Cannes : tout sur la capitale du cinéma

Son nom est entré dans la légende depuis qu'elle accueille le Festival de Cannes : découverte d'une ville magique.

De « petit village de pêcheurs » à « station huppée de la French Riviera », Cannes a bâti sa légende au rythme de son Festival du cinéma. Incarnant chaque année le temple mondial du 7e art pendant une douzaine de jours, la petite ville de plus de 70000 habitants, qui triple sa population durant cette célébration, est aujourd’hui en pleine métamorphose urbanistique et culturelle. Elle réinvente son mythe d’un bout à l’autre de la Croisette.


À lire aussi : Dans quel nouvel hôtel dormir à Cannes pendant le Festival ?


Dôme du Carlton
Dôme du Carlton Amaury Laparra

C’est le réveil d’une belle endormie. Celui de la deuxième ville française la plus connue au monde, dont l’image glamour colle à la peau depuis son premier Festival du cinéma en 1946. Additionnant les projets pharaoniques dans un formidable alignement de planètes, Cannes s’est donné des ambitions à la hauteur de sa réputation universelle.Et tous les regards se tournent vers son maire, David Lisnard, réélu dès le premier tour avec 88 % des voix lors des dernières élections municipales (2020) et érigé en héros par quasiment tous les Cannois.

Avec près de 600 millions d’euros investis depuis 2014, sa ville a fait l’objet de profonds réaménagements qui ont notablement transformé son paysage urbain. De la promenade du Mouré-Rouge, à l’est, jusqu’au programme « BoccaCabana », à l’autre bout du littoral, rien ne semble arrêter cette frénésie d’embellissement.

Et ce n’est pas près de s’arrêter, car, à l’horizon 2024, les 170000 m2 du mythique boulevard de la Croisette seront réarrangés à leur tour (au terme des plus gros travaux jamais réalisés en soixante ans, pour un budget total de 160 millions d’euros).

Au-delà d’un indéniable dynamisme municipal, la ville profite aussi des initiatives non moins ambitieuses de nombreux acteurs privés. À commencer par son célèbre hôtel Carlton dont la réouverture en mars a fait l’événement. Après deux ans et demi de fermeture et un titanesque chantier de rénovation et d’agrandissement déjà entamé cinq ans auparavant, l’iconique bâtiment de 1913 – commandé par le grand-duc Michel de Russie – dévoile un nouveau visage.

Ⓒ Ludovic Maisant pour IDEAT.
Ⓒ Ludovic Maisant pour IDEAT.

Ou plutôt un ancien, puisque « toute la trame du projet repose sur la renaissance », rapporte Tristan Auer, chargé de son nouvel aménagement. Expert dans l’art de respecter l’héritage en apportant une touche de modernité, le designer révèle des plafonds en coupoles dissimulés jusque-là ou bien a gratté les huit couches de peinture qui recouvraient les colonnes en marbre du hall pour rendre à l’établissement tout son lustre.

« Il ne s’agit pas d’une signature architecturale mais plutôt d’assurer la parfaite continuité avec ce que le grand-duc aurait pu imaginer », abonde l’architecte Richard Lavelle qui, lui, a érigé la toute nouvelle aile arrière.


À lire aussi : Les 10 plus beaux cinémas au monde


Ⓒ Ludovic Maisant pour IDEAT.
Ⓒ Ludovic Maisant pour IDEAT.

Doublant pratiquement la surface de l’hôtel tout en créant un gigantesque patio central avec piscine, cette bulle de verdure forme un cocon à l’écart du tumulte de la Croisette toute proche, de l’autre côté du lobby désormais débarrassé des cloisons et des boiseries.

« On est gâté par ce nouvel écrin », s’enthousiasme le chef concierge Maxime Nerkowski. Employé par l’hôtel depuis « seulement » vingt ans, l’homme aux clés d’or témoigne combien « certains habitués âgés se montrent émus en retrouvant le Carlton tel qu’ils l’ont connu dans leur enfance ».

Dans le sillage de ce majestueux phénix, d’autres établissements se renouvellent de manière spectaculaire, comme le Grand Hôtel, passé sous la houlette du groupe Accor pour devenir le tout premier Mondrian de France. Inauguré en mars après d’importants travaux, le 5-étoiles, dont le rez-de-chaussée est repensé par l’agence Triptyque, se présente sous un jour résolument nouveau.

Ⓒ Ludovic Maisant pour IDEAT.
Ⓒ Ludovic Maisant pour IDEAT.

Une autre institution cannoise, située à l’extrémité de la Pointe Croisette, le Palm Beach, renaîtra elle aussi de ses cendres en 2025. Piloté par l’agence locale Caprini& Pellerin, le projet s’annonce comme le point d’orgue de cette résurrection généralisée.

L’ancien casino défiguré par des extensions sauvages va enfin retrouver de sa superbe et redevenir un « centre de loisirs pour adultes », avec une plage Nammos, un restaurant Zuma et des discothèques.

« C’est un peu la tour Eiffel des Cannois, qui veulent le retrouver comme avant, avec sa piscine où a été tourné Mélodie en sous-sol (Henri Verneuil, 1963, NDLR) », promettent Jerry Pellerin et Kevin Caprini.

Fraîchement installés dans leur nouvelle agence, les deux architectes avaient déjà signé l’aménagement du restaurant La Petite Maison (attenante au Palm Beach) en 2020 et travaillent sur un futur hôtel de 25000 m2, boulevard du Midi.


À lire aussi : Alain Adler, photographe de cinéma exposé à Paris


Ⓒ Ludovic Maisant pour IDEAT.
Ⓒ Ludovic Maisant pour IDEAT.

Ville cinégénique

Mais comment expliquer tant d’effervescence ? Que justifie cette fièvre entrepreneuriale? Tel un immense tapis rouge sillonnant sa baie, il suffit de suivre le fil de la Croisette pour atteindre les fameuses marches que beaucoup rêvent de gravir – et qui symbolisent toute l’attractivité de Cannes.

Situé en plein coeur de la ville (alors qu’on les implante volontiers en périphérie d’habitude), son très monolithique Palais des festivals et des congrès fait l’objet d’une fantastique attention mondiale depuis son édification en 1982. Car c’est ici qu’a déménagé le Festival du cinéma (auparavant organisé au Palais Croisette, en lieu et place de l’actuel hôtel JW Marriott).

Événement le plus médiatisé après les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football, « cette formidable vitrine équivaudrait à 6 milliards d’euros d’investissements publicitaires pour la ville », selon le directeur marketing du palais, Régis Courvoisier.

Ainsi, chaque mois de mai (ou presque), la ville se transforme en Mecque du cinéma où les stars se succèdent sous l’oeil de 4500 journalistes qui font résonner son nom sur tous les continents. Pourtant, s’il est incontestablement le plus glamour, le Festival du cinéma n’est pas le principal ressort économique généré par ce centre des congrès.

Brassant plus de 300000 professionnels chaque année, le bâtiment accueille un total de 63 événements du type Marché international des professionnels de l’immobilier ou festival de la publicité Cannes Lions, qui drainent à eux seuls plusieurs dizaines de millions d’euros.


À lire aussi : Ce cinéma Art Déco est le vrai héros du film Empire of Light de Sam Mendes


Ⓒ Ludovic Maisant pour IDEAT.
Ⓒ Ludovic Maisant pour IDEAT.

« Ce sont des événements colossaux durant lesquels nos établissements tournent à plein régime », confirme Fabienne Buttelli, la directrice de la communication du groupe Barrière (dont l’hôtel comme la plage du Majestic restent des partenaires privilégiés du festival par leur situation stratégique à moins de 100 mètres du palais).

La jeune femme poursuit: « Ils sont surtout axés sur le business, ce qui n’est plus vraiment le cas du festival. Mais son aura, en revanche, continue à faire rêver, et cet incroyable engouement est le véritable moteur pour tout le reste. »

Certes moins nombreuses et moins fastueuses qu’auparavant, les inénarrables fêtes cannoises bousculent encore la morphologie de la ville au gré de privatisations éphémères.

« Certains événements sont bookés d’une année sur l’autre, quelques-uns au dernier moment, mais tout se cristallise lors de l’annonce de la sélection, un mois avant le début du festival », assure la directrice de la communication.

À quelques pas de la Croisette, Frédérique Dorel, qui a lancé en 2022 la version cannoise de son restaurant tropézien Salama, a d’ailleurs été surprise par cette logistique si particulière: « À peine ouverts, on était déjà privatisés pour des soirées liées à des films américains. Cela implique d’adapter l’organisation ou la carte et de jongler entre ces événements et le service normal. C’est une autre façon de travailler, mais c’est aussi pour ça que Cannes reste une destination magique. »


À lire aussi : IDEAT n°160 spécial design et cinéma est en kiosque


Moteur… Action !

Intrinsèquement liée au 7e art (présent sur les murs de la ville à travers une vingtaine de fresques), Cannes ne laisse néanmoins pas vampiriser sa politique culturelle par l’engouement médiatique et populaire de son illustre événement. « Au contraire, affirme Cyril Chérencé, directeur adjoint du Centre d’art contemporain, beaucoup de jeunes artistes sont ravis d’être exposés ici et de disposer d’une telle visibilité. »

À la Malmaison (actuellement en rénovation complète), au musée des Explorations du monde ou encore au Suquet des artistes (en résidence), la ville déploie une programmation artistique riche et variée. Et elle encourage même les accointances de circonstance avec le cinéma, comme avec l’exposition consacrée l’an dernier au travail de la plasticienne Agnès Varda.

Ⓒ Ludovic Maisant pour IDEAT.
Ⓒ Ludovic Maisant pour IDEAT.

Du Festival des jardins de la Côte d’Azur, à la médiathèque Noailles, au palais lui-même – qui organise 80 événements culturels par an – en passant par la villa Domergue – qui exposera l’oeuvre des époux éponymes (indissociables de l’iconique imagerie de la French Riviera) –, Cannes a beaucoup à offrir sur le plan culturel.

« Il y a de la place pour tout le monde », confirme Dominique Hurtebize dont la galerie d’art est installée dans l’hôtel Le Gray d’Albion et selon qui le festival « participe indiscutablement à l’attractivité de la ville ».

 

Cette proximité avec l’industrie du grand écran se mesure encore plus concrètement à travers certains projets comme le multiplexe Cineum, inauguré à l’été 2021, dans le quartier de La Bocca. L’ovni architectural signé Rudy Ricciotti et Arik Levy est par ailleurs un petit bijou de technologie, une qualité sine qua non d’après son directeur d’exploitation, Laurent Raffaelli : « Créer un cinéma ici ne résonne pas comme ailleurs. Dans une ville avec de telles références, les gens s’attendent à quelque chose d’exceptionnel. »

Implanté dans le cadre du programme « Cannes On Air », le bâtiment fait face au tout nouveau campus et à sa résidence étudiante, respectivement baptisés Georges Méliès et Nouvelle Vague (clin d’oeil supplémentaire s’il en fallait), auxquels s’ajoutera prochainement un musée du Cinéma.

Car la formidable cure de jouvence à l’oeuvre, d’un bout à l’autre de la ville, ne pouvait qu’être placée sous le signe de « l’art sur pellicule » qui a façonné toute sa mythologie. Des feuilles des palmiers qui rythment son littoral à celles symbolisées sur les dalles qui ornent ses rues, c’est bien d’or qu’est faite la Palme qui fait briller le nom de Cannes au firmament du cinéma.


À lire aussi : Campus Georges-Méliès à Cannes : une identité nouvelle


Ⓒ Ludovic Maisant pour IDEAT.
Ⓒ Ludovic Maisant pour IDEAT.