Au point que l’éditeur Joseph Djenandji, des guides Lost In, qui habite Mitte, plaisante : « J’ai l’embarras du choix pour trouver des bougies parfumées, mais si je veux acheter une pomme ou une banane, c’est plus compliqué. » La gentrification a gagné le quartier voisin de Prenzlauer Berg et bientôt, dit-on, Neukölln. Alors, on commence à s’éloigner vers de nouveaux territoires. « À la chute du Mur, reprend Joseph Djenandji, les gens ont investi les anciens quartiers de l’Est. Maintenant, ils redécouvrent les quartiers ouest et leur histoire. »
Car malgré la grisaille, dans les années 70 et 80, l’Ouest était un bouillon de culture underground. Iggy Pop et David Bowie y ont d’ailleurs laissé des traces… ou plutôt des chansons. Ainsi, la réhabilitation du complexe Bikini Berlin, un ensemble architectural classé des années 50 (où le 25Hours Hotel a logé ses chambres), a donné un coup de fouet au quartier et à la très longue Ku’damm (Kurfürstendamm).
« C’est la Potsdamerstrasse qui est aujourd’hui très intéressante », précise encore l’éditeur. Connue pour sa proximité avec le red light district, la rue a commencé à changer quand, en 2011, le gourou des tendances, Andreas Murkudis, y a posé sa boutique. La même année que la célèbre galerie d’art contemporain Blain/Southern. Depuis, Acne Studios, Odeeh et bien d’autres les ont rejoints. Au point, de nouveau, d’engendrer une potentielle gentrification…
Trop lisse, Berlin ? Peut-être… L’artiste Asta Gröting joue donc aux archéologues, faisant « parler » les murs en montrant leurs cicatrices des impacts de balles ou d’obus de la Seconde Guerre mondiale grâce à des moulages géants en silicone. « À la réunification du pays, l’argent est arrivé en masse. On a rénové la ville en détruisant les marques et les traces du passé. Mes moulages sont ceux des dernières façades abîmées par la guerre, des bâtiments publics qui attendent d’être ravalés. » Exposées récemment au Kindl, ses sculptures, d’une poésie folle, sont comme des paysages de la ville décrivant un passé que l’on cache aujourd’hui. Pourtant, ce sont aussi ces stigmates qui attirent les touristes, toujours plus nombreux. Checkpoint Charlie, ancien lieu de passage du Berlin divisé, a des allures de Disneyland.
Pour quelques euros, on s’offre un selfie devant de faux soldats après avoir acheté un morceau de béton du soi-disant mur de Berlin. Comble de l’histoire, un Hard Rock Hotel devrait voir le jour sur l’ancienne frontière. Une drôle de façon de (re)composer avec le passé. Mais Berlin n’est pas à un paradoxe près…
MUR DE BERLIN
Que reste-t-il du mur de Berlin ? L’East Side Gallery est la plus longue section encore debout, totalisant 1 316 mètres de béton décoré (par 118 artistes de plus de 21 pays, en 1990). Une véritable galerie d’art à ciel ouvert qui a désormais un statut protégé. L’œuvre la plus célèbre reste le Baiser fraternel, entre Leonid Brejnev et Erich Honecker, signé par Dmitri Vrubel.
Eastsidegallery-berlin.de
À LIRE
• Berlin, éditions Lost In. Un guide décalé de Berlin (et d’autres villes) où des locaux livrent leurs adresses. S’y ajoute le regard d’un photographe et d’un écrivain. Sur papier ou appli. Lostin.com
• Modern Berlin Map, éditée par Blue Crow Media. Une carte papier proposant une sélection de bâtiments modernistes de Berlin brièvement décrits.
Bluecrowmedia.com
• Berlin mis en scènes, de Camille Larbey, collection « Ciné voyage », Espaces & Signes. La ville présentée à travers des lieux de tournage de scènes culte. Une jolie façon de l’approcher.
Espacesetsignes.com