Applique rétrofuturiste comme sortie d’un gratte-ciel new-yorkais ou simple rampe de lumière planant au-dessus d’une table, le système de luminaires Aktis imaginé par Samuel Accoceberry est plein de possibilités. Le qualifier de radical chic détonne presque dans l’élégant showroom feutré de Veronese Paris, maison fondée en 1931 par Marcel Barbier, reprise en 2009 par le visionnaire Fredie Jochimek. Lorsque Ruben Jochimek, fils de Fredie, rencontre le designer ,
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Samuel Accoceberry et Veronese : le changement dans la continuité
Tout commence il y a environ quatre ans, quand Ruben Jochimek, le fils de Fredie et directeur artistique de Veronese, rencontre à New York Samuel Accoceberry, designer. Le courant passe : « C’est toujours plus intéressant de travailler avec des gens sympathiques et directs, avec qui il n’est pas nécessaire de composer », confesse sans ambages Samuel.
Selon lui, l’esprit maison de Veronese correspond plus à une façon de faire ses projets qu’à un style qui serait invariablement orienté vers une même direction. Ruben lui rend ensuite visite à son studio parisien et là, il remarque un prototype. Le designer n’est pas encore sûr de sa destination, mais Ruben sent qu’il y a matière à projet…
Les échanges se poursuivent, formes et volumes se développent et tandis que le directeur artistique penche du côté du système de luminaires, le designer, lui, continue d’étudier l’histoire de Veronese, mais aussi la tradition millénaire des miroirs vénitiens, avec leurs angles biseautés qui, dit-il, « diffractent la lumière et tout l’espace autour ».
Aktis – « rayon », en grec – peut se décliner en applique verticale ou en suspension horizontale. C’est dans les deux cas un chaleureux rai de lumière enserré dans une longiligne cage ouverte dont deux parois sont en verre miroir subtilement vieilli par de petites mercurisations. Le fond de la rampe est quant à lui tapissé d’une grille métallique très graphique. Pour la maintenance, tout se démonte. « C’est la première fois que le verre est utilisé à des fins esthétiques et non pour diffuser la lumière », nous fait remarquer le directeur artistique.
L’intérieur de ces parois en miroir est traité à la feuille d’or, une technique tout en finesse, identique à celle qui fut utilisée pour réaliser les inclusions visibles dans le verre de l’applique Concorde, d’André Arbus, avec lesquelles Veronese a équipé le paquebot Bretagne en 1952… et exposée tout près puisqu’elle est encore au catalogue Veronese.
Un verre toujours travaillé à Murano
De la cage d’Aktis, la lumière ne perce que de l’avant et de l’arrière. « L’extérieur des parois en verre découpé et biseauté de l’applique réfléchit l’espace autour », fait remarquer Noëlle Kassar, responsable des contrats avec les entreprises pour Veronese Paris et architecte de formation. Ruben pointe aussi le reflet de la couleur des murs sur le verre du luminaire, qui dessine même de fins réseaux d’ombre autour de lui. Le verre est toujours travaillé à Murano, permettant toutes les subtilités de finitions d’argenture ou de dorure. Chaque paire de modèles est ensuite montée et électrifiée dans l’atelier parisien de Veronese, à l’origine de tout l’assemblage interne.
La partie métallique est usinée, elle, en région parisienne et au millimètre d’après les dessins du designer et ne laisse apparaître aucune vis. « Vu la simplicité du modèle, il fallait que tout soit parfait », résume Ruben. Il faut en effet venir voir Aktis en vrai pour pouvoir admirer tous ces détails.
Au dernier Salon de Milan, la création irradiait en paire d’appliques suspendues au cœur d’une scénographie sertie dans un ancien lieu industriel. Ses parois de verre reflétaient les murs peints en violet. Le remballage des lustres et le démontage de la scénographie en un tour de main par Jonathan Jochimek, directeur des opérations, avait presque un air de performance.
Ruben a voulu un système modulaire, il l’a eu ! Pour Samuel Accoceberry, « les entreprises les plus innovantes en recherche sont souvent imaginées comme de gros bateaux, type Apple, alors qu’en général ce sont plutôt les maisons artisanales qui créent l’expérimentation. Elles sont toujours davantage prêtes à de nouveaux scénarios, contrairement aux gros industriels, plus tributaires de la quantité à produire ».
En applique, ce travail d’orfèvre existe en deux tailles. Pour la longueur, au-dessus d’une table, il suffit d’aligner plusieurs modules. Le designer l’imagine aussi suspendue en oblique, un peu penchée, et formant des « compositions stellaires ».
Aktis illustre ainsi ce que Samuel présente chez Veronese comme une « constante recherche de filiation entre les éléments du passé et les dessins de l’avenir ». Le designer et la maison parisienne ne s’arrêtent d’ailleurs jamais et pensent déjà à faire d’un élément de lustre bien précis une mini-suspension ultra contemporaine. Mais chut! projet en développement.
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