Rencontre avec Takayuki Yajima, PDG de l’entreprise familiale Yamato et créateur, depuis 2015, de la marque pointue et inclusive de kimonos sur-mesure,Y & Sons, dans sa boutique situés dans le quartier de Kanda, à Tokyo. Initialement dédiée aux hommes, ce qui, en soi était déjà une première audace, Y & Sons questionne aujourd’hui avec élégance les frontières du genre et entend partager, au pays du Soleil levant comme à l’international, cette inédite rencontre entre la culture japonaise traditionnelle abordée avec respect mais sans nostalgie, l’esprit tailleur Savile Row et la modernité des porters contemporains saupoudrée de technicité outdoor. On ne peut qu’espérer que le pop up store Y & Sons qui avait ouvert l’an dernier à Paris dans le Marais aura une suite pérenne…
À lire aussi : Le design japonais va-t-il vraiment changer nos voyages en TGV ?
IDEAT : Vous dirigez aujourd’hui l’entreprise familiale de kimonos Yamato, fondée par votre arrière grand-père en 1917 et avez créé, en 2015, la marque de kimonos contemporains Y & Sons. Quel est votre premier souvenir de kimono ?
Takayuki Yajima : Cela peut paraitre surprenant, mais je n’ai pas vraiment de souvenirs précis de kimonos. Mon grand-père et mes parents en portaient parfois lors de certains événements comme la cérémonie du thé et les mariages, mais il s’agissait juste d’un style tout à fait normal au Japon, rien de plus.
IDEAT : Pourquoi avez-vous décidé de créer Y & Sons ?
Takayuki Yajima : J’ai créé Y & Sons en 2015, un an après avoir rejoint l’entreprise familiale, car j’ai constaté qu’il y avait un réel manque de diversité et qu’il n’existait pas de concept qui permette de faire le lien entre la culture du kimono et les modes de vie d’aujourd’hui. Nous voulons changer l’idée que ce vêtement n’est destiné qu’aux occasions spéciales. Au contraire, il peut être porté tous les jours. J’aimerais vraiment modifier la perception de cet habit traditionnel en créant de nouveaux styles qui puissent être appréciés par des personnes du monde entier, indépendamment de leur sexe, de leur nationalité, de leurs activités et même de leurs handicaps. En faire un facteur d’inclusion.
IDEAT : Avez-vous une raison particulière d’être ainsi attentif au handicap?
Takayuki Yajima : Non, mais mon premier emploi a été celui de pompier à Tokyo. J’ai toujours voulu aider les autres.
IDEAT : Y & Sons va donc plus loin que la simple modernisation de la tradition…
Takayuki Yajima : Si nous voulons préserver la culture, nous devons éviter de la figer et nous adapter à notre époque. Il y a beaucoup de règles et de stéréotypes concernant les kimonos que je voudrais briser, en dépit du fait que j’aime réellement respecter le style traditionnel — notre atelier pratique d’ailleurs le sur-mesure, ce qui garantit un ajustement parfait. Porter un kimono, c’est souvent se heurter à la difficulté que représentent certains accessoires tels que le obi [ceinture traditionnelle, Ndlr]. Nous concevons donc des modèles modernisés qui n’en ont pas besoin et peuvent être associés à des chapeaux, des chaussures… Lorsque nous avons fondé Y & Sons, nous nous sommes d’abord concentrés sur les kimonos pour hommes, mais j’aurais tendance à dire qu’aujourd’hui, nos collections ne sont pas définies par le genre.
IDEAT : En 2024, vous avez ouvert un pop-up place de Thorigny, dans le Marais. Pourquoi aviez-vous choisi Paris et cet emplacement pour ce premier point de vente éphémère hors Japon ?
Takayuki Yajima : Mon ambition est, en collaborant avec d’autres cultures, d’actualiser celle du kimono. Et Paris, en tant que ville dans laquelle culture et mode coexistent avec le plus grand naturel, est un parfait tremplin pour cet avenir international. Nous avons pour projet de développer de même notre marque à Londres, New York, Taipei…
IDEAT : À Tokyo, votre boutique-atelier se situe à Kanda, en dehors des circuits connotés « mode ». Pourquoi avez-vous opté pour ce quartier du nord-est de la capitale ?
Takayuki Yajima : Kanda est un quartier unique car le passé y est encore présent à travers les nombreux temples et sanctuaires qui, bien qu’ils ne soient pas tous célèbres, sont visités par de nombreux touristes. Et d’ailleurs, notre boutique réalise la moitié de son chiffre d’affaires avec des étrangers. Kanda regroupe également de nombreux petits restaurants, des librairies. Il y a, ici, une échelle humaine qui facilite l’interaction.
À lire aussi : Visite : Stairway to heaven dans une maison tokyoïte signée Nendo