Sous sa mèche de sable blond caressée par l’Atlantique, Royan, labellisée « Ville d’art et d’histoire » en 2011, a inventorié dans son périmètre pas moins de 350 architectures des années 50. Et d’autres restent encore à découvrir… Les quartiers Foncillon, Pontaillac ou celui du Parc sont riches de « stars », comme la villa surnommée « Grille-Pain ». Surlignée de vagues bleues, avec son escalier hélicoïdal piqué d’un parasol de béton azur, « elle est signée Pierre Marmouget, 27 ans en 1950 », précise Charlotte de Charette, docteure en histoire de l’art et animatrice du patrimoine de Royan.
Ce jeune prodige est aussi l’auteur de l’incroyable villa Rafale, dite « Boomerang », couleur ciel, orangé et citron vert. D’un trou d’obus dans le jardin, l’architecte a tiré une piscine reliée directement par une échelle au premier étage pour des plongeons acrobatiques. Car les bombardements de 1945 ont rasé la cité balnéaire du Second Empire, conduisant à l’édification de la station follement moderne d’aujourd’hui. « Missionné comme urbaniste par le gouvernement afin de reloger la population, l’architecte bordelais Claude Ferret va se servir d’un master plan pensé avant la guerre », indique encore Charlotte de Charette.
Commence alors un chantier académique d’immeubles bourgeois, visibles sur le boulevard Aristide-Briand. Puis, en 1947, Claude Ferret tombe sur un numéro de la revue Architecture d’aujourd’hui consacré aux mouvements modernistes brésiliens. Stupéfait, il découvre le quartier de Pampulha à Belo Horizonte, édifié par Oscar Niemeyer. Renversant ses références, il stoppe net les projets sages pour d’autres nettement plus audacieux. « Exploitant les propriétés du béton, Claude Ferret va penser “verticalité” et ajouter à son plan la tour de Foncillon, l’église Notre-Dame et le château d’eau », énumère l’animatrice du patrimoine. Grâce à ce changement de cap, Royan la balnéaire deviendra solaire et moderne !
Galvanisée par Claude Ferret, qui confie aux Royannais : « Je ne construis pas pour vous mais pour vos petits-enfants », une belle brochette d’architectes s’approprie le « tropicalisme ». Par exemple en utilisant un parement de pierre pour accentuer la blancheur des cubes de béton posés dessus. Ils enrichissent leurs projets d’escaliers en hélice, de cadres soulignant hauteur et volume, de décrochés accroissant les jeux d’ombre ou de pilotis libérant le sol. Puis ils les personnalisent : casquettes coiffant les entrées, portes en bois sculpté, garde-corps ouvragés et claustras à la manière des cobogós (brise-soleil brésiliens). La lumière s’invite à travers des pavages de verre, des vitraux décoratifs et d’immenses terrasses à vivre. Enfin, les couleurs primaires, dont le rouge corsaire, éclaboussent Royan de bonne humeur.
La ville devient un laboratoire. Son célèbre marché, qui a servi de modèle pour le CNIT de la Défense, est l’œuvre d’André Morisseau et de Louis Simon, associés aux ingénieurs Bernard Laffaille et René Sarger. Sa voûte en forme de parachute est constituée d’un voile de béton de 8 cm d’épaisseur – une telle finesse est une première –, sur lequel on distingue le coffrage en lames de plancher.
ROYAN PRATIQUE
VISITES
Pour des balades architecturales guidées : Ville-royan.fr ou Royan-tourisme.com
HÔTEL
Le Trident Thyrsé
Idéal pour les amoureux des années 50 avec son mobilier d’époque mixé de rééditions en couleur, cet hôtel propose une terrasse avec vue sur la mer pour la plupart de ses chambres. 66, boulevard Frédéric-Garnier. Tél. : 05 46 05 12 83.
RESTAURANT
Cave 1950
Cette boutique-restaurant a pris place dans un immeuble des ponts et chaussées érigé par Yves Salier en 1952. La réhabilitation du restaurant est l’œuvre de l’architecte Minh Liang et de la décoratrice Florence Deau, soutenus par le propriétaire, Jean-Philippe Guerry (lire aussi p. 118). Carreaux de piscine noirs et bleus, escalier d’époque, terrasse aux beaux jours… et une délicieuse cuisine fraîche en prime.
2, avenue de la Conche. Tél. : 05 46 05 92 35.