Travail d’équipe
Constance Guisset se déplace beaucoup, à l’intérieur et à l’extérieur du studio. Ce jour-là, après Lausanne et Aix-en-Provence, elle était sur le point de partir pour Beijing. Au mur, des boîtes d’archives, comme chez les Bouroullec. Un peu plus loin, on dépasse l’une des deux imprimantes 3D pour arriver au bureau de Manuel Becerra, architecte qui travaille sur la conception d’intérieurs et d’installations.
On arrive au bureau d’Inès Waris, qui, elle, a façonné en terre la forme du diffuseur d’huiles essentielles Cumulus, réalisé ensuite en céramique. C’est aussi ici que naît de la main de la jeune femme la structure de la broche Nebula, pour la galerie éditrice de bijoux MiniMasterpiece, avant qu’elle ne passe chez le joaillier. Constance décrypte un objet entre « nature et artefact » et en souligne, amusée, le paradoxe. Pour elle, toute pièce, même des plus utilitaires, doit générer une sensation, qu’elle « transcrit ».
Ensuite, Constance traverse le bureau d’Avril de Pastre, autre habituée des séances d’essais et de brainstorming qui font avancer les projets. Puis on passe chez Lucie, du bureau administratif, pour arriver à la cuisine. En face de la grande table conviviale, on aperçoit un coin de mur en miroir récupéré d’une scénographie et, au-dessus, la grâce évanescente de la suspension Vertigo en version jaune. Le succès de cette suspension (éditée par Petite Friture) repose sur une idée vraiment personnelle. Constance ne se positionne pas sur tel ou tel marché, même si elle travaille pour des clients comme les Novotel de Montreuil ou de La Haye. Elle crée ce qu’elle veut voir exister.
Son univers de couleurs, souvent subtiles, nous interroge sur la perception qu’en ont les médias. « Je mets deux ans à faire un objet et une semaine à choisir la couleur », dit celle qui sait que l’essentiel de son travail ne repose pas sur les coloris. Elle aime le rose pâle, mais ce n’est pas la couleur qui la résume : « Je me bats pour que les choses soient plus douces. Les objets ne sont pas là pour agresser les gens », ajoute celle qui dit avoir appris chez les Bouroullec la patience, une façon de regarder les objets, un certain degré d’exigence et l’importance de l’image. Elle a toujours été dans l’action. Ce n’est pas une suiveuse.
Elle souligne son indépendance et se demande d’ailleurs à haute voix où disparaît cette majorité d’étudiantes absentes du milieu du design, majoritairement masculin. Constance Guisset referme sur la table le livre de son exposition au Mudac de Lausanne (jusqu’au 15 janvier 2017) et conclut : « Je considère qu’après sept ans de travail je n’ai pas de leçons à donner. Si j’ai aimé lire Andrea Branzi et Bruno Munari, j’ai préféré donner des points de vue, des ressentis sur ce qui est important pour moi. Non sans faire intervenir quelques plumes inattendues. » Pas de personnification outrancière, se dit-on, en regrettant que son mur d’images soit en ce moment exposé ailleurs.
« Anima – Carte blanche à Constance Guisset » au Mudac, à Lausanne, jusqu’au 15 janvier 2017.