Tourisme : Lisbonne, haute en couleurs

Le Tage vaste comme une mer, des ruelles séculaires, une taille réduite et une nonchalance agréable… Lisbonne n’en finit pas d’enchanter les visiteurs. Avec trois cents jours de soleil par an, des tarifs encore sages, mais aussi un savoir-faire artisanal très compétitif, elle convainc même les étrangers de s’y installer. Une popularité qui booste l’économie mais qui peut se révéler ambivalente pour les Lisboètes…

Selon Manuel Aires Mateus, architecte très respecté et auteur du superbe siège de la compagnie d’électricité EDP, il faut maintenant compter avec l’appétit des promoteurs : « Avec effarement, je vois Lisbonne rachetée par zones entières depuis le centre. Vingt immeubles du Príncipe Real sont tombés dans l’escarcelle du promoteur américain EastBanc, déjà propriétaire du centre commercial Embaixada. Autrefois, les promoteurs étaient locaux, mais arrive une spéculation chinoise, anglaise et américaine dont les fonds sont disproportionnés par rapport à la taille de la ville. Un de mes clients américains voulait que je lui trouve des palais de 50 000 m²… qui n’existent pas. Certes, la ville a besoin de se densifier et de se dynamiser, car elle comportait trop de zones sombres. Mais le problème collatéral est le prix du mètre carré, passé de 2 500 à 12 000 euros en trois ans ! Aucun Portugais ne peut se le permettre. Le salaire mensuel moyen est de seulement 794 euros… » Selon l’architecte, cette bulle immobilière fait fi de la compréhension de la vie portugaise et de ses espaces fluides. « Je me demande comment la gentrification va se traduire dans le quartier des Amoreiras où s’implante un centre commercial de 100 000 m2… » Lisbonne risque-t-elle de devenir une ville fantôme ? Comme Manuel Aires Mateus, on espère que non et qu’elle conservera longtemps ses perles, son âme… et sa population.

La Sé, la plus ancienne cathédrale de Lisbonne.
La Sé, la plus ancienne cathédrale de Lisbonne. Ludovic Maisant

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