« Othoniel Cosmos » : un voyage poétique au cœur de la cité des Papes

Jean-Michel Othoniel présente à Avignon « Othoniel Cosmos ou Les Fantômes de l’amour », une exposition monumentale qui investit les lieux emblématiques de la ville.

Le plasticien Jean-Michel Othoniel déploie 260 œuvres dans dix lieux emblématiques de la Cité des Papes, à l’occasion des 25 ans d’Avignon en tant que capitale européenne de la culture et des 30 ans d’inscription de la ville au patrimoine mondial de l’Unesco. Un parcours poétique d’une ampleur inédite baptisé « Othoniel Cosmos ou Les Fantômes de l’amour ».


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IDEAT : Cette exposition monumentale est une commande de la ville d’Avignon. Pourquoi avez-vous accepté de relever un tel défi ?

Jean-Michel Othoniel : Je pense que c’est la première fois en France et peut-être même au monde qu’une ville confie autant de ses lieux emblématiques à un seul artiste. Pouvoir montrer mon travail en dehors de Paris, créer un parcours en dialogue avec les conservateurs des musées et proposer des expositions accessibles gratuitement au public m’a tout de suite beaucoup plu.

Dans le Grand Tinel, aussi appelé la chambre des Festins, présentée parmi 60 œuvres, Wisteria, peinture sur toile (2023), encres de couleurs sur feuille d’or blanc.
Dans le Grand Tinel, aussi appelé la chambre des Festins, présentée parmi 60 œuvres, Wisteria, peinture sur toile (2023), encres de couleurs sur feuille d’or blanc. CLAIRE DORN / PERROTIN

Comment s’articule « Othoniel Cosmos ou Les Fantômes de l’amour » ?

À partir de 260 œuvres jamais vues en France, dont 140 nouvelles créations, j’ai construit un parcours poétique à travers la ville dans dix lieux et musées qui peuvent évoquer l’amour sous toutes ses formes. Ce sont des dialogues subtils, comme dans les fameux Sonnets amoureux de Pétrarque, on va d’émotion en émotion. Certaines clés sont données d’un musée à l’autre, elles créent un circuit initiatique autour de mon travail. Il y a l’idée de la constellation avec un astre central et des planètes qui tournent autour.

Cette figure du cosmos est présente dans certaines œuvres, notamment au palais des Papes qui est le cœur du parcours.

Parmi les 133 œuvres dispersées dans quinze salles du palais des Papes, il y a une série de Nœuds, en forme de constellations, évoquant ce rapport à l’astronomie et à l’astrologie, c’est-à-dire à la science et à la croyance qui, à mon avis, sont constitutives de toute œuvre d’art.

L’une des oeuvres en rapport à l’astronomie et à l’astrologie de Jean-Michel Othoniel.
L’une des oeuvres en rapport à l’astronomie et à l’astrologie de Jean-Michel Othoniel. OTHONIEL STUDIO

De nombreuses pièces colorées dialoguent avec les fresques de certaines chapelles. Dans l’une des chambres, une grande sculpture en briques d’Inox poli miroir, sorte de figure fantomatique, reflète toute l’architecture du lieu. En août, une immense installation du même type prendra place dans la cour d’honneur. Elle sera activée lors d’une performance chorégraphiée par Carolyn Carlson pour les danseurs Hugo Marchand et Caroline Osmont.

Se confronter au palais des Papes est une gageure. Vous êtes-vous inspiré d’autres artistes avant d’escalader cet Everest ?

C’est un lieu très important, car officiel, mais il est aussi statique avec ses murs nus. Pour m’aider à me projeter et à préparer l’installation, j’ai lu les textes écrits sur l’exposition Pablo Picasso qui s’y était tenue en 1970. Un poète andalou l’avait décrite comme une sorte de cavalcade, il évoquait quelque chose de joyeux, en mouvement, d’une grande énergie, et je me suis dit que le peintre espagnol avait compris le pouvoir de ce monument. Ça m’a beaucoup inspiré.

Installée dans le musée Calvet, la sculpture Grand Lotus (2021) en Inox poli miroir.
Installée dans le musée Calvet, la sculpture Grand Lotus (2021) en Inox poli miroir. CLAIRE DORN / PERROTIN

Avez-vous expérimenté de nouveaux processus de création pour ce parcours ?

Oui, au musée du Petit-Palais-Louvre en Avignon, j’ai réalisé un travail d’enluminure sur verre. C’est totalement inédit. Dans un autre genre, le Muséum Requien, musée d’histoire naturelle, dévoile 60 peintures de mon herbier. Elles reflètent mon rapport aux fleurs et ma quête d’un réel merveilleux. Six seulement avaient été montrées au Louvre, à Paris, et sont rentrées dans les collections.

Qu’avez-vous imaginé pour le célèbre pont Saint-Bénezet ou pont d’Avignon ?

La ville est close derrière ses remparts, mais le pont est comme un bras tendu vers la Provence. C’est un lieu iconique qui parle aussi de la notion du sacré, très importante dans cette cité papale et présente dans mon travail. Je l’évoque grâce à des croix et à un portail, en verre et en métal, disposés sur le pont et dans les deux chapelles magnifiques qui sont superposées.

Halo de briques de verre bleu, Jean-Michel Othoniel.
Halo de briques de verre bleu, Jean-Michel Othoniel. OTHONIEL STUDIO

Que peut-on voir au Musée lapidaire ?

En lien avec la collection de pierres du musée, on découvre des sculptures totems, en briques de verre miroité, d’une grande sensualité et d’une extrême rigueur. Certaines de ces œuvres sont aussi présentes à la Collection Lambert, où elles résonnent avec l’art minimal de Donald Judd, Carl Andre ou Sol LeWitt, que j’ai toujours aimé.

Toutes ces expositions sont un parcours dans ma pensée, c’est très intime. Cela me permet de dévoiler des aspects de mon travail, comme le rapport à l’eau, avec une fontaine de verre dans le jardin du palais des Papes, et d’autres que l’on retrouve au musée des Bains Pommer.

Ce parcours est-il un hymne à la création ?

Je l’ai conçu comme un cadeau, pour rendre l’art accessible à tous, afin que le public prenne conscience de l’importance du poétique aujourd’hui. La beauté sauvera le monde !


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