Début 2024, le Zaishui Art Museum, situé dans la province de Shandong, en Chine, accueillait ses premiers visiteurs. Rassemblant un espace d’exposition, un centre d’information ainsi qu’un centre commercial, ce projet d’envergure prend des allures d’OVNI architectural. Installé au cœur d’une province en pleine expansion, où la nature reste pour le moment préservée, le musée devait répondre aux dimensions d’un espace des plus imposants. L’architecte japonais Junya Ishigami a été choisi afin de trouver cet équilibre entre construction et paysage. Résultat ? Une création monumentale où fusionnent nature et architecture.
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Junya Ishigami, architecte de l’osmose
Le choix de Junya Ishigami s’inscrit dès le départ dans une démarche visant à intégrer le projet architectural le mieux possible dans le cadre naturel présent. Décoré par plusieurs prix, l’architecte japonais inscrit sa pratique dans une valeur centrale, qu’il infuse dans chacune de ses créations : construire en harmonie avec la nature. Une approche qui se retrouve dans la totalité de ses projets, dont la Mud House qu’il faisait bâtir au Japon sur le modèle des maisons troglodytes. Une méthode de travail qui se rapproche de celle d’un paysagiste, ne cherchant pas uniquement à créer un bâtiment pour remplir une fonction, mais visant à l’inscrire dans un paysage préexistant sans jamais le défigurer. Le Zaishui Art Museum est une réinterprétation de ses codes à une échelle monumentale.
Alors que la ville de Rizhao est en plein développement, la zone géographique dans laquelle s’inscrit le Zaishui Art Musuem reste préservée. Des forêts denses entourent le lac artificiel servant de réservoir d’eau, tandis qu’au loin sont visibles les montagnes verdoyantes de la province de Shandong. Un environnement que le bureau d’architectes de Junya Ishigami, junya.ishigami+associates, ne voulait ni détruire, ni perturber visuellement. « La clef était de voir l’architecture de ce projet comme un ‘gentil géant’ dans l’environnement, et de se pencher sur la possibilité d’une relation complètement novatrice entre la nature et ce qui est créé de la main de l’Homme. La problématique à laquelle nous devions répondre était la suivante : comment rapprocher ces deux éléments le plus possible, au point de rendre la limite les séparant ambiguë, impossible à discerner » confie-t-il à nos confrères de Wallpaper.
Une recherche de fusion complète donc, où l’architecture a pour but de s’inscrire dans le paysage sans le défigurer, tout en rendant impossible de toucher du doigt la limite les séparant. Le centre d’information destiné aux visiteurs se situe quant à lui dans un bâtiment distinct, sur la rive du lac. Invisible du ciel, il est dissimulé sous un toit végétalisé, des passerelles venant relier les deux bâtiments et faire de cette expérience culturelle qu’est une visite au musée une balade en pleine nature.
Le Zaishui Art Museum, en Chine : un musée qui reflète les saisons
La longueur incroyable du musée, qui traverse la quasi-totalité du lac artificiel, propose un véritable cheminement au visiteur, entre culture et nature. Les espaces d’exposition se voient enserrés par des vitres donnant des deux côtés sur les eaux du lac. Le musée étant bâti au même niveau que celui du réservoir d’eau artificiel, la séparation entre espace intérieur et espace extérieur semble effacée. Un effet produit par l’utilisation en masse du verre seulement ponctué par le béton et le métal de la structure, encore accentué par un des ouvertures surprenantes dans les baies vitrées. Ainsi, l’eau du lac entre dans le musée, les visiteurs parcourant l’espace sur un sol surélevé de seulement quelques centimètres pour les garder au sec.
Pour ajouter encore à cet effet, Junya Ishigami a créé un décalage au sol de telle façon qu’une ondulation rappelant la plage bercée au rythme des vagues se crée à l’intérieur du musée. « Le concept de ce musée était basé sur la création d’un nouveau paysage intérieur. Et donc d’une nouvelle nature, l’on peut côtoyer au sein même de l’architecture » (Wallpaper Magazine). Le musée est par ailleurs ponctué d’îlots végétalisés, faisant écho aux arbres de la rive.
Majoritairement composé de verre, la construction se joue de son environnement. En été, alors que les forêts environnantes rayonnent d’un vert chlorophylle intense, la couleur vibrante se reflète dans les vitres du bâtiment, le fondant dans son décor. Il suit ainsi les saisons au même rythme que la nature qui l’entoure, reflétant les teintes dorées en automne, disparaissant sous la neige en hiver. Pour atteindre cette esthétique du camouflage, l’architecte a fait le choix d’un design épuré et réduit à son minimum : le gris comme seul coloris, une incorporation mesurée du béton et de la pierre, et le verre comme surface réfléchissante.
Depuis l’intérieur du bâtiment, cette sensation de fusion avec la nature est également omniprésente. Si certains espaces se veulent plus hermétiques à l’extérieur, d’autres se jouent de la hauteur sous plafond, dégageant la vue au point de faire oublier au visiteur qu’il se trouve dans un espace fermé. Lors d’une interview donnée au Designboom à l’ouverture du Zaishui Art Museum, Junya Ishigami ajoutait, « Quand les matins sont brumeux, le brouillard tend à faire disparaître le musée ; lors des journées pluvieuses, les gouttes d’eau touchant la surface du lac créent des ondulations dont l’effet est augmenté par le musée qui joue alors le rôle de miroir ». Défi réussi.
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