À Paris, la tour Wood Up, tout en bois et bas carbone, révolutionne l’habitat

Il y a à peine trente ans, ce quartier du 13e arrondissement à proximité immédiate d’Ivry-sur-Seine était encore une zone déserté. Aujourd'hui, la Zac Paris Rive Gauche a gagné en attractivité, grâce à la station F, au Mk2 Bibliothèque et dernièrement, à cet immeuble de grande hauteur en structure bois tout juste inauguré, qui s’évertue à innover dans son usage grâce à 2000 mètres carrés d’espaces communs réservés à ses habitants.

Le pari était osé. Paris inaugure en effet on premier immeuble de grande hauteur en bois. Au sein de la Zac Rive Gauche, dans le 13e arrondissement, se dresse maintenant Wood Up, la plus grande tour d’Europe du genre de cinquante mètres de haut et 15 étages habitables, fruit d’une collaboration entre REI, le maître d’ouvrage, et LAN, cabinet d’architecture réputé pour sa vision écologique et sociale. Une bulle de calme à faible impact carbone au milieu de ce nouveau quartier agité à deux pas du périphérique.


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Un projet structurant de quartier Paris Rive Gauche

On aperçoit au loin les cheminées de l’usine d’incinération de déchets d’Ivry-sur-Seine, ainsi que de nombreux entrepôts, le tout dans une ambiance industrielle somme toute assez grise sans pour autant être pas déplaisante. C’est tout l’enjeu de la ZAC Paris Rive Gauche : construire un quartier vivant et attractif à partir d’un « no man’s land ». Depuis trente ans, les grues s’activent dans cette partie du 13e arrondissement, proposant un contrepoint au tissus haussmannien qui fait office de standard architectural dans la Ville Lumière.

Chaque logement de la tour Wood Up dispose d’un large balcon filant. © Charly Broyez
Chaque logement de la tour Wood Up dispose d’un large balcon filant. © Charly Broyez

L’objectif étant ici de créer une couture urbaine entre la capitale et la commune voisine d’Ivry-sur-Seine. Pari partiellement réussi, puisque le quartier surprend effectivement par son audace et attire, grâce à son centre universitaire, la Station F, la BNF ou encore le Mk2 Bibliothèque. Mais au prix d’une certaine froideur et d’une modernité peut-être déjà un peu vieillissante, malheureusement. L’immeuble se dresse donc en bordure de Seine, presque incognito. La plus grande tour en bois d’Europe, vante-t-on, grâce à ses cinquante mètres de haut. Fruit d’une collaboration entre REI Habitat, le maître d’ouvrage, et LAN, cabinet d’architecture réputé pour sa vision écologique et sociale.

Placé à la jonction de plusieurs voies structurantes, entre maréchaux et périphérique, entre voies ferrées et la Seine, le projet répond aux différentes échelles de ce quartier quelque peu complexe. « Pour insérer le bâtiment dans le grand projet urbain, il fallait créer une icône, un immeuble visible de loin, symbole du passage entre les infrastructures », explique l’architecte Umberto Napolitano, fondateur en 2002 de l’agence d’architecture LAN. Wood Up s’inscrit donc sur plusieurs niveaux, 18 au total, 15 depuis la voirie – le terrain étant en pente – il est donc possible d’y accéder depuis le boulevard du Général d’Armée Jean Simon et le quai d’Ivry, en bord de Seine.

La tour est en voie de livraison : quelques ouvriers y terminant les finitions, les occupants n’ont pas encore investi les lieux. L’on pénètre dans un hall vide et spacieux – pratique pour y déposer un vélo – protégé de grandes baies vitrées, comme une transition hésitante entre calme intérieur et agitation extérieure. Depuis ce sas traversant, l’on voit déjà, en spectateur fasciné, l’activité foisonnante du périphérique et des trains du réseau Austerlitz.

Des défis de taille

Construire une structure en bois d’une telle dimension reste un défi technique. « Cela n’a pas été une mince affaire, reprend Umberto Napolitano. Nous avons questionné ce choix au fur et à mesure. Tout était nouveau et il n’y avait aucune réglementation : il a ainsi fallu convaincre à chaque étape de la pertinence et de la faisabilité du projet. » Les avantages du bois sont essentiellement environnementaux, le bilan carbone d’une telle construction étant beaucoup plus intéressant que celui d’autres édifices réalisés à parti d’acier et de béton.

Wood Up, la plus grande tour d’Europe du genre de cinquante mètres de haut et 15 étages habitables, est le fruit d’une collaboration entre REI, le maître d’ouvrage, et LAN, cabinet d’architecture réputé pour sa vision écologique et sociale. © Charly Broyez
Wood Up, la plus grande tour d’Europe du genre de cinquante mètres de haut et 15 étages habitables, est le fruit d’une collaboration entre REI, le maître d’ouvrage, et LAN, cabinet d’architecture réputé pour sa vision écologique et sociale. © Charly Broyez

Le challenge réside dans la hauteur du bâtiment, les structures bois ayant des caractéristiques de résistance moindre, elles sont généralement utilisées en low rise. « Il y a eu des calculs d’ingénieurs très poussés et précis sur les fixations et les jonctions, pour s’assurer que la structure réponde bien aux exigences d’une telle habitation, que les sections, les tailles de poteaux résistent bien aux charges », explique-t-on chez LAN. Le socle et le noyau sont tout de même faits de béton pour tenir la structure, et les planchers confectionnés à partir d’un mix bois-béton. Les poteaux intérieurs sont en hêtre pour résister à la compression, et les poutres, en épicéa, résistent à la flexion.

« Certains piliers sont doublés de fermacell anti-feu. Si jamais il y a un départ d’incendie en terrasses, les flammes n’attaqueront pas le bois en structure », détaille Benoît Jallon, autre architecte embauché sur le projet Wood Up. On n’est en effet jamais trop prudent. La matière provient de forêts françaises, dont des résineux du Massif central et des Vosges et des feuillus de Normandie, acheminés sur le chantier par bateaux depuis la Seine en contrebas de l’immeuble. « REI habitat replante chaque arbre utilisé pour relancer l’absorbions du CO2 », reprend Benoit Jallon. Il s’agit là du premier immeuble labellisé bois en France, certifiée BBCA pour sa faible émission carbone.

Wood Up : une bulle de sérénité dans l’agitation urbaine

L’immeuble comprend un socle commercial, où est prévu un petit café, une placette en rez-de-chaussée ainsi qu’une salle d’escalade. L’objectif est d’offrir un cadre collectif : 2000 mètres carrés d’espaces communs sont réservés aux habitants de la tour, reliés par une cage d’escalier extérieure, complétés par un balcon commun tous les deux niveaux, un toit-terrasse de 300 mètres carrés avec vue imprenable à 360° sur Paris et sa banlieue, qui comprend des jardins potagers, des nichoirs pour oiseaux et du mobilier réalisé en bois avec les chutes de chantier, et un espace extérieur de 400 mètres carrés au 8e étage dotée d’une cuisine extérieur. « La question à laquelle nous avons voulu répondre est : que veut dire habiter aujourd’hui à Paris, en site dense ? Nous avons pour cela tenu à rapprocher le collectif de l’individuel, avec des espaces extérieurs et des lieux collectifs », justifie ainsi Umberto Napolitano.

La vue sur Paris et la banlieue est omniprésente et les paysages, à couper le souffle. © Charly Broyez
La vue sur Paris et la banlieue est omniprésente et les paysages, à couper le souffle. © Charly Broyez

Dernière ambition de Wood Up : proposer des logements de qualité, soit 132 appartements, du studio au T4, chacun pourvus de longs balcons filants. Des logements en accession simple, vendu en blocs à Gecina. Plus de la majorité sont réservés au locatif. Pour le reste, le processus de commercialisation n’est pas encore lancé. Pour accéder à ces petits bijoux, il faudra tout de même mettre le prix, qui pourrait atteindre 14 000 euros du mètre carré selon nos estimations. Car pour l’heure cette question demeure un secret bien gardé.

Dans les appartements, le bois se sent littéralement, en termes d’ambiance intérieure qui peut étrangement rappeler celle des chalets de montagne. Ses facultés d’isolation sont tout à fait perceptibles, ce qui en fait des cocons de calme suspendus dans l’agitation urbaine environnante. L’isolation acoustique a été un vrai défi, mais les fenêtres sont particulièrement étanches. Car sur les balcons la rumeur de la ville se fait persistante, mais n’est-ce pas ce qui fait aussi le charme parisien ?

Pour éviter un effet cocote minute, les vitres sont agrémentées de rideaux thermiques argentés qui renvoient la lumière du soleil. La vue sur Paris et la banlieue est omniprésente, pénétrante, des paysages denses à couper le souffle, situés en lisière de la capitale, à l’image de cette frontière qu’est le boulevard périphérique dont les phares rouges et blancs donnent, la nuit, un effet hypnotique dans la toile noire de la ville. Nous sommes à Paris et plus vraiment. Un ailleurs nommé futur.


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