Architecture commerciale : les sens en éveil

Si le numérique a révolutionné les habitudes d’achat en facilitant l’interaction et l’accès à la nouveauté, la relation commerciale ne peut se passer d’humain et d’émotion, qu’elle soit visuelle ou tactile. Les magasins sont des lieux qui doivent nous transporter dans un univers singulier.

Couleurs, matériaux, éclairages, volumes… l’architecture commerciale est tenue de toucher le public, de la façade à l’intérieur, en restant toujours fidèle aux concepts et aux identités de la marque. La preuve par quatre.

OFF-WHITE – Paris

Boutique OFF-WHITE.
Boutique OFF-WHITE. Karl Hab

Strates créatives

Plusieurs salles, plusieurs ambiances, la première boutique française Off-White est pensée pour refléter la formidable diversité de la marque milanaise fondée par Virgil Abloh. Inauguré l’été 2021, à deux pas de la place Vendôme, au 8, rue de Castiglione (Ier), cet espace multi-zone est à l’image du créateur décédé prématurément l’automne dernier : éclectique.

Conçue par l’agence néerlandaise OMA (déjà à l’origine du store de Miami), sous la direction de l’architecte Elle Van Loon, l’adresse de 650 m2 mélange « élégance parisienne et brutalité industrielle à travers trois niveaux dévoilant progressivement toute la complexité de la griffe de streetwear ».

Consacré aux projets spéciaux, le rez-de-chaussée présente une sélection de pièces expérimentales réalisées avec des artistes locaux, mais aussi les principales collaborations de la marque (avec Nike, Ikea, Levi’s…). Au premier étage, les collections de saison sont exposées dans une ambiance de galerie, quant au second, les articles emblématiques d’Off-White sont mis en scène comme dans un marché aux puces avec, en prime, un lieu où boire un verre. P.L.

> Off-White8 Rue de Castiglione, 75001 Paris

Ep Yaying – Shanghai

La boutique EP Yaying, à Shanghai, réalisée par Franklin Azzi.
La boutique EP Yaying, à Shanghai, réalisée par Franklin Azzi. Franklin Azzi

Franklin Azzi

C’est la rencontre de deux créateurs. L’architecte Franklin Azzi et le directeur artistique Serge Ruffieux ont uni leurs visions pour imaginer le nouveau concept architectural de la marque de prêt-à-porter EP Yaying. Le travail du premier réalisé pour Isabel Marant à Los Angeles a séduit le second, styliste, chargé de renouveler l’image des boutiques de la griffe chinoise, encore inconnue en France, qui signifie « gage de qualité ». Une promesse qui se traduit architecturalement par la réinterprétation contemporaine des traditions et des savoir-faire locaux.

À Shanghai, première boutique livrée, Franklin Azzi a imaginé un écrin sur mesure dans une maison coloniale qu’il a entièrement réhabilitée pour l’occasion. Sur trois niveaux et 520 m2, l’architecte a privilégié les matériaux bruts comme la pierre de jade ou le béton, lesquels contrastent avec la sophistication de la laque ou des broderies traditionnelles. Et ce sont ces contrepoints inattendus (surfaces lisses ou rugueuses, couleurs mates ou brillantes, pleins et vides…) qui façonnent la nouvelle identité d’EP Yaying. Maximalisme et minimalisme s’entrechoquent ainsi dans une hybridation féconde, chère à Franklin Azzi comme à Serge Ruffieux. M.Q.

> Le projet de la boutique EP Yaying de Franklin Azzi.

Heurgon – Paris 

Le flagship-store de la maison Heurgon.
Le flagship-store de la maison Heurgon. Romain Laprade

Bernard Dubois

L’architecte belge Bernard Dubois a conçu le nouveau flagship-store de la maison Heurgon, en même temps qu’il propose de nouveaux codes visuels au commerce de la joaillerie-horlogerie. Heurgon, un nom qui résonne à Paris dans le commerce de l’horlogerie et de la joaillerie depuis plus d’un siècle et demi. Largement dynamisée par la famille Cymerman dans les années 70, d’abord par Jacques et Michel qui en font l’acquisition, l’entreprise est désormais gérée par Arnaud et Benjamin qui inauguraient, en juin dernier, un magasin de 230 m2 au 58, rue du Faubourg-Saint-Honoré (VIIIe). Pour donner corps à l’endroit, mais plus encore pour lui insuffler une identité propre, Bernard Dubois s’est largement inspiré de la simplicité des lieux de monstration artistique pour créer un écrin où la sobriété et la clarté priment.

Le jeune architecte belge a notamment choisi une pierre beige, identique à celle utilisée par Leoh Ming Pei au Louvre, pour habiller l’espace selon un principe de lignes minimales, tandis que les vitrines rappellent celles d’un musée. Cette atmosphère minérale, très dessinée, impose ainsi une certaine douceur, propice à magnifier chaque pièce horlogère ou joaillière. Pour le mobilier, Dubois a imaginé une série d’assises et de tables en noyer, parfois gainées d’un cuir tabac, qui viennent dialoguer avec des pièces de design des années 60 et 70, dont la sélection évoluera à la manière d’une exposition. O.R.

> Heurgon, 58 Rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris

Kanuk – New York 

La nouvelle boutique de la marque canadienne, au coeur de Soho.
La nouvelle boutique de la marque canadienne, au coeur de Soho. Eric Petschek

Atelier Barda

À SoHo – le quartier le plus branché de New York –, la nouvelle boutique de la marque canadienne de vêtements d’extérieur Kanuk brouille les frontières entre espace de vente et galerie d’art. Le studio d’architecture montréalais Atelier Barda, chargé de la conception des lieux, a misé sur une esthétique minimaliste et épurée pour faire écho à l’atmosphère urbaine et hivernale dont s’inspire l’enseigne pour imaginer ses produits. De fait, les jeux de surfaces, qui s’étendent sur plus de 300 m2, conduisent à une véritable perte de repères spatiaux.

L’expérience sensorielle souhaitée par les architectes d’Atelier Barda résulte, d’une part, des variations de hauteur des plafonds et des formes géométriques qui constituent les différentes parties du magasin ; et, d’autre part, des éléments plus décoratifs tels que la moquette aux reflets gris, les rideaux en velours déployés sur toute la hauteur ou encore l’éclairage ponctuel et contrôlé, élaboré avec Derek Porter Studio et James Clotfelter Lighting Design, deux pointures en la matière. Ce nouvel écrin feutré et dépourvu d’ombres, dans lequel les manteaux semblent flotter, contribue à renforcer l’identité visuelle d’une marque et entremêle le prêt-à-porter à la scénographie muséale contemporaine. E.P.-M.

> Kanuk, 75 Greene St, New York, NY 10012, États-Unis