Portrait : Lana Launay, sculptrice de la lumière

Les créations de Lana Launay bousculent les codes du luminaire. Organiques, ludiques, modulaires, ses objets lumineux portent en eux une poésie hors du temps. Rencontre avec une designer qui conjugue lumière et sculpture. 

Vous avez certainement déjà aperçu ses lampes sur Instagram. Lana Launay, qui a grandi à Sydney, attire par son esthétique organique où texture et jeux de la lumière, bien sûr, se font les personnages principaux de ses sculptures lumineuses. Passionnée par le travail manuel depuis toujours, Lana Launay découvre un peu par hasard l’art des abats-jours. Une discipline niche qui semble appartenir à une époque révolue tant nous vivons dans un monde pressé et industrialisé. Au contraire, l’Australienne aime prendre son temps. Rencontre.


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Écosystème créatif

Installée entre Sydney et Los Angeles, Lana Launay doit beaucoup à la famille d’artistes dans laquelle elle a grandi. En l’écoutant remonter le cours de son arbre généalogique, impossible de l’imaginer s’épanouir ailleurs que dans un monde créatif. Fille d’un producteur de musique et ingénieur du son franco-anglais et d’une plasticienne australienne – notamment sculptrice -, Lana grandit dans une atmosphère où l’art est partout.

Lana Launay en plein agencement d’une création.
Lana Launay en plein agencement d’une création.

« Mon père a rendu la musique omniprésente dans ma vie, et ma mère m’a encouragé dès toute petite à créer des objets. Quant à mon frère, il est devenu designer pour la télévision et le cinéma. Notre famille plus éloignée se compose de peintres, d’écrivains, de réalisateurs, de constructeurs… Il n’y avait pas vraiment de possibilité d’y échapper, et je n’étais pas consciente de leur influence jusqu’à ce que j’atteigne l’âge adulte et que je réalise enfin que moi aussi, j’étais une créatrice. Je me souviens qu’à l’âge de cinq ans déjà, je coupais et collais des carreaux de céramique pour recouvrir une table, avec ma mère », confie Lana Launay.

Rapidement, elle s’essaye à différents pratiques. La céramique, la couture, le travail du papier, la sculpture, ou encore la joaillerie, un univers dans lequel elle expérimente pendant plusieurs années, avant de finalement découvrir le monde des abats-jours.

Les lampes modulaires de Lana Launay s’adaptent aux goûts et aux humeurs de chacun.
Les lampes modulaires de Lana Launay s’adaptent aux goûts et aux humeurs de chacun.

Se réaliser dans la lumière

Sa rencontre avec l’univers des luminaires se fait par hasard. Un jour, sur un marché de Los Angeles où elle déambule avec son père, elle croise le chemin d’un artisan utilisant métal et chutes de tissus pour créer des abats-jours. Elle l’observe, curieuse. Puis, sur les encouragements de son père, elle réalise un premier modèle, pour elle, sans jamais penser à en faire son métier. Quelques années plus tard, à Londres, Lana  Launay fait une nouvelle rencontre avec cet objet. À cette époque, elle vit dans la capitale britannique et chine une lampe dépourvue nue chez un antiquaire. Les modèles d’abats jour vendus dans le commerce ne la séduisent pas, elle décide alors de réaliser la pièce manquante elle-même.

En 2020, la pandémie la pousse à retourner sur ses terres natales, à Sydney, où elle commence à réparer de vieilles lampes. Lorsque les commandes affluent de la part des antiquaires de la région, cette passion devient son métier. Ainsi né sa marque, Shades Launay. En parallèle de ces projets plus traditionnels, le jeune femme expérimente, puisant dans l’univers de la sculpture pour s’inspirer. Elle commence à travailler à plus grande échelle, jouant avec des formes sculpturales jusqu’à arriver à ces lampes modulaires qui envahissent Instagram. Leur particularité ? Leurs combinaisons infinies, qui s’adaptent aux souhaits de chacun et permettent de les transformer au gré de ses humeurs.

Les lampes de Lana Launay sont composées de modules à empiler.
Les lampes de Lana Launay sont composées de modules à empiler.

« Lorsque j’ai commencé à expérimenter, j’ai réalisé que les formes d’expressions sculpturales ne connaissaient aucune limite. La production de masse ne m’intéresse pas. Ce que je recherche sans cesse est le développement de ma pratique. Le curateur d’une galerie pour laquelle je travaillais m’a proposé d’exposer mes créations. Cette opportunité incroyable a permis à Shades Launay de passer dans une nouvelle dimension. » Elle décrit ses lampes modulaires comme des objets « texturés, exigeants, ludiques, réfléchis« . Des mots qui s’empilent comme ses créations géométriques à la transparence élégante.

Lana Launey : éloge de la matière organique

Au cœur des créations de Lana Launay se trouve le désir d’utiliser des matériaux naturels, respectueux de l’environnement, qui selon elle apportent une esthétique romantique à ses luminaires. « Lorsque j’ai démarré ce projet, j’ai tout de suite décidé que je n’utiliserai que des matériaux recyclables et des textiles doux issus de matières naturelles, biodégradables. Cette intention se retrouve encore aujourd’hui dans chacun de mes designs, ce qui n’est pas toujours évident, ma pratique évoluant et ces matières étant parfois restrictives. Mais j’ai toujours pensé que si je voulais créer quelque chose de nouveau, cela ne devrait pas exister au détriment de notre planète » livre la designer.

Lana Launay entourées de ses lampes en tissu et papier.
Lana Launay entourées de ses lampes en tissu et papier.

Parmi les matériaux qu’elle se plaît à manipuler, nous retrouvons le papier et le tissu. Des matières fragiles, qu’il faut manipuler avec le plus grand soin. Pour ses créations en papier, Lana Launay privilégie la cire d’abeille, renforçant la matière tout en lui conférant un aspect se rapprochant de la fibre de verre. Parmi ses autres recherches du moment, le travail de la soie notamment, qu’elle utilise pour ses clients en quête d’une fragilité plus mesurée.

Quant à ceux qui l’inspirent, la liste est longue, d’Oscar Niemeyer à Eileen Gray en passant Alma Allen et Jan Armdardt. À l’heure actuelle, Lana Launay travaille sur des commandes destinées à des hôtels en parallèle de sa nouvelle collection de lampes de chevet. Elle espère aussi pouvoir annoncer prochainement une exposition, avec en son centre toujours, la lumière.


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