Au XVIIe siècle, les ateliers de la Marine dessinaient les figures de proue et les ornements précieux des vaisseaux. Aujourd’hui, sept bateaux délavés, délabrés, sont empilés face au musée de la Marine de Toulon. Le plasticien japonais Tadashi Kawamata a récupéré les embarcations abandonnées dans la célèbre rade pour dresser ce manifeste écologique, en lien avec l’histoire maritime de la ville. Cet été, les flâneurs qui se faufileront sous l’installation monumentale ne seront pas au bout de leurs surprises.
Six lieux emblématiques toulonnais accueillent, jusqu’au 31 octobre, des expositions révélant la volonté de cette ville hybride de mettre les deux pieds dans le design et l’architecture d’intérieur et de prouver que son identité ne se réduit pas au gigantesque arsenal de la Marine nationale bordant sa somptueuse rade. En quinze ans, d’un spectaculaire coup de rein, Toulon s’est redessinée et mise aujourd’hui sur la culture et la jeunesse. Une lame de fond qui ne doit rien au hasard, mais à une volonté politique et à quelques bonnes fées.
Toulon ville de culture
À vingt kilomètres de la capitale varoise, la Villa Noailles, haut lieu de la mode et de la photographie, orchestre depuis quinze étés un festival consacré au design. La métamorphose de sa voisine a fait naître l’idée d’y lancer un second volet de cette « Design Parade » qui serait consacré à l’architecture d’intérieur. La manifestation fête cette année son cinquième anniversaire et continue de mettre en lumière toutes les pépites architecturales que le coming out patrimonial de la ville a révélées.
Entre-temps, Toulon a fini de réhabiliter son centre et mené un pharaonique chantier en pleine ville pour créer un « Quartier de la connaissance et de la créativité ». Fil rouge : faire souffler un fort vent de jeunesse. L’école supérieure d’art et de design, jusqu’alors reléguée en périphérie, y a pris ses quartiers. « Depuis, le nombre de candidats a doublé », se réjouit son directeur, Jean-Marc Avrilla, ravi de cette nouvelle visibilité.
Une mutation culturelle
Sa voisine s’appelle Camondo Méditerranée, petite sœur de la célèbre école d’architecture intérieure et de design parisienne. « Cette ville en mutation est un terrain de jeu magnifique », constate la directrice de cette école, Margaret Iragui, séduite par la diversité architecturale autant que par les multiples jachères toulonnaises. Elle poursuit : « C’est une ville demandeuse. C’est enthousiasmant d’arriver pile au bon moment pour participer à cette mutation. »
Les visiteurs de la Design Parade partagent ce sentiment en s’enfonçant dans la ville provençale réhabilitée, fraîche avec ses rues étroites et ses passages ; en découvrant, depuis le partenariat de trois ans noué avec la métropole toulonnaise, les trésors des collections de design nationales du Centre Pompidou ; en poussant la porte d’un ancien évêché, réveillé par les expositions des jeunes architectes d’intérieur ; en se promenant dans la rade scintillante, sillonnée de bateaux de plaisance et de navires de guerre; en admirant une architecture moderniste encore très présente ; en sautant dans le téléphérique pour embrasser d’un seul regard cette ville qui marie villégiature, culture et business, se réinvente, retisse l’urbain et laisse flotter, entre mer et montagne, ce voile léger et frémissant du changement.