Mia Martin occupe un bâtiment singulier à Munich. Les huit appartements – quatre en rez-de-jardin et quatre avec rooftop – sont entièrement ronds. L’architecte Joachim Jakob l’a construit en 1972 à la demande de Joachim « Blacky » Fuchsberger, célèbre acteur et star de la télévision allemande. Un tel pedigree ne pouvait que séduire cette fan de design et de pop culture.
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Fantaisie d’esthète
Mais la publicitaire Mia Martin érudite y a vu bien plus qu’un revival 70’s. Comme elle, Joachim Jakob était pétri du style avant-gardiste du Bauhaus. Elle fait remarquer: « Mon immeuble respecte les cinq règles de Le Corbusier, qui avait repris les principes de cette école d’architecture et d’arts appliqués allemande de la première moitié du XXe siècle: il tient sur pilotis, ce qui laisse le plan libre, avec une façade en rideau, de larges fenêtres et un toit-terrasse. »
Comme aucun mur n’est porteur, Mia Martin a pu reconfigurer les pièces à sa guise : « J’ai dégagé un grand espace de vie avec cuisine ouverte et me suis réservé une vaste chambre avec salle de bains et un bureau pour télétravailler. Le rooftop occupe toute la surface de l’appartement, c’est un petit paradis en plein centre-ville. » Seule difficulté: s’accommoder de la rotondité. « C’était comme jouer à Tetris avec une pizza », s’amuse notre hôte.
Afin de trouver une harmonie, la jeune femme a équilibré formes rondes et formes anguleuses: là un tour de porte ou une banquette, tous deux recouverts de carreaux (de 10×10 centimètres), ici un fauteuil ou un canapé tout en courbes.
« La décoration est mon hobby, je trouve mes idées dans les magazines et sur les réseaux sociaux. J’ai dessiné moi-même beaucoup d’éléments. Cela m’a pris parfois des mois pour dénicher l’artisan qui exaucerait mes vœux », explique Mia Martin.
Son îlot de cuisine est tapissé de tranches de marbres multicolores, des chutes de coupe récupérées chez un marbrier, ravi de se débarrasser de ces rebuts. La petite cheminée, comme un gros tuyau couvert de céramique, n’existait évidemment pas dans le commerce. Mia a sollicité un céramiste, fumiste à ses heures, heureux de matérialiser son rêve.
Le voyage pour inspiration
Pour séparer la cuisine de la salle à manger, son ami Sascha Grewe lui a dessiné des gouttes graphiques descendant du plafond et elle-même a conçu un meuble qui fait aussi office de banquette. Un placard de rangement sur mesure épouse les courbes du salon. Le sol est en béton ciré, comme une scène vierge, pour accueillir les pièces de mobilier, dont la disposition change au gré de son humeur.
« J’ai meublé cet endroit dans un style post-moderne. J’aime le brutalisme, les motifs graphiques, le design radical. Je suis une fanatique absolue du mouvement Memphis et de tout ce qui est ludique », confie la propriétaire.
De fait, la table basse du salon est une rareté signée Ettore Sottsass et la lampe de chevet, Mario Botta. Dans le design contemporain, Mia a retrouvé cet esprit facétieux chez la Britannique Faye Toogood, le studio suisse Big-Game et Leonard Bessemer, un designer de Los Angeles connu pour son inspiration post-Memphis.
Lors d’un voyage à Tel-Aviv, elle découvre une autre facette du Bauhaus, plus orientale, car la ville est un véritable musée à ciel ouvert de cette école architecturale, avec quatre mille bâtiments construits dans les années 30. « J’ai été beaucoup influencée par cette ambiance à la fois moderne et orientaliste, notamment pour le choix des carreaux de faïence », ajoute-t-elle.
Enfin, Mia a sorti sa palette de peintre pour habiller avec humour les murs de lilas, de vert, de rose bubble gum, de jaune. « Les couleurs m’ont aidée à faire de ce lieu un endroit très spécial, dit-elle. C’est un moyen peu onéreux d’expérimenter, quitte à revenir en arrière. C’était une véritable explosion à l’origine, alors j’ai supprimé le bleu Klein un peu trop wild à mon goût et l’ai remplacé par un gris-mauve plus pâle. J’ai aussi parsemé des touches de noir graphiques pour que mon appartement n’ait pas trop l’air du rêve rose de Barbie. Le résultat est plus mature », glisse-t-elle en souriant.
Pour la note exotique, la terrasse est carrelée avec une pierre rose du Brésil à la surface brute, et il y a partout des cactus: une plante parfaite pour accompagner les références aux années 80.
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