Bienvenue dans l’ère du Smart Building, ou quand les nouvelles technologies investissent l’immobilier tertiaire. Face à l’urgence climatique, les intelligences artificielles aideront les bâtiments à être plus vertueux sur le plan environnemental. Car le secteur représente tout de même 23 % des émissions nationales de gaz à effet de serre. Selon l’Insee, en 2021, le BTP constituait la troisième industrie la plus polluante en France avec 43,8 millions de tonnes équivalent CO2. De nouveaux immeubles intelligents sont donc en train de sortir de terre pour assainir la filière, tendance de marché encore émergente mais à grand potentiel.
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Des bâtiments « Évelyne Dhéliat » capables de prévoir la météo
« Le Smart Building est un bâtiment qui possède des infrastructures numériques pilotant la gestion de quatre piliers principaux : les ressources, le confort, la sécurité et les usages serviciels, souffle Olivier Sellès, directeur d’Upstairs, cabinet d’assistant maitrise d’ouvrage Smart Building qui conseille ainsi sur la meilleure façon d’intégrer les nouvelles technologies pour répondre aux enjeux du marché. Ce sont des choses souvent assez simples, comme ventiler ou chauffer les espaces en fonction des besoins réels et du nombre de personnes qui s’y trouvent. »
Le spécialiste les appelle « bâtiments Évelyne Dhéliat », à savoir « des édifices capables par intelligence artificielle d’anticiper la météo et de prévoir le chauffage ou le refroidissement pour être toujours à bonne température. » Ce pilotage par IA induit une moindre sollicitation du réseau et génère en conséquence des coûts moindre pour l’occupant. Citons en exemple le bâtiment IntenCity de Schneider Electric à Grenoble, très performant sur le plan électrique ou bien Niwa à Toulouse, le siège de GA Smart Building dont la multitude de capteurs optimise parfaitement la gestion des ressources.
Jouer sur l’intensité d’usage des immeubles
Mais un immeuble intelligent se doit également de jouer sur l’optimisation de ses usages, en étant en partie accessible à des personnes extérieures à l’entreprise qui l’occupe. « L’immobilier tertiaire subit aujourd’hui l’effet du télétravail, avec des taux d’occupation très bas. Et ces surfaces de bureaux ne sont pas adaptées aujourd’hui pour d’autres usages », déplore Jean-Marie Moreau, directeur des relations publiques du groupe Spirit et coordinateur d’un cercle de réflexion sur la question de l’immobilier 4.0.
Selon lui, l’intensité d’usage des immeubles constitue un levier important du Smart Building : « Il faut regarder comment muter les bâtiments vers des utilisations multiples. Par exemple, une salle de réunion pourrait tout à fait être est occupée en journée par les salariés d’une entreprise et le soir par des associations municipales ou privées. » En cela deux choses peuvent aider : une logistique assistée par outil numérique, mais aussi une conception vertueuse dès l’origine qui prévoit la multiplicité des usages.
« Cela rejoint la question du Zéro Artificialisation Net (ZAN), un gros enjeu pour les collectivités, reprend Jean-Marie Moreau. On a cette problématique d’étalement urbain à résoudre, il faut redensifier la ville tout en préservant la qualité des bâtiments au niveau des dépenses énergétiques. » Et Olivier Sellès, directeur d’Upstairs, d’affirmer : « En doublant l’intensité d’usage des immeubles les plus récents, on pourrait fermer une bonne partie des bâtiments les plus obsolètes du parc immobilier tertiaire. »
Des obligations légales
Et nous n’en serions qu’aux prémices de ces mutations. « Les propriétaires bailleurs ont conscience des enjeux, ils ont un besoin impérieux d’améliorer leur attractivité auprès des locataires et d’offrir des bâtiments vertueux aux coûts maitrisés », estime Olivier Sellès. Si aujourd’hui les immeubles intelligents restent encore peu nombreux, l’expert les voit se généraliser dans les 15 prochaines années grâce à une « ringardisation » accélérée de ceux qui n’auraient pas pris ce tournant.
« Les propriétaires de portefeuilles immobiliers vont avoir besoin de verdir leurs actifs, soit en se débarrassant des bâtiments non-vertueux pour ne garder que les immeubles performants ; ou alors en rénovant leurs biens, explique-t-il. Les solutions très rapidement implémentables, y compris en site occupé, sont celles promises par les outils numériques. » En intégrant les bons éléments, le pilotage des fonctions fondamentales autour de la température, de la ventilation ou encore des lumières, apportera un premier degré de maitrise de l’énergie et améliorera sensiblement la dimension verte du bâtiment. Moins cher et plus rapide que des travaux d’isolation, en somme.
Et ce n’est pas le seul critère à prendre en compte, la loi va de toutes façons forcer le marché à réagir : le décret BACS (Building Automation and Control Systems) impose dès 2027 des obligations pour les bâtiments tertiaires concernant l’installation de systèmes de gestion automatisée de la performance énergétique.
Vers une généralisation du Smart Building
Mais nos logements seront-ils Smart, eux aussi ? « Il y aura une répercussion », présage Olivier Sellès, qui voit une porosité de plus en plus forte entre la vie professionnelle et personnelle. Pour Gildas Chauveau de Vallat, président de Createam, filiale de Spirit dédiée aux outils numériques immobiliers, se pose la question des bâtiments convertibles :
« On a de plus en plus besoin d’immeubles pivotables. De structures immobilières dont les cloisons peuvent aisément être changées en fonction des locataires qui y résident : couper un appartement en deux ou au contraire l’agrandir. Ce sont des typologies d’habitat qui vont émerger à l’avenir », prédit-il. Le tout afin d’éviter les démolitions et reconstructions à la chaîne, et de réduire, c’est le but premier, les émissions de gaz à effet de serre.
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