Jusqu’au 28 mai, Céline Pham est aux manettes du restaurant de la Casa Eminente, lieu aussi confidentiel qu’exceptionnel niché dans un hôtel particulier à deux pas de la Bastille, à Paris. Le temps d’une résidence, la cheffe franco-vietnamienne s’est appropriée les saveurs de La Havane et du rhum cubain Eminente.
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IDEAT.FR : Avant la Casa Eminente, vous avez effectué une résidence dans les Caraïbes : pouvez-vous nous raconter cette expérience ?
Céline Pham : Pendant un mois, j’ai cuisiné sur une plage de Moustique, une île au sud de Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Six jours sur sept, j’ai proposé un menu dégustation en cinq temps, dans le souci de découvrir les produits locaux. En résumé, ce que je fais depuis sept ans : me retrouver dans un lieu inconnu, avec des produits inconnus (rires). J’ai notamment découvert une variété de poissons jusque-là inconnue.
À la Casa Eminente, vous réinterprétez la cuisine cubaine traditionnelle. Qu’est-ce que cette dernière vous évoque ?
Céline Pham : J’ai dû faire un vrai travail de recherche en amont, car je n’ai jamais été à Cuba. J’ai tendance à cuisiner sur un fil, mais je me retrouve à aller vers des choses plus percutantes, avec un peu de piquant, une petite acidité qui vient réveiller – une sorte d’équilibre avec des notes très marquées. Je me suis renseignée sur les plats traditionnels comme la ropa vieja, ce plat à base de viande longuement cuite, que je sers sous forme de tacos. Le cadre aide aussi à se projeter, à voyager lorsque l’on vient manger, avec la musique, l’ambiance accueillante…
Quel est LE plat emblématique de votre résidence à la Casa Eminente ?
Céline Pham : Pour moi, le hit c’est le « chou pointu à la cubaine», avec une sauce assez relevée à base d’orange, ail confit et crevettes séchées, adoucie par la fraîcheur du chou presque grillé. C’est comme un plat en sauce, qui procure beaucoup de satisfaction. Personne n’ose prendre le chou car c’est un légume qui fait peur, mais moi j’adore ce plat : il m’évoque des souvenirs de sauces longuement cuites, réduites, dans lesquelles il se passe plein de choses.
Qu’est-ce qui vous plaît dans le rhum et en quoi c’est intéressant de cuisiner cet alcool ?
Céline Pham : Avec mes parents, on a beaucoup voyagé dans des destinations ensoleillées quand j’étais petite. Ils ont aussi des amis en Martinique et en Guadeloupe, on a visité des distilleries, où j’ai découvert la canne à sucre, le procédé de fabrication du rhum. Je me souviens aussi de mes parents qui flambent des bananes au rhum, de la glace rhum-raisins que mon père adore… Le rhum est finalement une histoire de famille ! Les notes sucrées du rhum me rappellent aussi la cuisine du sud du Vietnam : on dit souvent que la cuisine est salée au nord, équilibrée au centre et plus sur le sucre dans le sud. Il y a d’ailleurs toujours une note de sucrosité dans mes plats, du coup c’est un alcool que j’associe facilement, comme dans le plat de volaille marinée au rhum, nappée d’un caramel à l’eau de coco et aux oignons caramélisés au rhum. En dessert, on m’a demandé de faire un baba à ma manière, d’où ce baba au sirop de rhum Eminente et patchouli, avec des bananes flambées au rhum, une crème aux zestes de citron vert et du dulce de leche.
En parallèle de cette résidence, vous venez de rouvrir votre restaurant, Inari, à Arles. Quels sont vos futurs projets ?
Céline Pham : Jusqu’à présent, on exploitait le rez-de-chaussée et la terrasse avec une offre à la carte au déjeuner et un menu dégustation au dîner. Cette année, on ouvre une salle à l’étage pour accueillir des événements privés, notamment lors des Rencontres de la photographie, cet été. C’est une salle un peu secrète et particulière, nichée sous une voûte de cette ancienne chapelle du XIIIème siècle. En octobre, on est contraint de fermer le restaurant pour cause de travaux, du coup je cherche actuellement d’autres résidences, soit à Paris, soit ailleurs, pour nourrir ma cuisine en vue de la réouverture d’Inari en mars 2024. C’est une nouvelle gymnastique d’avoir un QG, des employés fixes, mais j’ai tout de même la bougeotte (rires) !
> Casa Eminente, 6 impasse Guéménée, 75004 Paris. Résidence de Céline Pham jusqu’au 28 mai 2023.