À une heure de Tokyo, au milieu des montagnes, Junko et Robert Tull ont confié à Rei Mitsui la réalisation de leur résidence secondaire pour s’évader le week-end en famille. À rebours des maisons perchées dans les massifs, l’architecte japonais a conçu un lieu fermement ancré dans le sol, connecté à la nature et offrant bien plus qu’une simple vue.
À lire aussi : Karl Lagerfeld version Memphis : son appartement culte renaît à Monaco
Tutoyer la nature
« De la lumière naturelle, une vue sur le ciel et la verdure depuis notre lit, des matériaux qui ne brillent pas, mais se patinent avec grâce, et une ambiance subtile rappelant l’architecture traditionnelle nippone », résume Rei Mitsui lorsqu’il se souvient des idées précises énoncées par Junko Tull.
Cette Japonaise l’a sollicité pour construire une maison de vacances à proximité de Tokyo, où elle vit tout au long de l’année. Les attentes de son mari, Robert Tull, analyste financier britannique, étaient « plutôt minimes, ce qui, tout en offrant une grande liberté, rendait la tâche difficile ».

Le brief était concis et sobre : le couple anglo-japonais aspirait à une maison de vacances « simple, propice au calme et en harmonie avec son environnement ». L’architecte s’est donc efforcé de lire entre les lignes pour décrypter les désirs profonds de ses clients, engageant le dialogue sur des sujets qui, en apparence, n’avaient pas de lien direct avec l’architecture.
« Cette approche, presque chamanique, est ma méthode habituelle : chercher à tirer des solutions architecturales à partir d’images informelles et abstraites », explique Rei Mitsui. C’est à Karuizawa, au milieu des montagnes, que le couple a jeté son dévolu sur un magnifique terrain très arboré afin d’y construire son refuge.

Cette station huppée de sports d’hiver est aussi une destination prisée dès les beaux jours. Boutiques de luxe, bons restaurants, nature préservée… Elle est vite devenue incontournable pour l’élite tokyoïte, désireuse d’échapper à la frénétique métropole dès le vendredi.
C’est le hasard qui a provoqué la rencontre avec l’architecte : « Avec Junko, nous partageons le même maître de thé, raconte Rei Mitsui. Nous nous sommes connus lors des cérémonies. Elle a apprécié ma philosophie et ma vision, selon laquelle un bâtiment doit se fondre dans la conscience de ses occupants, sans chercher à s’imposer. »

Diplôme en poche, l’architecte a fait ses classes chez Shigeru Ban avant de créer sa propre agence en 2015 à Tokyo. Séduits, les futurs propriétaires lui ont accordé leur confiance pour imaginer un lieu en adéquation avec leur mode de vie.
Évasion terrienne
En montagne, si les maisons surplombent souvent fièrement la pente pour profiter des vues lointaines, l’architecte a misé sur une approche moins attendue : « Étant donné le peu de demandes spécifiques des clients, ma première question a été simple : “Préférez-vous une belle vue ou être proches du sol ? Sans hésitation, leur réponse a été la seconde. »

Exit la contemplation, place à l’osmose avec la nature. Junko et Rob souhaitaient un espace permettant à la famille de vivre confortablement, ainsi qu’une petite chambre d’amis. Mais aussi un salon et une salle à manger séparés tout en restant naturellement connectés, sans porte.
Pour se saisir du lieu, l’architecte a passé de longues heures sur place, installant des bâches pour se protéger des intempéries. Ses premiers croquis donnent le ton : une maison coiffée d’une toiture à deux pentes s’ouvre en son milieu, comme coupée en deux. Le vide qui en résulte est comblé par un volume entièrement vitré où s’installe le salon, logé dans la pente naturelle du terrain.

De part et d’autre, la chambre parentale et la salle à manger-cuisine, en double hauteur. Dans toutes les pièces, le bois clair et des aménagements sur mesure de même que le vert lichen résonnent avec les teintes du paysage extérieur, omniprésent. La seule demande spécifique venait de la fille du couple, 10 ans, qui rêvait « d’un endroit secret, comme la chambre d’Harry Potter sous les escaliers ».
Il fut exaucé : cette pièce se niche sous l’unique pente de l’immense toit – qui dessine une silhouette singulière au milieu des arbres. Partout, les parois s’épaississent pour loger des rangements, et la cheminée donne l’illusion d’être creusée directement dans le sol. Une façon symbolique d’intégrer l’extérieur à l’intérieur dans cette maison tellurique où la vue sur le ciel n’est jamais très loin.
À lire aussi : À Paris, Uchronia signe un sublime appartement au décor solaire