La cheffe Alice Arnoux en résidence au Perchoir Ménilmontant

Entretien avec une cheffe à suivre de près.

Après Céline Pham, Adrien Cachot et Manon Fleury, Alice Arnoux est la quatrième cheffe à poser ses valises au Perchoir Ménilmontant (Paris, 11e) pour une résidence culinaire thématique. Au menu ? Les produits de la mer, de la mise en bouche au dessert. Pari réussi !



Portrait d’Alice Arnoux
Portrait d’Alice Arnoux Créa Agency

IDEAT.FR : Pouvez-vous nous raconter votre parcours jusqu’au Perchoir ?

Alice Arnoux : Après mes études à l’institut Paul Bocuse, j’ai passé trois mois dans un restaurant du Cannet (Alpes-Maritimes), au côté notamment de deux chefs japonais qui m’ont appris un sens de la communication honnête. Puis j’ai cuisiné deux ans à La Marine, le restaurant d’Alexandre et Céline Couillon à Noirmoutier, à l’époque doublement étoilé. J’y ai beaucoup appris sur moi-même, et j’ai assisté à des moments de génie en termes de cuisine. Ont suivi une expérience dans un étoilé à Londres, où vivait mon meilleur ami, avant un voyage d’un an et demi au Pérou et en Colombie, où j’étais tantôt volontaire dans des fermes, tantôt cheffe privée, dans le cadre d’une retraite silencieuse, par exemple. J’ai ensuite postulé pour un stage de trois mois au Noma, élu « meilleur restaurant du monde» à Copenhague. J’y suis restée trois ans, au côté de la crème de la crème des chefs du monde.

IDEAT.FR : Comment vos expériences passées ont-elles inspiré votre cuisine au Perchoir ?

Alice Arnoux : Je dois réapprendre à travailler les produits que l’on trouve en région parisienne, mais j’ai conservé toutes les techniques apprises. En ce moment, on sert par exemple un tarama inspiré de celui que l’on faisait chez Alexandre Couillon, acoquiné ici avec une salade de haricots de mer, Mizuna et fleurs de maceron, ainsi que des blinis.

IDEAT.FR : Qu’est-ce qui vous plaît dans le format de résidence ?

Alice Arnoux : L’aspect créatif, après huit ans à travailler hyper dur pour d’autres. Je n’ai jamais été dans un endroit où on m’a dit « réalise une entrée». Ici, le menu change très régulièrement, ça insuffle de la nouveauté. La routine, je la connais, mais tout le monde a besoin de changement, et l’industrie a besoin de changement. Rares sont les opportunités où on dispose d’un tel espace, avec des salaires justes, et où on travaille en totale confiance. C’est une grande liberté. Je ne sais pas encore ce que je ferai après cette résidence, mais ce ne sera sûrement pas un CDI dans une adresse triplement étoilée (rires).

Un citron givré … à la chair d’araignée de mer
Un citron givré … à la chair d’araignée de mer Créa Agency


IDEAT.FR : Pourquoi avoir choisi de travailler les produits de la mer ?

Alice Arnoux : Ce sont les produits sur lesquels je me sens le plus légitime et confortable à la fois. Après la résidence d’Adrien Cachot autour des abats, et celle autour des céréales de Manon Fleury, j’ai eu envie de cuisiner notamment les coquillages, de remettre au goût du jour ce que beaucoup de personnes ne cuisinent pas ou plus.

IDEAT.FR : Vous poussez le thème jusqu’aux mignardises, avec en particulier deux desserts iodés, un autour de la chair d’araignée et du pamplemousse, l’autre autour de la laitue de mer. Comment met-on au point de telles recettes ?

Alice Arnoux : Quand je travaillais au Noma, on avait entre autres un menu autour de la mer, avec un fil rouge tenu jusqu’aux desserts. Ici, c’est Margaux Baju, en charge du sucré, qui a réussi le défi de proposer un crustacé dans un dessert. Pour le pamplemousse givré, on était parties sur un citron givré, pour rappeler le citron du plateau de fruits de mer. L’idée n’était pas forcément d’ajouter un produit de la mer, mais on a tenté une huile de crevettes, puis une bisque, et on a finalement intégré la chair d’araignée.

L’art de la table est aussi soigné que les recettes au Perchoir Ménilmontant
L’art de la table est aussi soigné que les recettes au Perchoir Ménilmontant Créa Agency

IDEAT.FR : Pouvez-vous nous parler du décor de la salle, que vous avez pensé de A à Z avec votre équipe ?

Alice Arnoux : On a eu carte blanche de la part du Perchoir. On a fait appel à Julie Preud’homme, chineuse professionnelle, à qui on a confié une liste de ce que l’on souhaitait voir en salle. Quasiment tout est de seconde main – j’ai aussi acheté des vases du Portugal, Margaux a ramené des coquillages… – sauf les assiettes, qui ont été réalisées sur mesure par une céramiste. Les corbeilles à pain en osier que l’on souhaitait utiliser se sont révélées trop grandes, tandis que les socles à plateaux de fruits de mer étaient trop hauts : on a donc créé des socles avec les corbeilles. On a aussi détourné les frigos à vin pour y faire maturer les poissons, dans l’espace « lounge» de la salle, où l’on peut servir à dîner à une grande tablée.

> Alice Arnoux, en résidence au Perchoir Ménilmontant, 14 Rue Crespin du Gast, 75011 Paris. Menu 65€ au déjeuner (uniquement le samedi) et 85€ le soir.