SchloR : quand des acrobates concrétisent l’utopie communautaire 

Établi dans la capitale autrichienne, ce centre communautaire pour artistes de cirque repose sur le principe de propriété collective. SchloR est financé par des campagnes de prêts directs et entend sécuriser le droit au logement pour ses occupants, sélectionnés sans condition de ressource financière. Un projet altruiste, en somme.

Un centre communautaire pour acrobates, l’idée a de quoi dérouter. C’est pourtant le projet bien réel que porte SchloR, de Schöner Leben, que l’on peut traduite par « vivre mieux » ou « plus belle la vie », programme destiné aux artistes du monde du cirque situé dans la capitale autrichienne et sélectionné parmi les 18 finalistes du Prix européen pour le logement collectif (sur un total de 171 candidatures). L’idée ? Sortir de l’intérêt personnel au profit du bonheur de la communauté.


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Une démarche révolutionnaire

Le postulat de départ est plutôt révolutionnaire : le logement est un droit fondamental et non un produit financier. Ainsi, une association d’activistes rêvait d’espaces abordables pour une vie communautaire en autogestion. L’utopie se concrétise sur le plan juridique par l’association habiTAT, qui a adapté les structures du syndicat des locataires allemands (le Mietshäusersyndikat) au droit autrichien.

À Vienne, SchloR repose sur le principe de propriété collective. L’idée ? Sortir de l’intérêt personnel au profit d’un bonheur communautaire.
À Vienne, SchloR repose sur le principe de propriété collective. L’idée ? Sortir de l’intérêt personnel au profit d’un bonheur communautaire.

L’achat collectif a été permis par des prêts directs de la part des sympathisants, amis, parents et soutiens financiers qui ont préféré y investir leur argent au lieu d’épargner en banque. Cela a évité le passage par des financements traditionnels, éliminant ainsi les profits liés à la spéculation immobilière. Devenu propriété collective, l’actif est protégé par une structure juridique qui en exclut la revente. « Cela repose sur le concept de propriété d’usage plutôt que de propriété privée, reprend Gabu Heindl, architecte, docteure et professeure à l’université de Kassel, en Allemagne, où elle dirige le département « Architectures et économie des villes » et a porté cet étonnant projet. Les membres ne sont pas dans une démarche d’intérêt personnel, ne cherchent pas la possession de biens ou à réaliser des bénéfices, mais veulent contribuer au bonheur de la communauté. »

SchloR, une ville dans la ville

SchloR se trouve en lieu et place d’une ancienne menuiserie, un site de 3100 m² dont les bâtiments d’origine ont été rénovés dès 2020 selon des normes d’isolation élevées, voyant ainsi la consommation d’énergie diminuer à un niveau minimal, encore plus bas que les standards écologiques en vigueur. Les bâtiments ajoutés sont construits en ossature bois et isolés par de la paille, avec ajout de jardins sur les toits et de murs végétaux. L’alimentation électrique est assurée grâce à des panneaux solaires et toute l’eau de pluie est collectée pour être ensuite réutilisée.

À Vienne, SchloR repose sur le principe de propriété collective. L’idée ? Sortir de l’intérêt personnel au profit d’un bonheur communautaire.
À Vienne, SchloR repose sur le principe de propriété collective. L’idée ? Sortir de l’intérêt personnel au profit d’un bonheur communautaire.

En 2023 arrivent les premiers occupants dans les bâtiments résidentiels, 21 personnes au total qui vivent et travaillent à la gestion opérationnelle du site. Un seul parmi eux est artiste de cirque, le reste viennent d’horizons différents, artisanat, art, médecine ou architecture… « Les occupants y trouvent des loyers garantis et une certaine sécurité », détaille Gabu Heindl.

Ils prennent également part au processus de sélection des locataires, qui peuvent intégrer le projet indépendamment de leurs ressources financières. Le site, ouvert 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, est quant à lui utilisé par beaucoup plus de personnes tout au long de la journée. Car outre le centre de cirque, on y trouve un bar, une salle de concert, des salles de répétition musicale et des installations d’enregistrement audio, un atelier de réparation de vélos féministe, des ateliers d’artistes et d’artisans. Un projet certes conçu pour des clowns, mais pas des rigolos.


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