Studioparisien est dans la vérité, celle de l’instant. Laurene B. Tardrew et Romain Jourdan donnent l’impression que le projet dont ils vous parlent au moment de la rencontre est le plus important de tous. Cette passion les immunise contre la crainte d’être étiquetés « spécialistes des boutiques de luxe ». Pourtant, leur actualité est, a contrario, axée sur leur activité de designers. Terence Mesguich Jacquemin, directeur artistique de Philippe Hurel, leur a demandé du mobilier contemporain afin de dissiper l’image très classique de la maison.
Laurene et Romain ont imaginé Yumi, un canapé moelleux aux courbes évoquant un boomerang japonais, et Kesiah, une table basse en bois foncé, sorte de bouclier posé sur des pieds de marbre blanc veiné. Enfin, Moon est une chauffeuse enveloppante, dont les rondeurs tendues de tissu bouclé contrastent avec l’ensemble châssis et pieds en chêne foncé. Des artisans, ébénistes et tapissiers de la manufacture de Philippe Hurel, à Coulombs (Eure-et-Loir), Laurene et Romain n’ont que des souvenirs d’enrichissements mutuels.
Art et artisanat ou artisanat d’art
Le couple phosphore d’une énergie tenue comme un fauve en laisse et l’on sent leur habitude à mettre les sujets bien à plat. « Extraire l’ADN d’une maison, c’est faire le geste qui convient aujourd’hui et peut-être pour dix ans. Pour parvenir à cet objectif, tout pose question : le décor, les finitions, l’accueil, la circulation, l’expression des valeurs d’un univers », analyse Laurene. Romain relie ce travail aux savoir-faire des artisans d’art d’ateliers tels que Lison de Caunes, Veronese Paris, Jouffre, Gohard, Maison Charles ou Bernard Pictet. Partager un même niveau d’exigence les amène souvent à explorer de nouvelles matières. À l’orée de la quarantaine, Laurene et Romain savent beaucoup de choses et ont du temps pour en découvrir d’autres.
Le coup de foudre
Elle, architecte d’intérieur sortie de l’école Penninghen, dessine d’abord pour des projets d’architecture. Lui entame des études de communication avec, dans ses cahiers, plus de dessins que de notes. Puis devient directeur de la création dans un groupe de communication. Lors du lancement de parfums pour Viktor & Rolf, une amie paysagiste lui recommande une architecte. Lui : « Un coup de foudre. » Elle : « La folie. » Cette collaboration pour les parfums Flower Bomb et Antidote amorce une conversation qui ne s’est jamais tarie.
Quand on a, tout jeunes, Karl Lagerfeld pour client, il est sain de vivre les choses sans besoin de le faire savoir. D’autant que le monde du luxe apprécie la confidentialité. Collaborer avec un grand créateur ? « C’est à nous de tirer la ligne jusqu’à l’angle cassant », dit Laurene. En 2013, Studioparisien à peine créé, le duo pense qu’il va se plier à la volonté de Karl Lagerfeld. En fait, il a carte blanche pour concevoir un showroom. Le lieu, un ancien cabinet d’avocats dans un hôtel particulier, est fantastique. Laurene et Romain refont les parquets, récupèrent les moulures, retrouvent tous les éléments d’origine. Devant leurs dessins, le styliste lâche : « Ce sera ça… Je ne change rien. Je prends tout. »