Necchi Architecture signe le décor de la brasserie Alfred :
Entretien

Leur nom ne vous dit peut-être rien mais il résonnera bientôt très fort. Le duo Necchi, formé par Charlotte Albert et Alexis Lamesta, dévoile enfin son talent avec le nouveau restaurant Alfred, une brasserie « comme avant »... mais en mieux.

Voilà quelque temps que le néo-bistrot sauce parisienne se cherche. Certains cassent les codes, d’autres opèrent une renaissance. La bande derrière Alfred — deux paires de frangins — avait dans l’idée de créer une « belle brasserie classique où l’on pourrait bien manger ». C’était sans compter sur le choix des architectes d’intérieurs, Necchi Architecture, qui ont su adjoindre à cette simple définition la juste interprétation visuelle.

Première bouchée pour Necchi

C’est l’histoire d’un coup d’essai. Celui des patrons, Basile et Martin Beaupère et Theodore et Casimir Mahoudeau, et de leur tête créative, le duo parisien Necchi. Chacun a trouvé sa place dans cette danse à l’aveugle, à commencer par les architectes d’intérieur dont le nom circule sur beaucoup de lèvres.

Deux salles intimistes composent le théâtre du restaurant Alfred par Necchi Architecture.
Deux salles intimistes composent le théâtre du restaurant Alfred par Necchi Architecture. Ludovic Balay

Après le dernier appartement de Pied-à-Terre, les Necchi ont inauguré ces derniers mois une multitude de projets. Une bijouterie, celle de Yvonne Léon dans le VIIIe arrondissement, un second restaurant, Chimère, dans le centre de Paris, et Alfred, à quelques pas de leur studio. 

Avant ça, ils avaient mis en scène la seconde antenne de la marque de joaillerie Stone Paris et bon nombre de réalisations particulières. Bientôt, c’est un hôtel qu’ils révèleront dans le Xe arrondissement…

La brasserie originelle ?

Ce restaurant a quelque chose de spécial. Sa disposition originale — deux salles disposées de part et d’autre d’un bar de poche —, sa décoration surannée, ses teintes patinées comme s’il avait toujours existé. On adorera le (re)découvrir saison après saison, son plafond bas conférant une atmosphère particulière au lieu, qu’il pleuve ou que le soleil brille.

Cette luminosité discrète est compensée par un élégant travail de la couleur qui invoque l’esprit de Le Corbusier : il est l’œuvre de Pauline Leyravaud. Quelques lampes sur pied dessinent les ombres des invités sans les éblouir, le clair-obscur conférant à Alfred son caractère si particulier, coincé entre deux époques.

Les couleurs de Pauline Leyravaud de nuit.
Les couleurs de Pauline Leyravaud de nuit. Ludovic Balay

Dans l’assiette, la brasserie est fidèle au genre, bien que la cheffe cathodique Alexia Duchêne s’attelle à la faire coller à son époque. L’œuf mayo se coiffe ainsi d’œufs de truites, la tarte Tatin est à l’oignon et aux champignons, le croque-madame s’adjoint un beau morceau de reblochon. Côté dessert, les dunes blanches sont un must, petits-choux qui s’avèrent légers bien que généreusement garnis de crème fouettée. Un menu à l’orée de deux époques et à l’image de son écrin.


Trois questions à Necchi à l’occasion de l’ouverture du restaurant Alfred :

IDEAT : Quel est le point de départ du projet ?

Necchi : Basile, Martin, Theodore et Casimir nous ont laissé une carte blanche totale pour la décoration mais avaient en tête l’idée précise d’une « vieille brasserie parisienne ». Un endroit comme à la maison, où le bazar peut parfois s’inviter, sans fioriture mais foisonnant d’objets… Nous les avons vite amenés vers l’imaginaire de Le Corbusier et plus spécifiquement son projet du bar L’Etoile de Mer à Roquebrune-Cap-Martin, attenant à son cabanon.

Comment décririez-vous Alfred ?

Nous sommes clairement dans une histoire moderniste. Les lignes, la géométrie sont très présentes, du plafond aux murs. Son héritage découle du travail de Le Corbusier mais s’adapte aux besoins d’une adresse contemporaine, avec une touche parisienne. Par exemple, nous avons éclairé les tableaux de petites lumières muséales. Pour un maximum de confort, nous avons recouvert les banquettes et fabriqué les rideaux à partir de tissus Dedar et Pierre Frey et nous avons choisi de laquer le bois qui tapisse les murs. Pour contraster avec ces clins d’œil au bar de Le Corbusier, nous avons choisi une pierre belge pour le sol, recouvert les tables et le bar de marbre et avons distillé des touches d’Inox poli miroir en quinconce avec des panneaux de couleurs.

Un bar scinde l’espace en deux volumes.
Un bar scinde l’espace en deux volumes. Ludovic Balay

Le mobilier a-t-il été créé sur mesure ou chiné ?

Le travail de chine a concerné les petits objets, dans cette idée d’incarner l’ancien dans ce lieu nouveau. Les chaises sont les uniques pièces de mobilier trouvées en brocante pour souligner l’esprit brasserie. Nous avons conçu tout le reste, comme nous le faisons habituellement dans nos projets. Aux murs, nous avons développé l’idée de ces panneaux colorés et réalisés par Pauline Leyravaud : elle les a peints et crayonnés. Nous lui avons expressément demandé de les patiner de coups de crayon pour un effet plus brut…

> Restaurant Alfred. 8 Rue du Mont Thabor, 75001 Paris. Réservations.