Et alors ?
Anja Niemi : Eh bien, c’était vraiment fort en émotions… Normalement, j’ai une idée et je cherche un moyen de la mettre en œuvre. Et là, tout d’un coup, j’avais toutes ces personnes hyper-professionnelles, techniciens, maquilleur, coiffeur, stylistes, qui essayaient de donner vie à mon idée… Ça force l’humilité ! Et les voir travailler dur et essayer de trouver des solutions, pour moi, c’était tout à fait spécial !
Vous n’êtes pas habituée à expliquer ce que vous voulez…
Non, et j’ai mis un peu de temps avant de me rendre compte que je devais m’exprimer. Mais ce qui est plutôt drôle, c’est que je dis sans arrêt que je ne veux personne autour de moi et, finalement, c’est ce que j’ai préféré ! J’ai beaucoup aimé les voir faire ce pour quoi ils sont talentueux. Vraiment.
Confier l’appareil photo, ça n’a pas dû être facile non plus…
Lorsque vous êtes seul, la partie du cadrage et de la mise au point est la plus longue. Vous devez procéder par essais, recommencer… Or je savais que je ne disposerais pas de beaucoup de temps. Normalement, je mets un an pour produire quinze images ; là, j’avais trois jours ! Donc j’avais prévu que mon assistant fasse la mise au point et appuie sur le bouton. Remi Desclaux, celui que vous m’avez assigné, a été très respectueux, très pro, et je lui en suis infiniment reconnaissante.
Mais, forte de cette expérience, seriez-vous prête, pour un projet trop complexe à réaliser seule, à faire appel à une équipe ?
Je réduirais certainement le nombre de participants ! (Nous étions une quinzaine, NDLR.)
Mais serait-ce en contradiction avec votre travail ?
Je pense qu’ici ça a fonctionné à sa manière parce qu’il s’agissait d’un travail différent. Chaque fois que je fais quelque chose, c’est un défi, parce que je veux arriver à produire l’image que j’ai en tête. Là, le défi, pour moi, c’était d’abord de gérer tout ce monde, de savoir quoi leur dire. Or, au début, je ne me concentrais que sur l’obtention de l’image, comme je le fais habituellement. C’était un peu comme quand j’ai dû monter à cheval alors que je n’en avais pas envie, mais qu’il le fallait bien pour avoir cette image de moi sur le cheval ! Je devais monter, réussir à vaincre ma peur. Là, il y avait tellement de choses à faire que je n’ai pas eu le temps de m’attarder sur ma peur ; il fallait juste y aller ! Et j’ai développé très rapidement certaines compétences de « gestion », ce que je n’avais jamais fait. Je n’ai jamais eu à dire à personne…
Quoi faire ou ne pas faire ?
Oui, et c’était vraiment difficile, mais j’ai compris que, si je ne le faisais pas, ça ne marcherait pas. Pour réaliser mon image, il fallait que je sois claire, que tout le monde comprenne bien ce que j’attendais de chacun. J’ai donc dû apprendre, et vite.
Et pouvez-vous dire aujourd’hui que vous avez appris ?
Oui. Beaucoup. Et à connaître mes limites.
Êtes-vous curieuse de savoir qui achète vos photographies ?
Parfois, Ghislain Pascal, mon agent, me raconte une anecdote. Par exemple, il y a eu ces petites images que nous souhaitions vendre à un prix très accessible. Un très jeune garçon était venu ; il voulait acheter sa première œuvre d’art, et c’était une des miennes. J’en ai été si honorée ! Il y a aussi des familles pour qui c’est également le premier achat d’œuvre d’art, ça m’émeut vraiment. D’un autre côté, quand l’acheteur possède déjà une collection étonnante, c’est spécial aussi parce que ça signifie que vous pouvez faire partie de quelque chose.