Créé en 2007 par Sophie Thuillier et Cristiano Benzoni, le Studio REV vient de lever le voile sur la Maison de Beauté Carita. L’occasion de revenir également sur les projets en cours du duo…
Le nouveau visage de la Maison de Beauté Carita
Paris, décembre 1952. La Duchesse de Windsor inaugure le 11 faubourg Saint Honoré, où Maria et Rosy Carita ont établi leur salon. Soixante-dix ans plus tard, fin septembre dernier, c’est cette fois la Princesse Clotilde de Savoie mais aussi Monica Bellucci, Isabelle Adjani ou encore Clara Luciani qui assistent à la soirée de réouverture de la Maison de Beauté Carita, totalement transfigurée après deux années de travaux.
Cette métamorphose de la Maison de Beauté s’inscrit dans un processus de 4 ans de repositionnement total de la marque premium de L’Oréal Luxe. « Notre ambition est de faire de la Maison de Beauté le lieu le plus recherché en matière d’expérience esthétique au monde, annonce Charles Finaz de Villaine, Global Brand Director de Carita. Nous avons confié les 1 800 m2 de cet hôtel particulier aux bons soins de Sophie Thuillier et Cristiano Benzoni ». Le duo d’architectes du Studio REV s’est emparé de l’espace « pour projeter Carita, cette marque en totale reconstruction, dans le futur. C’est la première fois qu’une telle opportunité nous est offerte, indique Cristiano Benzoni. Notre travail a été d’amplifier la culture Carita et le concept de beauté globale dans un bâtiment contemporain ».
Tout débute par l’entrée avec ses arches décalées qui créent un effet de perspectives et renvoient au logo Carita. En l’absence de vitrines, elles happent le regard, incitent le visiteur à entrer pour découvrir l’atrium, un vaste espace d’une vertigineuse hauteur.
Sophie Thuillier et Cristiano Benzoni l’ont restructuré, dégageant le superflu, recréant des ouvertures, remontant la verrière d’un niveau et coiffant le tout d’un immense lustre composé de 777 disques opalescents. « Notre souhait est de révéler peu à peu et non de tout montrer immédiatement, pour fixer les émotions de la visite », explique Sophie Thuillier.
Les architectes ont décliné une symphonie de noir et blanc, mais aussi de matières nobles : pierre bleue du Hainaut, marbre, quartzite, onyx… Le rez-de-chaussée accueille les alcôves de diagnostics et une boutique. Au premier étage se déploient les onze cabines de soin, traitées comme des bulles de bien-être entre éclairage spécifique, ambiance luxueuse, playlist à la carte…
Rosy, le restaurant tenu par la cheffe Amandine Chaignot, permet de prendre le temps entre deux soins ou de déjeuner entre amis. Pour passer d’un étage à l’autre, un somptueux escalier et une passerelle offrent une vue imprenable sur les volumes. Le temps de s’attarder, d’être vue, ou pas.
Les soeurs Carita ont débuté leur carrière par la coiffure, il était donc logique que le Studio REV le traite de la plus belle des façons. Des miroirs en forme d’arche ponctuent l’espace de 85 m2 au 2ème étage et un bar s’habille de fioles colorées pour évoquer les savantes préparations dont la maison a le secret.
Au 3ème niveau où attend le Studio du regard, le point d’orgue est l’appartement privé de 130 m2 avec salon, salle à manger, suite de coiffure, suite de soin double et hammam. « Nous avons respecté l’esprit de la culture artistique des soeurs Carita, qui avaient en leur temps une vision architecturale et un esprit avant-gardiste », indiquent les architectes pour conclure la visite de la Maison de Beauté Carita.
Des histoires de contexte
Après avoir travaillé aux côtés de Jean Nouvel pendant une dizaine d’années comme chefs de projets, Sophie Thuillier et Cristiano Benzoni créent le Studio REV en 2007, qui compte aujourd’hui une vingtaine de collaborateurs dans ses bureaux de la rue de Bretagne.
L’agence s’est fait un nom dans le retail et l’hospitality, affichant quelques belles références comme le flagship Louis Vuitton des Champs Elysées (premier projet solo de Cristiano Benzoni et de son agence fondée avec l’architecte américain Eric Carlson en 2004), les concept retail de Nocibé, de Sensee et celui des corners Fauchon.
Prochainement, le Studio livrera la première boutique à Londres de Daniel Del Core. L’espace sera assez sobre pour laisser s’exprimer les créations du jeune couturier puisant son inspiration dans la faune et la flore mais fera toutefois écho à l’univers du créateur, comme le sculptural escalier en loupe.
« L’architecture est un acte politique. (…) Il faut s’efforcer d’être vertueux.» — Cristiano Benzoni, co-fondateur du Studio Rev
Studio REV, c’est aussi Au Top, un restaurant en rooftop créé pour Jean Philippe Nikogossian qui offre un lieu de dépaysement et de déconnexion avec la ville qu’il surplombe. Ou Le Comptoir 532, à Alixan, un bâtiment transformé dans l’esprit du relais routier, avec café, marchés sec et frais, cave et espace de co-working.
« Les gens s’intéressaient à nous par ce que nous avions fait dans le retail mais nous ne voulions pas nous cantonner à ce domaine, de même que nous détestons la répétition dans nos projets, même si cela implique bien plus de travail. Ce n’est pas l’esthétique mais l’usage qui nous guide en premier lieu », explique Sophie Thuillier. « Nous n’avons pas d’échelle de référence par rapport à architecture, notre démarche est liée au côté utilitaire des choses, qu’il s’agisse d’un objet ou mobilier que nous dessinons comme d’un bâtiment, avec une notion d’accessibilité, de sobriété. L’architecture est un acte politique. Un bâtiment va rester très longtemps et il va changer la vie des gens, il faut donc s’efforcer à être vertueux », renchérit Cristiano Benzoni.
Quelques récents projets suffisent pour comprendre la diversité d’approche du duo. Le complexe résidentiel de Bois-Colombe pour Bouygues Immobilier propose un bâtiment multi-usages qui sonne comme un manifeste pour la ville de son engagement en faveur du vivre ensemble. Ainsi, le rez-de-chaussée est considéré comme une extension de l’espace public avec ses commerces et son co-working.
Le rooftop n’est pas réservé aux seuls habitants mais est lui aussi ouvert à toute la population. Autre exemple, cette fois pour le promoteur Accolade France, avec la transformation de l’ancien Centre de Formation Thales à Jouy-En-Josas en résidence étudiante HEC. « Nous sommes partis de bâtiments des années 1970 à l’architecture générique, auxquels nous avons ajouté un niveau par des surélévations en construction bois déclinant textures et couleurs inspirées de la nature environnante, expliquent les architectes. Des lames en aluminium miroir renvoient la lumière et le paysage. Ce faisant, nous rendons l’architecture sensible et sentimentale ». Une parfaite traduction de l’esprit REV…
> Maison de Beauté Carita, 11 Rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris