Dans l’appartement parisien de Federica Chiocchetti

L’appartement parisien de Federica Chiocchetti est à son image. Commissaire d’exposition, éditrice, écrivaine, elle a donné à chaque chose un sens, dans une économie de moyens stylisée en accord avec sa philosophie : frugalité et nourritures intellectuelles.

Federica Chiocchetti est italienne. Classée en 2016 par le réseau de galeries Arnet parmi les seize curatrices « qui font bouger les choses », elle parle quatre langues: son parcours l’a menée de l’Italie au Royaume-Uni, du Chili à Cuba, de Hongkong à Jaipur en passant par New York, pour ses études, puis pour des résidences, des curations, des conférences.


À lire aussi : L’appartement moderne de Marco Lavit pensé comme un cabanon


L’art en partage

Experte du rapport texte/image dans l’histoire, la photographie et l’art contemporain, elle est titulaire d’un master en littérature comparée et d’un doctorat. Depuis juin 2022, elle dirige, en Suisse, le Musée des beaux-arts Le Locle (MBAL).

Federica Chiocchetti a pris place, avec son compagnon, Roman Kraska, et leur fils Orso sur un canapé Convertible de France. Affiche de l’exposition « Monte Verità. Le mammelle della verità », du célèbre curateur suisse Harald Szeemann (1978). Portraits photographiques des écrivains Italo Calvino (en haut) et Jorge Luis Borges.
Federica Chiocchetti a pris place, avec son compagnon, Roman Kraska, et leur fils Orso sur un canapé Convertible de France. Affiche de l’exposition « Monte Verità. Le mammelle della verità », du célèbre curateur suisse Harald Szeemann (1978). Portraits photographiques des écrivains Italo Calvino (en haut) et Jorge Luis Borges. MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

Sa semaine navigue à mi-temps entre Paris et le canton de Neuchâtel. Alors, dans son appartement parisien où résident aussi son compagnon et son fils, elle a construit « sa bulle ». « Au début, dit-elle, je ne souhaitais rien accrocher aux murs, pour me laver le cerveau. » Puis des souvenirs de famille ou des cadeaux de ses amis sont venus à elle. « Je ne suis pas collectionneuse. C’est un comble, mais comme je suis commissaire d’exposition dans un musée public, par éthique, je ne veux pas de conflits d’intérêts. Quand il m’arrive d’acheter sur un coup de foudre, je préviens l’artiste que, malheureusement, je ne l’exposerai jamais », confie la curatrice.

Dans le salon au beau parquet à points de Hongrie, la table s’accompagne de deux chaises Ottawa (l’ensemble, BoConcept). Sur la petite estrade ensoleillée, de vieux poids de musculation. Au dessus, oeuvre picturale Abstrakcja, de l’artiste polonaise Urszula Wilk (1995). Tout près de l’escalier en colimaçon d’origine, photographie de Giulia Parlato issue de la série « Diachronicles ».
Dans le salon au beau parquet à points de Hongrie, la table s’accompagne de deux chaises Ottawa (l’ensemble, BoConcept). Sur la petite estrade ensoleillée, de vieux poids de musculation. Au dessus, oeuvre picturale Abstrakcja, de l’artiste polonaise Urszula Wilk (1995). Tout près de l’escalier en colimaçon d’origine, photographie de Giulia Parlato issue de la série « Diachronicles ». MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

Federica Chiocchetti parle avec ferveur de la relation entre les images et la littérature dans l’art, passion qu’elle partage sur sa plateforme numérique The Photocaptionist. « Au départ, il y a ce vers de Horace, un siècle avant Jésus-Christ, “Ut pictura poesis”, qui signifie que la poésie ressemble à la peinture. Ce poète est l’un des premiers à relier des arts différents. On relève ensuite des fragments de textes sur des oeuvres, de Fra Angelico au mouvement Dada, jusqu’à Jean-Michel Basquiat et au-delà. L’association d’un texte et d’une image crée un troisième objet invisible dont l’interprétation est propre à chacun. »

Dans ce petit salon, canapé Convertible de France. Lampadaire IKEA. Affiche de l’exposition « Monte Verità. Le mammelle della verità », de Harald Szeemann (1978). Portraits photographiques de Jorge Luis Borges, d’Italo Calvino et d’Alfred Hitchcock, photos anonymes de scènes de films de Federico Fellini achetées sur eBay.
Dans ce petit salon, canapé Convertible de France. Lampadaire IKEA. Affiche de l’exposition « Monte Verità. Le mammelle della verità », de Harald Szeemann (1978). Portraits photographiques de Jorge Luis Borges, d’Italo Calvino et d’Alfred Hitchcock, photos anonymes de scènes de films de Federico Fellini achetées sur eBay. MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

Un intérieur éclectique

Dans le salon, une photographie montre un panneau à la sortie du village de Parola, dont le nom est barré de rouge: « Cette image de Luca Massaro signifie la fin du village, mais aussi, pour moi, la fin du langage. Et puis je l’ai disposée à l’entrée du couloir qui mène à la chambre de mon fils pour dire: “Silence! Il dort!” »

La table sert de support à une série de petits livres de poésie concrète signée Elizabeth Lebon et intitulée Various Small Books, éd. Boabooks (2023). Devant la fenêtre, table en laiton et en verre. Sur le mur, à gauche, lithographie du tableau Adamo ed Eva, du peintre italien Venturino Venturi (1918-2002).
La table sert de support à une série de petits livres de poésie concrète signée Elizabeth Lebon et intitulée Various Small Books, éd. Boabooks (2023). Devant la fenêtre, table en laiton et en verre. Sur le mur, à gauche, lithographie du tableau Adamo ed Eva, du peintre italien Venturino Venturi (1918-2002). MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

Une vieille machine à écrire Olivetti est exposée telle une sculpture. « Elle ne fonctionnait plus. Comme un clin d’oeil à Marcel Duchamp, j’ai fait de cet objet industriel une oeuvre d’art simplement en la fixant au mur, à la manière d’un ready-made », s’amuse-t-elle. Il y a aussi cette affiche de l’accrochage « Le Plaisir du texte », le premier qu’elle a supervisé au MBAL.

« Je privilégie des expositions collectives qui confrontent les collections d’oeuvres d’art de 1860 à nos jours appartenant au musée et les artistes contemporains. Ce travail thématique est intense, il traverse les époques et les disciplines. J’ai naturellement commencé par notre rapport intime aux mots. Le titre fait référence au livre de Roland Barthes paru en 1973. Le prochain événement s’appelle “La Scia del Monte, ou les utopistes magnétiques” », précise notre hôte.

L’escalier d’origine, en bois et en métal, permet d’accéder à l’étage supérieur, celui du bureau de Federica et des chambres.
L’escalier d’origine, en bois et en métal, permet d’accéder à l’étage supérieur, celui du bureau de Federica et des chambres. MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

Jusqu’au 15 septembre, vingt-six créateurs y explorent ce qu’il reste des utopies en partant de l’héritage du Monte Verità – La Montagne de la Vérité, une communauté née à l’aube du XXe siècle en Suisse sur la colline de Monescia dominant le lac Majeur.

Fuyant les prémices du capitalisme, on y vivait parfois nu, adoptant un style de vie frugal et végétarien. Les femmes s’y affranchissaient du patriarcat; intellectuels et artistes y venaient en cure de désintoxication.

Dans la chambre, le lit est habillé de draps du marché de Forte dei Marmi, station balnéaire toscane, et d’une couverture mexicaine. Table de chevet Kartell. Chaise en métal Arty (Tikamoon). Au mur, tapisserie tunisienne ancienne et photo de Nicola Avanzinelli.
Dans la chambre, le lit est habillé de draps du marché de Forte dei Marmi, station balnéaire toscane, et d’une couverture mexicaine. Table de chevet Kartell. Chaise en métal Arty (Tikamoon). Au mur, tapisserie tunisienne ancienne et photo de Nicola Avanzinelli. MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

Les hippies n’ont rien inventé et ce rêve trouve à nouveau un écho dans l’actualité! Federica Chiocchetti milite elle aussi pour « faire bouger les choses ». « Quand nous sommes arrivés ici, raconte-t-elle, nous n’avons rien modifié, rien repeint. Les meubles ont pour la plupart été achetés chez Emmaüs. Quelle chance d’avoir cette organisation en France ! »


À lire aussi : À Montréal, Futur Simple Studio transforme un loft industriel en appartement familial

The Good Spots Destination France