Le RER qui mène au Vésinet (78) chez Michel Buffet, c’est lui qui l’a dessiné. Plus loin dans la rue, le parcmètre vintage – dernier exemplaire d’un modèle hors d’usage –, c’est encore lui. Et à son domicile, ses luminaires, bien que surfins, ont été conçus au tout début de sa carrière. En 2015, IDEAT se rendait chez le designer industriel qui s’est éteint le 30 mars 2024.
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Michel Buffet : parcmètres, RER et luminaires
Michel Buffet et son épouse vivent avec ces lampes, discrètes, au milieu de classiques du design. Grande fut sa surprise quand, il y a quelques années, le designer vit surgir en galerie ses appareils d’éclairage vintage. Un chapitre clos de son histoire lui est revenu en mémoire. Réalisatrice d’un documentaire sur les lampes cultes de Serge Mouille, Danielle Schirman a imaginé cette réédition et provoqué la rencontre entre Michel Buffet et Claude Delpiroux. Quand Michel Buffet rencontre l’éditeur des lampes Mouille, le courant passe tout de suite. Les deux hommes découvrent, interdits, qu’ils sont tous deux nés le 31 mai 1931 ! Avec son fils Didier, Claude crée alors un second label de design baptl’édiisé Lignes de Démarcation.
Le père et le fils avaient d’ailleurs été les premiers à nous parler de Michel Buffet, devant un prototype dans leur bureau. Michel Buffet s’enthousiasme :« C’est merveilleux de voir ces lampes fabriquées dans leurs ateliers. Ils font tout : la tôle, le tube, le laiton. » Au sein de l’atelier de Lignes de Démarcation sis à Bézu-Saint-Germain (Aisne), les femmes, les hommes, les machines et les techniques concourent à atteindre un niveau de qualité égal à celui des années 50. Ce jour-là, Didier Delpiroux passe nous montrer la nouvelle lampe B208, une prouesse. Tous les modèles de Buffet ont été édités entre 1953 et 1957 par Robert Mathieu pour le compte de Luminalite. Pour leur créateur, une lampe, c’est blanc, comme un « objet sans présence », et un luminaire n’a de sens que s’il éclaire vraiment. Sa référence esthétique, ce sont les voiles de béton immaculé des architectures d’Oscar Niemeyer.
Une ascension en pleine vitesse
Michel Buffet a préféré étudier l’ingénierie et l’architecture d’intérieur plutôt que de reprendre la petite industrie familiale de quincaillerie. Entre l’école et ses débuts professionnels, il dessine du mobilier et des objets pour la table. Puis sa mère, acheteuse aux Galeries Lafayette, lui offre La laideur se vend mal de Raymond Loewy. Il prend alors conscience de l’esthétique industrielle et participe à plusieurs expositions prestigieuses : les Triennales de Milan de 1955 et 1957 et l’Exposition universelle de Bruxelles de 1958. Il travaille d’abord avec le mythique Jacques Viénot de l’agence Technès, pionnier des bureaux d’études français, où il côtoie Roger Tallon.
Après son service militaire, il entre chez Loewy à Paris, passe ensuite chez Knoll Paris, puis à 30 ans, Loewy Paris lui propose de diriger son département d’architecture intérieure. Il met trois mois à répondre mais y restera vingt-cinq ans. En 1985, il fonde Vecteur, sa propre agence. Aujourd’hui, il a travaillé pour Dassault, les chemins de fer néerlandais, l’Aérospatiale, Air France, Shell, Eurotunnel, le planétarium de La Villette, Airbus, les métros de Hong Kong, Singapour, Caracas et le Concorde. Pourtant, pour lui, « le design est devenu un mot valise galvaudé sous la pression d’un marketing à-tout-va et d’un engouement populaire pour se distinguer. Le design s’est fait séducteur, voire racoleur, du tube de rouge à lèvres au macaron fourré. »
C’est cinglant, mais on comprend quand on découvre sa cuisine DF100, dessinée en 1973. Un design parfait, chaleureux, sur pieds, facilitant le nettoyage. Les portes sont des rideaux coulissants, évitant tout encombrement. À côté, son bureau rappelle aussi toute une vie de travail abattu. Cela va des premiers avions Mystère 20 (Falcon), pour lesquels il réalisa deux cents dessins, aux premiers sièges sans pied de la RATP.
On y découvre aussi la salle de contrôle du système ferroviaire du tunnel sous la Manche à Folkestone et les quartiers de vie à bord des grands sous-marins français ! Si Michel Buffet a le profil d’un commandeur des Arts et des Lettres, il mène sa vie comme il l’a toujours fait, en restant aimable et indépendant.
Comment ne pas citer les quelques mots écrits en son hommage sur leur compte Instagram par Disderot, qui édite notamment son applique B206 : « Le monde du design a perdu une de ses étoiles les plus brillantes. Michel Buffet, dont la vision et le talent ont redéfini les contours du design industriel, nous a quittés le 30 mars dernier. Son œuvre, qui a traversé les époques, reste une source d’inspiration intarissable, témoignant d’un esprit à la fois avant-gardiste et profondément humain. Dans ces moments de tristesse, il est important de se rappeler que, même si une lumière semble s’être éteinte, l’héritage de Michel continue de briller. »
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