L’Art déco vu par Jacques Grange : un design qui dure

Pour célébrer l’Art déco, le Musée des Arts Décoratifs de Paris (MAD) a confié à l’architecte d’intérieur et collectionneur patenté Jacques Grange une carte blanche : un parcours de mobilier où se croisent notamment Jean‑Michel Frank, Pierre Chareau et Eugène Printz. Entretien avec un passionné qui, depuis 1968, traque l’élégance, la ligne pure et ce je-ne-sais-quoi de luxe discret tellement Art déco. Dans ce face-à-face, il raconte sa découverte fulgurante du salon des Noailles, ses recherches, ses pièces fétiches et sa vision de ce style qui n’a jamais fini de surprendre.

À l’occasion de la grande exposition “1925-2025. Cent ans d’Art déco” qui vient de débuter au Musée des Arts Décoratifs de Paris (MAD) l’architecte d’intérieur Jacques Grange a été choisi pour présenter quelques unes des pièces de mobilier illustrant sa vision de ce courant. Rencontre avec un collectionneur passionné qui a déjà été témoin de la première redécouverte de l’Art déco dans les années 1960.


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L’Art déco, une affaire de style

IDEAT : Qu’allez-vous présenter au MAD Paris pour cette exposition ?

Jacques Grange : Quand le musée m’a sollicité, j’ai été très touché. Ils m’ont dit : « Vous avez toujours aimé ça. » Ils souhaitaient que j’exprime ma vision de l’Art déco à travers une sélection de pièces. J’ai choisi celles que j’apprécie, comme celles de Jean-Michel Frank, de Pierre Chareau ou d’Eugène Printz. J’ai donc mis en scène des tables, surtout, sur une sorte d’escalier, avec, au fond, un paravent en paille de Jean-Michel Frank.

L’architecte et décorateur d’intérieur Jacques Grange, ici à son domicile parisien en 2014, s’est vu confier une carte blanche par le MAD à l’occasion de son exposition « 1925-2025. Cent ans d’Art déco ».
L’architecte et décorateur d’intérieur Jacques Grange, ici à son domicile parisien en 2014, s’est vu confier une carte blanche par le MAD à l’occasion de son exposition « 1925-2025. Cent ans d’Art déco ». léa crespi/pasco & co

IDEAT : Quel est votre premier souvenir d’Art déco ?

Jacques Grange : En 1968, à l’âge de 24 ans, j’ai découvert, subjugué, le salon créé par Jean-Michel Frank chez Marie- Laure de Noailles, place des États-Unis (Paris XVIe). Elle m’a ensuite invité à la villa Noailles à Hyères, dans le Var, construite par Robert Mallet-Stevens. J’y ai vu les appliques d’Alberto Giacometti ou les meubles de Pierre Chareau, et ça a été le coup de foudre. Plus tard, j’ai cherché de l’Art déco pour mes clients et pour moi-même. L’ouverture de la Galerie Félix Marcilhac, rue Bonaparte (Paris VIe), en 1969, a été déterminante. Je rêvais devant ses vitrines.

Origines et passions : la révélation Art déco de Jacques Grange

IDEAT : Chez les Noailles, entre Paris et Hyères, vous avez découvert l’Art déco « en live »…

Jacques Grange : C’est vrai. Surtout à la Villa Noailles, où j’ai séjourné deux étés à partir de 1968, découvrant ces lieux d’un intérêt fou tels qu’ils étaient vécus. À Paris, la première fois que Jean Cocteau a vu le salon du couple, il a dit : « Les Noailles ont été cambriolés ! »

IDEAT : À la fin des années 1960, redécouvrait-on l’Art déco ?

Jacques Grange : Oui, et cela concernait non seulement ses aficionados, comme Paloma Picasso, Andy Warhol et Yves Saint Laurent, mais aussi un public plus large. Lorsque j’ai commencé à travailler pour Saint Laurent, il avait développé la même passion que moi pour Jean-Michel Frank. Il disait : « La huitième merveille du monde, c’est le salon de Marie-Laure de Noailles par Jean-Michel Frank. » De mon côté, j’ai été séduit par l’Art déco parce que c’est intemporel, confortable et très facile à vivre.

> Exposition « 1925-2025. Cent ans d’Art déco ». Au musée des Arts décoratifs de Paris (MAD), 107, rue de Rivoli, 75001 Paris, du 22 octobre 2025 au 22 février 2026. Madparis.fr


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