Revenons sur vos débuts. Vous êtes l’un des précurseurs de l’architecture verte, devenue une tendance lourde de la production contemporaine. Quel est votre regard sur cet engouement actuel ?
Je suis mondialement connu pour être le premier à avoir joué avec le végétal. La végétation ne se résume pas à la végétalisation de façade. C’est la biodiversité, c’est répondre à des problématiques environnementales, c’est un paysage nourricier. Il faut l’aimer au point de croire qu’elle va te constituer. La végétation me constitue, donc je n’ai pas honte de me balader « en » végétation. Les architectes qui suivent cette tendance pour de mauvaises raisons se baladent en costume « avec » de la végétation. Ce n’est pas pareil. Et donc, la tentation de l’abandonner pour finalement montrer son costume est énorme. C’est ce qu’ils font, ils n’y croient pas deux secondes. Mon premier projet construit avec le végétal se trouve à Jupilles (dans la Sarthe, NDLR). Il s’agit de gîtes ruraux réalisés en 1996, un ensemble très spécifique. Livré en 2000, L’Immeuble qui pousse de Montpellier est le premier bâtiment générique. D’ailleurs, la maquette et les dessins font aujourd’hui partie des collections du CNAC Georges-Pompidou. Depuis, j’ai multiplié la taille des projets à chaque fois.
Que pensez-vous de toutes ces consultations, comme « Réinventer Paris », lancées par la Ville ?
« Réinventer Paris » n’est rien d’autre qu’une autorisation de me copier (d’imiter ses façades vertes à tout-va) ! Je viens de gagner « Inventons la métropole du Grand Paris » sur le site du Kremlin-Bicêtre. Ces expériences ont contribué à faire sortir les promoteurs de leur train-train, et bien au-delà de Paris. Dans le quartier Brazza à Bordeaux, on travaille sur des volumes capables (logements vendus inachevés, dont l’aménagement intérieur reste à la charge de l’acquéreur), commercialisés à des prix très inférieurs au marché.
Quelle est l’actualité de l’agence ?
Nous avons beaucoup de projets en cours. Cette année, l’agence va déposer 350 000 m2 de permis de construire. Ce qui m’a amené à changer de métier, car celui que je faisais avant n’était plus applicable. Les macrolots se généralisent. Certains architectes, dont je fais partie, accaparent toute la commande. En la matière, on est en train de revenir aux années 70. La question est donc de savoir ce qu’on fait face à de telles échelles car on ne peut pas généraliser une façade sur toute une opération, même si certains s’en donnent à cœur joie. Mon intérêt économique serait effectivement de faire la même façade sur tout le quartier. Mais je ne peux pas et ne veux pas faire ça car je nous considère, nous les architectes, comme des acteurs positifs de la ville. Je suis en train d’opérer un retour en arrière très sévère. Trop de ZAC sont des assemblages indigestes de macrolots monotones, dans une absence totale de prise en compte du contexte urbain avoisinant. À Nice, on construit 350 logements en lieu et place du stade historique du Ray. Cela correspond à des niveaux de commande où il faut vraiment faire attention. On comprend alors que la forêt est le seul macrolot légitime !
Mais comment composer avec la grande échelle ?
En 2017, je joue avec de plus gros jouets. Alors je me suis offert le luxe de réactualiser entièrement mon savoir-faire. On a mis au point une boîte à outils urbaine hyperpuissante qui permet de parler d’un projet sans même le dessiner. Les maîtres mots sont l’intégration urbaine, le morcellement et le changement d’échelle, la pluralité de styles, l’actualité, l’inventivité, la nature et la durabilité… Cette boîte à outils est une vraie prise de conscience de ce qu’est l’architecture d’un macrolot, qui ne s’appréhende pas de la même manière qu’un petit immeuble de 35 logements.