Interview de Simon Stanislaswski, celui qui revalorisait les matelas abimés

Son mobilier ultra coloré fabriqué à base de vieux matelas avait donné matière à penser aux visiteurs du festival Design Parade Hyères 2024, qui avait lieu en juin dernier à la Villa Noailles. Retrouvé à Berlin dans l'atelier qu'il partage avec UND.studio, collectif informel qu'il a co-fondé, le designer allemand revient sur son parcourt et son amour pour la mousse. Rencontre.

Rencontre avec Simon Stanislaswski à Kreuzberg chez UND.studio, le collectif informel qu’il a co-fondé et avec qui il a conçu en 2022 l’une des 4 chambres du projet Porta Rossa sur l’île de Kastellorizo. Sa collection de mobilier et sacs « Softy » en mousse de polyuréthane issue vieux matelas upcyclée et sculptée, a été très remarquée cet été à la Villa Noailles, où il était l’un des dix finalistes de Design Parade Hyères 2024.


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IDEAT : Pourquoi avez-vous choisi de devenir designer ? Avez-vous été séduit par l’aspect manuel ou par le côté artistique ?

Simon Stanislaswski : Un mix des deux. L’artisanat a toujours été très présent dans mon environnement familial. Ma mère réparait nos vélos et nous construisait, aidée de mon oncle boulanger-pâtissier, des cabanes dans les arbres – j’adorais ça.

Portrait de Simon Stanislawski. © Luc Bertrand
Portrait de Simon Stanislawski. © Luc Bertrand

J’ai aussi toujours aimé dessiner, la BD, le graphisme. J’ai choisi une conception du design où il est important de créer des choses avec mes mains, pas seulement via un ordinateur, mais en travaillant directement les matériaux.

IDEAT : Vous avez co-fondé le collectif informel UND.studio il y a une dizaine d’années déjà à Berlin …

Simon Stanislaswski : Oui, Sebastian Schwindt, Till Ronacher, Jonas Maria Droste et moi même étions encore étudiants à l’époque. Nous voulions avoir un espace où travailler sur nos propres créations en profitant d’un équipement partagé, ce qui a donné lieu à ce concept d’atelier-studio. Nous étions plutôt des artisans à nos débuts, travaillant surtout sur des projets d’aménagement intérieur pour des magasins et de cuisines pour des particuliers.

IDEAT : Vous vous apprêtez, au sein d’UND.Studio, à lancer un module de cuisine. Qu’est-ce qui la rend si particulière ?

Simon Stanislaswski : Nous travaillons sur ce projet avec Till et Jonas depuis environ six ans. Tout a commencé par le constat que toutes les cuisines sont fabriquées en panneaux de particules, des premier prix aux plus chères. Bien sûr, pour les cuisines haut de gamme, la qualité du matériau à l’extérieur est beaucoup plus qualitative, mais à l’intérieur, c’est toujours de l’aggloméré.

Simon Stanislawski a imaginé en compagnie de ses acolytes de UND.studio des modules de cuisine en acier.
Simon Stanislawski a imaginé en compagnie de ses acolytes de UND.studio des modules de cuisine en acier.

Nous voulions donc créer une cuisine qui soit entièrement en métal – aluminium ou acier inoxydable, deux matériaux qui peuvent de plus être ré-utilisés ou recyclés. Il y a trois ans, nous avons enfin trouvé la solution parfaite à nos yeux et développé une technique spéciale pour plier ce dernier. Nous l’abordons davantage comme un meuble indépendant que comme une cuisine. Tous les côtés sont beaux, nul besoin de cacher quoi que ce soit ou de recouvrir les façades d’autres matériaux.

IDEAT : Pouvez-vous nous parler de « Softy », le projet de mobilier que vous avez présenté cet été à la Design Parade 2024  ?

Simon Stanislaswski : J’avais nommé ce projet « Softy by the sea » parce qu’il serait exposé à Hyères [à la Villa Noailles, Ndlr], mais toute la collection en général s’appelle « Softy ». Les pièces sont créées à partir de vieux matelas, car je suis convaincu que les designers doivent cesser d’utiliser uniquement de nouveaux matériaux pour construire de nouvelles propositions. Il est impératif de trouver des solutions. Tout a commencé avec un constat : personne ne veut de ces vieux matelas, qui sont donc brûlés, rejetant ainsi des particules toxiques dans l’environnement. Mon projet vise à faire disparaître ce sentiment de dégoût qui a été, au début, la réaction de toutes les personnes à qui j’en ai parlé.

Le mobilier « Softy » de Simon Stanislawski, exposé cet été à la Villa Noailles pendant le festival Design Parade 2024 © Camille Lemonnier
Le mobilier « Softy » de Simon Stanislawski, exposé cet été à la Villa Noailles pendant le festival Design Parade 2024 © Camille Lemonnier

Si on a une conscience environnementale, on achètera des vêtements de seconde main mais jamais de sous-vêtements d’occasion. Idem pour les matelas – c’est une ligne rouge. Cependant, en retirant cinq centimètres d’épaisseur (ce qui, selon les étude que j’ai consultées, correspond largement à ôter la couche qui a absorbé la sueur) et en le recouvrant une couche protectrice, cette sensation désagréable s’efface, puisqu’il s’agit alors d’un nouveau produit, doté d’une toute autre valeur. La peinture que j’utilise n’est certes, pour l’instant, pas très écologique. Toutefois, il s’agit d’une peinture polyuréthane projetée sur des matelas en polyuréthane, et je ne crée donc pas un nouveau matériau composite. Je suis, évidemment, très intéressée par la recherche de nouvelles solutions de revêtement.

IDEAT : Aujourd’hui, vous vivez entre Hambourg et Berlin. Que vous apportent ces deux villes ?

Simon Stanislaswski : J’ai toujours désiré travailler avec Konstantin Grcic sans jamais en avoir l’occasion. Aussi, quand j’ai appris qu’il enseignait en master à Hambourg, je n’ai pas hésité à m’inscrire au cursus. D’autant plus que je me sentais un peu piégé car je réalisais alors essentiellement des aménagements pour des clients privés. Or, je n’ai pas étudié le design pour devenir menuisier.

De près, on remarque le travail de sculpture de la mousse. Le résultat intrigue, invite au toucher. © Camille Lemonnier
De près, on remarque le travail de sculpture de la mousse. Le résultat intrigue, invite au toucher. © Camille Lemonnier

De plus, je commençais à développer la collection « Softy » et j’ai facilement trouvé un studio partagé avec d’autres anciens étudiants. Mais j’adore revenir à Berlin – la liaison est rapide, il ne faut que deux heures de train -, et continuer le projet avec Jonas et Till. J’ai grandi en quelque sorte avec UND.Studio. Donc mon cœur sourit toujours quand j’arrive ici, parce que nous avons partagé pendant 12 ans, non seulement l’espace et les moyens investis, mais aussi nos connaissances, nos expérience, nos outils, nos repas avec cette famille qu’est pour moi UND. studio.

> Plus d’informations sur Simon Stanislaswski ici.


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