A Toulon, Futurissimo célèbre le génie du design italien

Pourquoi et comment le design italien s’est-il fait une place centrale au XXe siècle ? A Toulon, l’exposition Futurissimo livre une réponse passionnante à travers 200 pièces rares…

Depuis cinq ans, Toulon se transforme en capitale estivale de l’architecture d’intérieur. Avec le concours Design Parade (voir à la fin de cet article), mais aussi l’exposition organisée par le Centre Pompidou à l’Hôtel des arts. Cette année, le musée parisien a confié aux curateurs Marie-Ange Brayer et Olivier Zeitoun le soin de piocher dans son immense collection quelque 250 pièces rares et emblématiques qui permettent de mieux comprendre comment son esprit d’avant-garde a permis au design italien de conquérir le monde…

Le Tapis volant (1974) dans la pièce consacrée à Ettore Sottsass.
Le Tapis volant (1974) dans la pièce consacrée à Ettore Sottsass. Luc Bertrand

Au fil du XXe siècle, cette discipline nouvelle est devenue de l’autre côté des Alpes un terrain d’expérimentation pour tous ceux qui voulaient brasser art, urbanisme, technologie, politique, architecture, philosophie, etc. En plus de proposer un terreau idéal pour ces réflexions, la Botte cultive alors une certaine radicalité et n’hésite pas à questionner la modernité qui s’impose. Des éléments clés dans l’émergence du design italien…Baptisée Futurissimo, l’exposition est scénographiée de main de maître par le designer Jean-Baptiste Fastrez. Ce dernier montre les valeurs derrière chaque objet, ce qu’il a nécessité de recherches et de rupture avec les codes existants. Car c’est aussi là que réside le génie du design italien : l’anticipation des évolutions de nos modes de vie.

Des inspirations venus de la Nature

Le début de l’exposition remonte aux origines du phénomène dans les années 1920 avec du mobilier inspiré à la fois du Bauhaus, du rationalisme et du mouvement moderne, notamment avec Franco Albini ou BBPR. Précurseur, ce collectif d’architectes milanais est présent à travers une maquette de son iconique Torre Velasca (1956-1958) mais aussi des meubles dessinés dans les années 1930-1940. L’autre salle qui introduit Futurissimo se penche sur les inspirations nées de la Nature avec le mouvement Néo-Liberty auquel est affilié Carlo Mollino (1905-1973), dont le Centre Pompidou montre un bureau exceptionnel avec un piètement fait d’une seule feuille de bois courbé.

La pièce consacrée aux influences organiques avec, à droite, le bureau de Carlo Mollino.
La pièce consacrée aux influences organiques avec, à droite, le bureau de Carlo Mollino. Luc Bertrand

Au rez-de-chaussée, les autres salles sont ventilées le long d’un chaisier chronologique qui présente des assises rentrées dans l’imaginaire populaire (comme la Superleggera de Gio Ponti) et d’autres plus obscures mais pas moins cultes (comme le fauteuil dessiné par Nathalie du Pasquier, co-créatrice du mouvement Memphis pour son usage personnel). Une salle entière est dédiée à Ettore Sottsass, inlassable précurseur du design italien qui a initié bon nombre de ses mouvements d’avant-garde. Une autre – plongée dans le noir – à la façon dont les créateurs transalpins (des frères Castiglioni à Gae Aulenti et Gino Sarfatti) ont bouleversé notre utilisation de la lumière dans le cadre domestique.

Futurissimo et les avant-gardes

Au second, le visiteur est accueilli par une immense table dressée pour démontrer ce que les designers italiens ont apporté aux arts de la table. Sous les cloches en Plexiglas, les couverts, assiettes et balances ménagères mettent les plastiques au service de formes et typologies nouvelles qui accompagnent les changements sociétaux. Futurissimo évoque aussi la technologie avec une salle presque intégralement dédiée au fabricant Olivetti, qui a collaboré avec la crème des designers italiens, notamment Mario Bellini et Ettore Sottsass qui lui a dessiné la fameuse machine à écrire Valentine. En face, on retrouve des focus sur des ambassadeurs incontournables de la radicalité comme Enzo Mari, Aldo Rossi ou Bruno Munari…

La salle des machines rend hommage au rôle d’Olivetti.
La salle des machines rend hommage au rôle d’Olivetti. Luc Bertrand

Enfin, comment évoquer l’esprit avant-gardiste du design italien sans mentionner Archizoom, Alchimia et Memphis, des mouvements qui l’ont changé à jamais en le libérant du diktat fonctionnaliste ? Futurissimo le fait en déployant une sélection de meubles et textiles rares. L’exposition se clôt sur une installation conçue par Andrea Branzi en 2008 à mi-chemin entre art et design. Une manière de montrer que les créateurs italiens continuent d’explorer de nouvelles voies pour le design…
> Futurissimo. Jusqu’au 31 octobre 2021 à l’Hôtel des arts de Toulon. 236, boulevard Général-Leclerc, 83000 Toulon.

Le canapé Kandissi d’Alessandro Mendini et le guéridon Kristall de Michele de Lucchi représentent respectivement les mouvements Alchimia et Memphis.
Le canapé Kandissi d’Alessandro Mendini et le guéridon Kristall de Michele de Lucchi représentent respectivement les mouvements Alchimia et Memphis. Luc Bertrand

A voir aussi à Toulon

La cinquième édition du concours d’architecture intérieure Design Parade Toulon revient à l’ancien évêché jusqu’à la fin octobre 2021. Les dix finalistes, issues des meilleures écoles européennes, ont chacun investi une pièce avec une mise en scène originale. Le résultat est bluffant ! Le même lieu accueille aussi l’exposition onirique des présidents du jury, Studio KO, et des derniers lauréats, le duo Géraud/Pellottiero qui explore les matériaux et savoir-faire de la Côte d’Azur.

> Design Parade Toulon. Ancien évêché. 69, cours Lafayette, 83000 Toulon.

La pièce investie par Capucine Guhur, l’une des dix finalistes de Design Parade Toulon.
La pièce investie par Capucine Guhur, l’une des dix finalistes de Design Parade Toulon. Luc Bertrand