les paradigmes. Quand vous pensez au lieu de travail d’un artiste, vous imaginez un endroit en désordre rempli de toiles, au sol taché de peinture. Quand vous évoquez Ibiza, vous imaginez des maisons blanches et une vue sur la mer. Ici, j’apporte un espace qui défie l’architecture, le paysage et l’art. »

Devant sa maison-atelier brutaliste, Stefan Brüggemann se tient à l’intérieur d’une de ses œuvres. Dans sa main, un crâne, symbole existentiel qui fait partie des nouvelles sculptures sur lesquelles l’artiste travaille.
Devant sa maison-atelier brutaliste, Stefan Brüggemann se tient à l’intérieur d’une de ses œuvres. Dans sa main, un crâne, symbole existentiel qui fait partie des nouvelles sculptures sur lesquelles l’artiste travaille. Daniel Schäfer / Living Inside

Le langage artistique de Stefan Brüggemann caractérisé par le minimalisme, le street art et un réquisitoire social au travers de textes l’a amené à collaborer avec son compatriote, l’architecte Alberto Kalach connu pour son interprétation austère des espaces et dont c’est le premier projet européen.

La construction brutaliste aux allures de monastère contemporain, confiée à l’architecte Alberto Kalach, se fond dans une végétation luxuriante.
La construction brutaliste aux allures de monastère contemporain, confiée à l’architecte Alberto Kalach, se fond dans une végétation luxuriante. Daniel Schäfer / Living Inside

« Je voulais que la construction soit en résonance avec mon approche de l’art, en utilisant efficacement les matériaux bruts », explique l’artiste. L’architecte et lui ont passé deux semaines à faire connaissance avec le terrain et l’un avec l’autre, après quoi Alberto Kalach a eu carte blanche.

Côté salon, canapé noir Pyrenees de Fredrikson Stallard. Canapé bleu Soriana d’Afra et Tobia Scarpa (Cassina, 1969). Table basse B.A.R de Willy Rizzo (1970). Fauteuils Safari d’Arne Norell (1960). Table d’appoint Vendôme Gueridon 1 de Fredrikson Stallard. Au-dessus de la cheminée, lambris en yakisugi (bois brûlé).
Côté salon, canapé noir Pyrenees de Fredrikson Stallard. Canapé bleu Soriana d’Afra et Tobia Scarpa (Cassina, 1969). Table basse B.A.R de Willy Rizzo (1970). Fauteuils Safari d’Arne Norell (1960). Table d’appoint Vendôme Gueridon 1 de Fredrikson Stallard. Au-dessus de la cheminée, lambris en yakisugi (bois brûlé). Daniel Schäfer / Living Inside

L’esthétique brutaliste et inachevée du bâtiment est une déclaration à l’importance de la structure. Le travail de Luis Barragán (1902-1988), architecte mexicain moderniste, qui ne faisait pas de distinction entre l’architecture et le paysage, a également exercé une grande influence. Le concept d’un jardin avec une maison, et non l’inverse, est particulièrement parlant.

Demeure artistique

La construction s’étend sur trois niveaux : l’atelier au sous-sol, un vaste espace au rez-de-chaussée et la chambre principale au premier étage. Contrastant fortement avec l’aspect brut de la structure, l’installation artistique de Brüggemann dans la pièce à vivre – et sa seule intervention dans le bâtiment – consiste en des murs recouverts de feuilles d’or, qui révèlent par endroits des inscriptions, tandis qu’une bande-son enregistrée par l’un de ses amis, le chanteur Iggy Pop, diffuse ses réflexions existentielles.

Posée sur la table Brutal (Habitación 116), en pierre bleue de Belgique, œuvre littéraire Hyper-Palimpsest, signée de l’artiste (Mathieu Copeland Éditions, 2022).
Posée sur la table Brutal (Habitación 116), en pierre bleue de Belgique, œuvre littéraire Hyper-Palimpsest, signée de l’artiste (Mathieu Copeland Éditions, 2022). Daniel Schäfer / Living Inside

Le plafond formé de voûtes de béton, ouvertes à certaines extrémités, répond à un sol noir en brique volcanique mexicaine. Les armoires et les lambris sont en yakisugi, du bois brûlé suivant une technique japonaise qui lui donne de la texture et le protège naturellement. La maison ne compte que deux chambres, car elle est conçue comme un refuge intime et un lieu de travail pour Stefan Brüggemann et sa femme.

Dans la pièce à vivre, les murs sont recouverts de feuilles d’or ponctuées d’inscriptions – une intervention artistique de Stefan Brüggemann. Le sol en brique volcanique mexicaine répond à un plafond formé de voûtes de béton, dont certaines sont ouvertes aux extrémités pour apporter de la lumière. Chaises Kentucky de Carlo Scarpa (Benini, 1977). En arrière-plan, la cuisine ouverte présente du mobilier en noyer.
Dans la pièce à vivre, les murs sont recouverts de feuilles d’or ponctuées d’inscriptions – une intervention artistique de Stefan Brüggemann. Le sol en brique volcanique mexicaine répond à un plafond formé de voûtes de béton, dont certaines sont ouvertes aux extrémités pour apporter de la lumière. Chaises Kentucky de Carlo Scarpa (Benini, 1977). En arrière-plan, la cuisine ouverte présente du mobilier en noyer. Daniel Schäfer / Living Inside

Toutefois, inspiré par le philosophe allemand Walter Benjamin, qui a passé du temps à Ibiza au début des années 30 pour développer sa pensée et son écriture, l’artiste souhaite inviter en résidence des écrivains, des poètes, des critiques ou des sociologues.

Dans le sous-sol de la maison brutaliste, qui compte trois niveaux, Stefan Brüggemann a installé son atelier. Ce dernier est doté d’une porte concertina en yakisugi (bois brûlé).
Dans le sous-sol de la maison brutaliste, qui compte trois niveaux, Stefan Brüggemann a installé son atelier. Ce dernier est doté d’une porte concertina en yakisugi (bois brûlé). Daniel Schäfer / Living Inside

« Dans mon travail, je traite beaucoup avec le langage et les mots. Je veux donc créer un laboratoire pour échanger des idées, en transformant la maison-atelier en un lieu de production intellectuelle plutôt que matérielle », précise-t-il.

Dans l’atelier, les œuvres Hi-Speed Contrast (2022) de l’artiste ont fait l’objet de l’exposition « Stefan Brüggemann. White Noise » en 2023, dans la galerie Hauser&Wirth de Los Angeles. Fauteuil S15 de Pierre Chapo (1964).
Dans l’atelier, les œuvres Hi-Speed Contrast (2022) de l’artiste ont fait l’objet de l’exposition « Stefan Brüggemann. White Noise » en 2023, dans la galerie Hauser&Wirth de Los Angeles. Fauteuil S15 de Pierre Chapo (1964). Daniel Schäfer / Living Inside

À l’extérieur, une piscine circulaire s’intègre parfaitement dans le paysage. Elle est entourée de monticules de terre plantés d’érémophile soyeuse, au feuillage gris argenté, de lavande, d’eucalyptus et de 300 autres variétés. « C’est un luxe pour moi. Lorsque je plonge dans l’eau, je suis immergé dans la nature, dans les couleurs et dans les textures », se réjouit le propriétaire.

Dans la chambre principale, on retrouve le plafond et ses voûtes de béton ainsi que le sol en brique volcanique mexicaine, mais réchauffés ici par un panneau en bois. Lampadaire Toio d’Achille Castiglioni (Flos, 1962). Tables de chevet et lampe à poser vintage.
Dans la chambre principale, on retrouve le plafond et ses voûtes de béton ainsi que le sol en brique volcanique mexicaine, mais réchauffés ici par un panneau en bois. Lampadaire Toio d’Achille Castiglioni (Flos, 1962). Tables de chevet et lampe à poser vintage. Daniel Schäfer / Living Inside

Avant de posséder ce terrain de 30000 mètres carrés, Brüggemann n’était qu’un spectateur de jardins et n’avait jamais pensé avoir l’occasion ni l’intérêt d’en imaginer un : « Les graffitis que je crée sont axés sur l’immédiateté. Maintenant que je travaille avec la nature, c’est l’inverse. Cela prend du temps, il faut être patient. »

Depuis le début de ce projet, l’artiste réfléchit également à son évolution: « Je vois le paysage comme un jardin botanique à remplir de plantes. Je souhaite que tout cela devienne une grande œuvre d’art. »


À lire aussi : Une ode aux années 70 dans l’appartement de Mia Martin

The Good Spots Destination Espagne