« Patrimoine et friction ». Ce sont les mots qui viennent instinctivement à l’esprit de Rodolphe Parente lorsqu’il découvre cet appartement parisien de 350 m2 avec vue sur la Tour Eiffel. Situés au deuxième étage d’un immeuble haussmannien, les lieux sont empreints d’une identité architecturale marquée.
En premier lieu, ces grands volumes dotés d’une généreuse hauteur sous plafond, puis tous ces éléments architectoniques forts (ornements, moulures et modénatures) qu’il fallait de toute évidence conserver. « Les choses devaient s’entrechoquer, nous dit l’architecte d’intérieur, sans pour autant tomber dans la gesticulation pure du design. » Autrement dit, faire preuve de déférence vis-à-vis du patrimoine tout en sachant le bousculer. « J’ai essayé de dégager une atmosphère singulière, avec l’idée d’une élégance pérenne. » Rodolphe Parente a ainsi puisé son inspiration dans l’idée d’un contraste maîtrisé qui imprègne tout l’appartement : « Il fallait conserver la coque, lui redonner de l’élan et de la splendeur et en même temps, dans un traitement très contemporain, s’inscrire dans ce patrimoine. »
Les propriétaires, un couple trentenaire avec trois enfants en bas âge, sont à leurs heures perdues collectionneurs d’art et de design. Pierre Charpin, les frères Bouroullec, Jasper Morrison ou le photographe Massimo Vitali font partie de leur univers. « J’ai composé avec leurs œuvres afin d’établir le dialogue juste entre les objets et le lieu », explique Rodolphe Parente. Mais pour cette famille moderne, pas question d’habiter un musée. L’appartement devait être avant tout fonctionnel. « Il ne s’agit pas d’être dans une représentation photographique où rien ne bouge mais bien d’adapter l’appartement aux contraintes de la vie quotidienne. Les enfants doivent pouvoir sauter sur le canapé ! »
Marbre de Calacatta et bronze médaille comme fil rouge
La recherche de convivialité et de confort s’exprime à travers un mobilier fédérateur : une cuisine-salle à manger organisée autour d’un îlot central en marbre, bronze et laiton, une alcôve-banquette intégrée au bow-window et un canapé XXL positionné au centre du salon. Pour créer un fil conducteur, Rodolphe Parente s’est tenu à un code matières et couleurs qui fait le lien entre les pièces. Le marbre de Calacatta et le bronze médaille se déclinent ainsi sous différentes formes au fil des espaces. Une grande partie du mobilier a été dessinée sur mesure : la vasque de la salle de bain, l’îlot central de la cuisine, les bibliothèques en noyer ou encore le vaisselier. La sophistication est de mise mais pour des raisons qui n’ont que peu à voir avec la démonstration. Élégance, souci du détail, qualité des matériaux employés, justesse du dessin : voilà qui intéresse Rodolphe Parente, grand admirateur des œuvres de Pierre Chareau (1883-1950) et Carlo Scarpa (1906-1978).
Belles matières, confort et proportions maîtrisées
Ce projet est né du dialogue avec le couple. On ne parle pas là de simples discussions mais bien d’échanges féconds. « Dans ce projet, j’ai vraiment joué au ping-pong avec eux », note l’architecte d’intérieur pour qui l’implication des clients est fondamentale, quel que soit le projet. « Je n’ai pas la prétention d’un style, je déteste cette idée d’arriver avec une signature préétablie. C’est une attitude d’un autre temps qui me dépasse », confie cet homme qui a fait ses classes chez Andrée Putman. Elle lui a, entre autres, transmis le respect de l’architecture et du génie des lieux. « Chaque projet a sa propre identité. Dans mon métier, je dois être capable de gérer la proportion, la fonctionnalité et de dessiner des choses justes. C’est tout ce que ce projet incarne : belles matières, confort, proportions maîtrisées, sans en faire trop. Cette écriture est adaptée à la demande de mes clients et c’est le plus important pour moi. »