Cette année marque le cinquantième anniversaire de la création de la commune de La Grande Motte. Longtemps incarnation du tourisme de masse et de la bétonisation du littoral, la station balnéaire parvient depuis une quinzaine d’années à combler son déficit d’image, grâce à la labellisation de son patrimoine par la direction régionale des affaires culturelles du Languedoc-Roussillon. Mais aussi par une meilleure compréhension du public de l’intention de son concepteur Jean Balladur, qui voulait faire de la ville un modèle d’urbanisme vert avant l’heure.
À lire aussi : Avant l’été, la Grande-Motte s’expose à Paris
Une promenade ombragée d’un kilomètre et demi
En 1963, Jean Balladur (1924-2002) imagine la cité futuriste que nous connaissons, inspirée à la fois des pyramides Maya de Teotihuacan et de la nouvelle capitale du Brésil d’Oscar Niemeyer. Des immeubles de béton entourés de trames vertes structurant la ville, plantées de 30 000 arbres par le paysagiste Pierre Pillet. L’architecte voulait une station balnéaire faisant l’éloge de la lenteur en établissant des voies de circulation douces et ombragées.
Le port, élément central de la ville construite en 1965, a connu ces derniers mois une grande réhabilitation avec le réaménagement des quais Pompidou et Tabarly, nouvelle promenade baptisée “Ball*ade” qui augure d’un projet plus large encore. « La Grande Motte est un sujet qui me fascine aussi bien pour l’aménagement du territoire que pour son architecture formellement très libre, sans marquage territorial ou historique », confie François Leclercq du cabinet d’architecture Leclercq Associés, maître d’ouvrage qui a livré en mai dernier la première phase de ce projet souhaitant renouer avec l’esprit balladurien. Sa promenade arborée de 7 mètres de large s’étend sur le pourtour du port sûr un kilomètre et demi. L’agence a élargi les espaces, créant des escaliers et des entrées PMR pour permettre une circulation mixte, pour piétons, vélos ou trottinettes, les voies automobiles ayant été réduites tout comme le stationnement, au profit d’un parking de 850 places gratuit situé à l’entrée de la ville.
La vision de Jean Balladur respectée
Cette « Ball*ade », avec deux « L », comme un poème ou une flânerie, est évidemment un hommage rendu à Jean Balladur. « Nous avons planté beaucoup d’arbres dans l’idée de l’architecte et de son paysagiste Pierre Pillet pour former une promenade très confortable qui sera ombragée le long du quai avec des ombrières géométriques colorées à la mode de la ville », reprend Leclercq. 245 arbres feuillus ont ainsi été mis en terre ainsi qu’une cinquantaine de palmiers. Des îlots de fraîcheur où sont disposés du mobilier d’assises en moulage de béton pour permettre aux promeneurs de stationner, s’asseoir, ou même s’allonger. Le tout cristallise l’esthétique seventies à la façon d’un leitmotiv qui viendrait orner l’imaginaire de cette ville de style rétrofuturiste. « Nous sommes en vigilance pour que le projet ne fasse pas offense à la ligne balladurienne, explique Jérôme Arnaud, directeur de la station. Les aménagements en sont très respectueux dans leurs couleurs, formes et fonctionnalités ».
La requalification du quai Pompidou concerne également les façades des immeubles adjacents, les premiers construits à la Grande Motte et les plus emblématiques de la ville. L’agence a dessiné des extensions vitrées pour les commerces situés en rez-de-chaussée de même qu’elle a agrandi les terrasses. « Les devantures sont désormais uniformisées dans d’élégantes pergolas bioclimatiques en verre qui donnent une vision bien plus esthétique du quai et fonctionnent été comme hiver, reprend le directeur de station. Auparavant, chaque commerçant avançait à sa manière avec des éléments provisoires. Désormais une charte régit les formes et les couleurs, aux tonalités de la ville ».
La Grande Motte : une architecture optimiste
6,5 millions d’euros et un an et demi de travaux ont été nécessaires pour cette première phase. Celle-ci rentre dans le cadre d’un aménagement plus large, le projet Ville Port, qui entend renfoncer la station balnéaire dans son modèle de ville durable. Le port de La Grande Motte va ainsi faire l’objet d’un lifting. Sera prévu par la suite la construction du nouveau quartier de La Colline : « Il s’agira de transposer l’optimisme des années 1960-1970 dans de nouveaux logements, explique François Leclercq. Un immeuble de 12 étages et d’autres de 3 viendront étendre l’offre résidentielle de la ville. Leurs rez-de-chaussée seront actifs, plantés et piétons. »
« L’un des enjeux vitaux pour les années à venir est le sujet de l’habitat permanent, décrypte Jérôme Arnaud. Le paradoxe étant que la station a, ces dernières années, beaucoup gagné en image, en développement touristique, en montée en gamme, projetant le mètre carré autour de 8 à 10 000 euros dans le neuf. C’est compliqué d’installer une population permanente quand l’immobilier atteint de tels prix. La ville perd aujourd’hui des habitants et notamment des jeunes ». Une concurrence semble effectivement s’opérer entre l’habitat résidentiel et touristique. Le futur quartier de La Colline prévoit à cet effet une part de logements réservés aux primo accédants, ainsi que du logement social.
Pour l’heure, chacun semble applaudir les aménagements qui ont été faits. « C’est une première phase qui fait l’unanimité chez commerçants et habitants », se félicite-t-on du côté de la station. Ce que François Leclercq confirme : « Ce projet est émouvant parce que la population est très amoureuse de sa ville. Les quais sont maintenant bondés, ce qui est très enthousiasmant. Il y a un engouement nouveau pour La Grande Motte, un regain d’intérêt pour cette architecture pleine d’optimisme. C’est la ville d’un certain futurisme et elle n’est pas figée, elle évolue, elle n’est plus vilipendée pour son béton. » Sur le quai Pompidou, de récents mâts d’éclairage apportent une lumière nouvelle à la tombée de la nuit, mettant en valeur les modénatures des immeubles balladuriens. La Grande Motte a peut-être bien changé de statut, on la lit sous un jour nouveau. Elle semble être passée à une nouvelle phase de son développement. Celle d’une Grande Mode.
> Plus d’informations sur La Grande Motte ici, et sur l’agence Leclercq Associés ici.
À lire aussi : Architecture : Brasilia, les 60 ans d’une ville mythique