Vous ne faites jamais ni dans l’austère ni dans le m’as-tu-vu. Est-ce dû à votre goût, à une tempérance toute personnelle ou simplement au hasard des projets ?
Cristina Celestino : Je pense que cela vient de mon goût personnel et de tout ce sur quoi j’ai planché, de l’architecture à l’histoire du design. Je me suis aussi intéressée à certains éléments de la nature, j’ai compulsé des catalogues, recherché des couleurs et des textures, en scrutant parfois la mode. Une attitude peut suffire à m’inspirer.
Milan, épicentre de la mode, qui collabore avec des designers et des architectes, c’est le bonheur ?
Oui ! Je pense que c’est uniquement positif. Même si, pour être actuelle, la mode pulse très vite en matière de recherches et de production, je suis fière d’avoir collaboré avec des maisons italiennes et iconiques comme Fendi ou Sergio Rossi. Ces marques ne sont d’ailleurs pas circonscrites à Milan et à l’Italie. Elles sont internationales.
Comment ressentez-vous l’héritage des maestri du design italien ?
Je ne le considère pas comme un poids. L’histoire du design italien est avant tout celle d’un héritage exceptionnel. Ce n’est en rien une contrainte. Je pense même qu’il est primordial de connaître cette histoire et le monde qu’elle reflète. Le fait que je n’aie pas étudié le design de façon scolaire est peut-être aussi une chance finalement ; je me sens plus libre de jouer avec un tas de références. Le vrai problème, aujourd’hui, jusque chez de grandes marques, c’est qu’il y a beaucoup de copies du mobilier historique italien ou même international. C’est triste, parce ce que ce n’est vraiment pas la meilleure façon d’aborder le passé. Quant aux copies de design contemporain, elles constituent aussi un gros problème…
Quel rapport entretenez-vous avec l’artisanat ?
L’artisanat nous amène à mieux prendre en considération les matériaux et à appréhender autrement les formes. Cela suppose aussi d’avoir – avant de dessiner quoi que ce soit – une bonne relation avec ceux qui produisent et avec les artisans eux-mêmes. Se voir, discuter tous ensemble pendant le développement du produit, c’est primordial.
Y a-t-il une chose qu’on ne vous a pas encore demandée mais que vous aimeriez dessiner ?
Une cuisine.
Avec combien de personnes travaillez-vous ?
Quatre collaborateurs : deux designers et deux architectes. Nous avons parfois des collaborations externes, pour des illustrations graphiques par exemple.
La période du Salon du meuble de Milan constitue-t-elle fatalement un grand moment de pression ?
Il est difficile d’exercer ces différents métiers au même moment. Moi, qui suis plutôt quelqu’un de timide, je ressens effectivement cette pression typique de la Fiera : les shootings, les interviews… Je sais que cet aspect est inhérent à mon travail, mais cela peut être dur d’en assurer la cohérence. J’essaie de rester concentrée sur mes projets de design au milieu de tout cet… opéra ! (Rires.)
Quelques mois après la Fiera de Milan, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Positif, parce que je pense que, au milieu de tout ce que l’on peut voir durant le salon, copies comprises, on croise aussi de bons designers et de bons éditeurs. Même dans un climat économique tendu, ceux-là essaient de faire du mieux qu’ils peuvent des choses positives dans leur domaine. Il est peut-être difficile, pour une marque ou pour un client, de jeter son dévolu sur LE bon produit ou LES bons designers. Mais je crois que cela fait partie du système. En tout cas, entre crise économique et urgence environnementale, les designers faisant de leur mieux sont plus que jamais nécessaires.