En ce moment, Breguet a vraiment l’âme arty. Cette maison de haute horlogerie appartenant au Swatch Group s’est en effet rapprochée, en début d’année, de la foire d’art contemporain Frieze*. Portrait de l’artiste peintre Pablo Bronstein.
Le contrat court jusqu’en 2024. L’horloger reçoit les visiteurs au sein d’un lounge chic à chacune des quatre éditions annuelles de la foire, à Los Angeles, New York, Séoul et Londres. En octobre, la manufacture helvète faisait découvrir son luxueux stand à Frieze London.
Le confortable espace a pour mission de mieux faire connaître la marque et son univers. Sur place, les vitrines présentent les dernières collections de montres de luxe, en provenance directe de la vallée de Joux. Ces rendez-vous sont aussi l’occasion de rappeler la tradition de créativité de la maison.
Des démonstrations de guillochage artisanal (décoration emblématique du style Breguet) sont notamment organisées. Elles sont réalisées, comme il se doit, sur un authentique tour âgé de plus d’un siècle. Esprit arty encore : Breguet a choisi de collaborer avec l’artiste argentin Pablo Bronstein.
La passion du siècle des Lumières
À 45 ans, Pablo Bronstein est une valeur montante de l’art contemporain. On a ainsi pu croiser plusieurs de ses oeuvres aux détours des allées de la foire londonienne.
Ce sont les responsables de cet événement qui l’ont présenté à Lionel a Marca, le président de l’horloger suisse. Et le rapprochement a tout de suite fonctionné. Il faut dire que ce dandy raffiné semble fait pour s’entendre avec Breguet.
Il est en effet passionné par le XVIIIe siècle, un attrait qui tombe à pic puisque la marque helvète est justement née en 1775. Son fondateur, Abraham-Louis Breguet, est en outre considéré comme le premier designer de l’Histoire.
Visionnaire, il a fait des choix esthétiques et techniques novateurs. Ainsi, à l’époque, il a pris le baroque ambiant à contre-pied en habillant ses montres d’un style très épuré, presque dépouillé.
Machines rétro-futuristes et oeuvre-feuilleton Pablo Bronstein a imaginé pour Frieze un décor peuplé d’appareils un peu fous.
« C’est un hommage aux fascinantes machines apparues en nombre au XVIIIe siècle, explique l’artiste. La montre mécanique peut être considérée comme l’une d’elles. » Cet élégant aux yeux clairs poursuit : « C’est à cette époque que la révolution industrielle prend sa source. Ce processus va occasionner la naissance d’un flot de nouveaux outils. Ils vont permettre de produire du luxe à plus grande échelle, notamment les premiers papiers peints scéniques imprimés. »
Clin d’oeil à cette avancée technique, l’oeuvre de Pablo Bronstein prend la forme d’un papier peint panoramique venant recouvrir les murs du lounge de l’horloger.
L’Argentin collecte ses machines fantasmées dans des livres de gravures anciens ou directement dans l’Encyclopédie de Diderot. « Je les reproduis numériquement en 3D puis je les transforme, les décore et, enfin, je les replace dans un paysage. Le tout part ensuite à l’impression pour être transformé en papier peint », décrypte le créateur.
Ces machines présentent toutes un petit twist rétro-futuriste. « J’aime regarder le XVIIIe siècle avec un prisme contemporain », résume t-il.
Breguet, conteur d’histoire
L’oeuvre imaginée pour Breguet se lit comme un feuilleton en trois épisodes. Les deux premiers volets ont été présentés aux Frieze de New York et de Séoul. « Au démarrage, les machines grandissent, raconte celui qui les a imaginées. Elles volent la vedette aux hommes qui les a laissées aller trop loin, puis elles connaissent le déclin. Dans l’oeuvre présentée à Londres, dénommée Chaos, leur fin approche. »
À l’inverse, pour l’artiste, la collaboration avec Breguet ne fait que commencer…
* Au départ, il y avait Frieze, un magazine d’art contemporain lancé en 1991. Ses fondateurs en ont tiré la Frieze Art Fair, une foire née en 2003 à Londres. Devant son succès, trois autres rendez-vous ont été lancés, à Séoul, New York et Los Angeles.
