Expo : dans les années 60, on portait des vêtements jetables en papier

Bien avant la fast fashion, les Américains ont inventé le prêt-à-porter jetable, qu'une exposition met en lumière aux États-Unis.

Pour sa nouvelle exposition, « Generation Paper : A Fashion Phenom of the 1960s », le Museum of Arts and Design (MAD), à New York, explore la mode furtive, dans les années 60, des vêtements jetables.

En 1966, le dirigeant de la Scott Paper Company (papier hygiénique, essuie-tout, ramettes…) propose à ses clientes des robes fabriquées à partir de non-tissé jetable, imprimé de motifs de bandanas ou à effets d’optique. Quelques-unes sont présentées à l’intérieur du Museum of Arts and Design. 

Robe portefeuille de la marque James Sterling Paper Fashions (1966-1967). Imprimé sur Kaycel. Collection du Phoenix Art Museum, don de Mme Kelly Ellman.
Robe portefeuille de la marque James Sterling Paper Fashions (1966-1967). Imprimé sur Kaycel. Collection du Phoenix Art Museum, don de Mme Kelly Ellman. Phoenix Art Museum

À l’origine, simple coup de pub, ces vêtements jetables appelés Paper Caper remportent un vrai succès et font vite des émules. Pour preuve, la même année, la manufacture Mars of Asheville collabore avec les spécialistes du papier Kimberly-Stevens et produit jusqu’à 80 000 pièces par semaine.



Une innovation textile

Lors de soirées à thème, les maîtresses de maison assortissent leur tenue à leurs nappe et sets de table. Peu coûteux et rapides à réaliser, les vêtements en non-tissé deviennent le terrain de jeu idéal des annonceurs, avec la mini-robe trapèze pour fer de lance.

Motif Daisy Mae, pour Misty Modes (années 60). Imprimé sur intissé polyester Reemay DuPont. Collection du Phoenix Art Museum, don de Mme Kelly Ellman.
Motif Daisy Mae, pour Misty Modes (années 60). Imprimé sur intissé polyester Reemay DuPont. Collection du Phoenix Art Museum, don de Mme Kelly Ellman. Phoenix Art Museum

Tandis que les studios 20th Century Fox font imprimer sur un modèle des affiches des films Hello, Dolly !, Butch Cassidy et le Kid ou La Planète des singes, le groupe de téléphonie AT&T sort une version « annuaire ». De son côté, la marque Campbell’s Soup, popularisée par les sérigraphies pop d’Andy Warhol quelques années plus tôt, édite des Souper Dresses.

Enfin, les biscuits Butterfinger transforment les fashionistas de l’époque en femmes-sandwichs. Remarquant la ferveur des milieux créatifs, l’industrie DuPont commande des tenues de gala aux stylistes Oscar de la Renta et Bill Blass, qu’elle fait porter par des starlettes lors d’un grand bal. « La mode était un moyen privilégié pour la jeunesse de communiquer et de se divertir », explique Helen Jean, la commissaire de l’exposition du Museum of Arts and Design.

Caftan Candy Wrappers (emballage de bonbon) (années 60). Imprimé sur rayonne. Collection du Phoenix Art Museum, don de Mme Kelly Ellman.
Caftan Candy Wrappers (emballage de bonbon) (années 60). Imprimé sur rayonne. Collection du Phoenix Art Museum, don de Mme Kelly Ellman. Phoenix Art Museum

Mais l’euphorie est aussi éphémère que les vêtements… Le mouvement hippie, tourné vers le futur et le respect de la nature, supplante ce mode de vie. Bien que bref, le courant du prêt-à-porter jetable aura tout même popularisé des matériaux créés à l’origine pour le milieu industriel et médical.

Le Duraweave, de Scott Paper Company, le Kaycel, de Kimberly-Stevens, et le Reemay fabriqué par DuPont ont révélé des applications techniques qui ont posé les bases des tissus intelligents. « En jouant avec ces nouveaux matériaux, les designers ont ouvert la voie à des réflexions qui permettront de résoudre les problèmes de demain », conclut Helen Jean. 

> « Generation Paper : A Fashion Phenom of the 1960s ». Au Museum of Arts and Design (MAD), à New York, du 18 mars au 27 août. Madmuseum.org