Maître de la discipline, Tadao Ando n’a pourtant jamais fréquenté d’école d’architecture. En effet, à l’adolescence, il se prédestine plutôt à une carrière de boxeur ! Néanmoins, sa curiosité naturelle l’amène à visiter régulièrement des ateliers d’artisans, qui révéleront chez lui un goût pour l’assemblage, la conception, le souci du détail.
En ouvrant un livre d’architecture, il découvre par hasard les bâtiments de Le Corbusier. Il a une révélation et décide d’entreprendre un long voyage initiatique sur les pas de son mentor. En 1965, il se rend en France et visite successivement la Villa Savoye à Poissy et à la Cité radieuse de Marseille. Il se confronte à ce qui deviendra son matériau de prédilection, sa signature architecturale : le béton.
Sa première maison devenue son studio
Dès son retour au Japon en 1969, il décide de fonder son agence à Osaka, où il se consacre d’abord à la construction de maisons individuelles. Sa première bâtisse, la Villa Azuma, reçoit en 1979 le Prix de l’Institut d’Architecture du Japon. A l’origine de son succès, cette maison reste depuis cette date le siège de son studio.
Dans son travail, Tadao Ando cherche à concevoir des lieux où la sérénité et l’harmonie règnent en maîtres. Édifices religieux, lieux culturels et fondations artistiques : il met en œuvre une palette de matériaux réduite et un vocabulaire formel d’une grande sobriété, que l’on retrouve dans la quarantaine de ses projets qui ont été réalisés.
Une formule de béton qui n’appartient qu’à Tadao Ando
Tadao Ando se passionne en particulier pour la technique du béton banché, qui devient sa marque de fabrique. Il développe même sa propre formule de béton afin de le rendre lisse et délicat tout en conservant son aspect brut.
L’architecte porte également un regard éclairé sur la confrontation du bâti et de la lumière. « L’Église de la lumière » (1989) à Osaka ou encore la « Maison Koshino » (1984) à Kobé, sont des exemples qui illustrent comment cet ingrédient révèle au visiteur une œuvre architecturale. « Je me demande toujours comment je pourrais concevoir des choses qui restent gravées dans l’âme des usagers pour l’éternité. »
Une île-musée, œuvre majeure de Tadao Ando
Au fil de sa longue carrière, Tadao Ando eut l’occasion de créer des lieux de plus plus spectaculaires, notamment « Le Poly Theater » à Shanghai (2014), « La colline de Buddha » à Hokkaido (2015) et le « He Art Museum » (HEM) à Shunde Guangdong en Chine (2020).
Mais c’est au Japon, sur l’île de Naoshima qu’il réalisera à partir de 1992 son projet le plus ambitieux. il façonne une île-musée entièrement dédiée à l’art contemporain, surplombant la mer intérieure du Seto. Différents bâtiments y essaiment : le musée Chichu (2004), le musée Ando, le musée Lee Ufan ainsi que l’hôtel de luxe Benesse House (1992).
Des œuvres d’artistes internationaux
Tous imaginés et créés par Tadao Ando, ces bâtiments révèlent une façon d’ancrer l’architecture au plus proche du paysage et ainsi de préserver la nature environnante. De nombreuses œuvres d’artistes internationaux parsèment également le site, notamment les célèbres Pumpkin de Yayoi Kusuma, des sculptures de Niki de Saint Phalle, tout comme les rares créations de Sou Fujimoto. Dans ce dédale de culture, on déambule à vélo, pour profiter pleinement du dialogue fertile entre l’art, l’architecture et la nature.
Cette œuvre monumentale pousse Rolf Fehlbaum, le patron de Vitra, à lui commander le « Conférence Pavillon », sa première réalisation en Europe sur le campus de l’éditeur. En 1995, couronnement suprême, Tadao Ando reçoit le prix Pritzker, le « Nobel de l’architecture ».
Au Château La Coste, la chapelle magistrale de Tadao Ando
La magie de Tadao Ando a également trouvé refuge au cœur du domaine viticole du Château La Coste à quelques kilomètres d’Aix-en-Provence. Le propriétaire des lieux, Patrick McKillen, souhaite en 2011 créer un lieu unique où l’art et l’architecture pourrait intimement côtoyer la nature.
Les 200 hectares de vignoble et de forêt de chênes qui animent le domaine invitent à une promenade parsemée d’œuvres d’art et d’architecture. Ce complexe accueille des artistes internationaux parmi les plus prestigieux comme Louise Bourgeois, Richard Serra, Hiroshi Sugimoto, Alexander Calder, Lee Ufan, Jean-Michel Othoniel, Tracey Emin… Tous ont saisi l’occasion d’exercer leur art in situ et ainsi de se nourrir du terroir local.
Tadao Ando a œuvré à la construction du centre d’art, l’élément central du lieu, qui accueille également un restaurant-brasserie qui porte son nom. L’architecte a restauré et modernisé la chapelle se trouvant à l’aplomb de la colline avec une croix en verre de Murano de Jean-Michel Othoniel. Il a aussi imaginé un édifice baptisé « Le cube de contemplation », où les jeux d’ombres et de lumières plongent les visiteurs au cœur de son travail. Par ce projet d’envergure, Tadao Ando a fait sa place au sein du paysage architectural et culturel français.
« C’est un architecte qui invente son propre langage.
Il a réinventé le langage du Corbusier dans une relation à la tradition japonaise » F. Migayrou
A l’occasion de ses cinquante ans de carrière, une vaste rétrospective est organisée au Centre Pompidou de Paris en 2018. Frédéric Migayrou, le commissaire de l’exposition, résume Tadao Ando avec ces mots : « C’est un architecte qui invente son propre langage. Il a réinventé le langage du Corbusier dans une relation à la tradition japonaise. »
La Bourse du commerce, trait d’union entre XIXe et XXIe siècles
Au printemps 2021, l’architecture de Tadao Ando éclot pour la première fois au cœur de Paris, à l’occasion de l’ouverture de la fondation Pinault en construction depuis l’été 2017. La Bourse du commerce représente un trait d’union entre l’architecture originelle du XIXe, restaurée dans les règles de l’art, dans le but d’y accueillir sans heurts une structure du XXIe. Il a en effet placé au centre de la coupole, sans toucher au bâtiment originel, un cercle de béton qui permet d’accéder aux étages.
L’homme d’affaires François Pinault s’est réjouit de la confiance placée dans l’architecte japonais à qui il a donné l’opportunité de construire entre deux bâtiments emblématiques de la capitale, Le Louvre et le Centre Pompidou. A l’occasion de l’inauguration, François Pinault a raconté que Tadao Ando avait su lui faire changer son regard sur le béton, deveu au fil du XXe siècle un matériau noble, avec lequel il est possible de construire des bâtiments d’exception.
Un matériau magnifié par le sens de l’épure éminemment nippon de Tadao Ando. « Tout ce qui est nécessaire est là, tout ce qui est superflu n’est plus là, comme dans l’art minimal », conclut Francois Pinault.