Que vous inspire la crise sanitaire ?
Sebastian Bergne : Les gens sont un peu nerveux, les plus grands projets sont ralentis, on ne sait pas exactement ce que l’avenir nous réserve… D’un autre côté, mon e-shop est beaucoup plus fréquenté. Mêmes si les gens restent chez eux, ils continuent de vouloir embellir leur intérieur. Et j’ai l’impression qu’ils sont plus critiques et exigeants, qu’ils réfléchissent davantage à ce qu’ils achètent. En neuf mois, les effets de la crise sanitaire ont accéléré des choses, qui ne devaient sinon n’arriver que dans cinq ans. Néanmoins, je regrette les rencontres avec les gens.
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
En ce moment, je suis en train de plancher sur un nouveau projet pour Hà Porcelain, où tout a été élaboré en téléconférence. Cela a très bien fonctionné alors que c’est une première pour moi. Je les avais rencontré au Japon, où j’avais vécu une expérience très agréable. Comme nous nous connaissions déjà, nous avons pu travailler à distance…
Une attitude positive
De quoi manque aujourd’hui le développement d’un projet de design en cette fin 2020 ?
De liant entre les acteurs. Quand vous rencontrez un éditeur pour la première fois, c’est curieux de se parler à distance. Emettre par écran interposé des avis à propos des formes et des proportions est très délicat. Il y a un moment que j’aime beaucoup dans la création, c’est quand vous êtes en réunion avec votre client devant un prototype. Très souvent, des idées surgissent à cette étape. C’est ce qui me manque aujourd’hui.
Comment continuer à créer dans ce contexte ?
Même si la situation actuelle est dramatique, les designers sont plein de ressources. Ils adoptent en général une attitude positive pour trouver des moyens d’agir. Au début du premier confinement, j’ai été contacté par Sam Baron, directeur artistique de Pierre Frey, pour dessiner du mobilier. Tout s’est fait ces six derniers mois. C’était très stimulant d’être sollicité à un moment où j’étais préoccupé par la façon dont mon métier allait évoluer. J’observe d’ailleurs que, confinement oblige, comme je travaille seul à mon studio, c’est un peu comme quand j’ai débuté, puisque que je fais tout moi-même. Je ne délègue plus rien. (Rires)
Un ready-made influencé par Castiglioni
En 1990, vous fondez en effet votre studio juste après avoir obtenu votre diplôme. Farouche indépendance ou concours de circonstances ?
Quand j’ai quitté le Royal College of Art, nous étions en période de récession économique. J’ai brièvement travaillé en free-lance puis je me suis installé à mon compte, depuis ma chambre. C’était la Grande-Bretagne post-Thatcher. Même si cette période est pour moi synonyme de beaucoup de problèmes, la création d’entreprise était facilitée. A l’époque, le système anglais permettait de démarrer sans que ni vos statuts légaux ou vos impôts ne soient un obstacle.
Quels sont vos anciens produits toujours en production vingt ans plus tard ?
Les bougeoirs Candloop en fil de métal, à placer dans une bouteille, sont toujours en vente. Au départ, c’était une sorte de ready-made mâtiné d’esprit Castiglioni. Je voulais combiner un objet existant à quelque chose que j’avais conçu. Après le succès des premiers temps, Candloop s’est moins vendu, mais depuis peu, il revient en grâce car les gens le voient comme un exemple de recycling éco-vertueux. J’ai aussi fait une collection d’arts de la table pour WMF, baptisée « Kult », qui se vend toujours très bien. C’est sans doute mon best-seller.