En kiosque dès le 24 février 2022, le nouveau hors-série architecture du magazine IDEAT attise la curiosité et met en lumière des architectes et designers à suivre. Au fil des 300 pages, des lieux d’exception seront présentés autour de trois grandes thématiques.
- Dossier lifestyle : En quelques années, Avoriaz, en Haute-Savoie, est devenue un modèle d’architecture visionnaire. Cinq décennies plus tard, la station novatrice en matière de tourisme durable n’a rien perdu de son âme.
- Dossier design : Embrassant sans hiérarchie les projets d’architecture et ceux de design, l’architecte Alireza Razavi revendique une démarche qui vise à réduire les écarts entre le dessin et la construction, l’image et la matérialité.
- Dossier retail, bureau et domotique : Produire des univers contemporains : telle est l’aspiration des marques et des sociétés qui font appel aux architectes pour concevoir boutiques et lieux de travail. Leurs stratégies innovantes répondent aux enjeux actuels que sont la convivialité et la durabilité.
À Rome, au sein du Circus Maximus – vestige de l’Antiquité autrefois destiné aux jeux publics – IDEAT, curieux, est parti à la découverte d’un bâtiment datant de 1952-53 conçu par Vincenzo Monaco et Amedeo Luccichenti, duo d’architectes très actifs à Rome après-guerre et importants interprètes du mouvement moderne en Italie. L’heureuse propriétaire des lieux a non seulement pris cet héritage au pied de la lettre, mais elle l’a sublimé par un choix très sophistiqué de mobilier, de couleurs et de finitions.
En hommage à l’architecte espagnol Rafael Guastavino, qui fit carrière aux États-Unis, les interrupteurs Font Barcelona, se parent de nouvelles finitions inspirées de son œuvre. Conçus par le designer Oriol Guimerà, ces décors et textures tissent un fil imaginaire entre Barcelone et New York. IDEAT a voulu y jeter un oeil.
IDEAT vous fait découvrir les lauréats ayant remportés le projet de la Bourse de Commerce, qui figurait parmi les 25 réalisations en lice. C’est la frugalité qui a été récompensée par le prix de l’Équerre d’argent 2021. En Haute-Savoie, l’agence PNG, associée à Julien Boidot et Émilien Robin, n’a pas livré un mais plusieurs bâtiments formant une famille au service du territoire et de ses usagers.
L’édito de Vanessa Chenaie pour le hors-série IDEAT Architecture n°22
Regarder ce qui est déjà là
À l’époque où l’on construisait des usines à ski, Avoriaz choisit d’interdire sa station naissante aux voitures – un pari risqué à une époque où, en France, la toute-puissance automobile dessine la plupart des villes ! Son architecte, Jacques Labro, 86 ans aujourd’hui et peu connu du grand public, signe donc là un concept vraiment visionnaire. L’écoconception, qui est en effet à la base de sa réflexion, n’est-elle pas au cœur des enjeux de nos années 2020 ? (Encore que, même aujourd’hui, éliminer la voiture des villes demeure, hélas ! un sujet inflammable pour quelques irréductibles du volant…)
Jacques Labro s’est laissé guider par son instinct et sa perception du paysage, sans tenir compte des règles académiques, pour implanter les bâtiments qui allaient former la station de façon « mimétique », c’est-à-dire une architecture qui se fond dans le paysage en adoptant la topographie du site naturel. Une vision à long terme. De fait, Avoriaz tient haut les couleurs d’une station respectueuse de son environnement, une station « engagée » qui a d’ailleurs reçu en septembre 2021 un Flocon vert, le label qui récompense les territoires opérant une transition écologique de pointe *.
Construire en harmonie avec le paysage, pour que le « refuge » ne devienne pas une invasion, réfléchir à la manière selon laquelle l’artificiel et le naturel peuvent s’épouser, cela suppose de savoir repousser les limites de ce qui est matériellement possible et cela a toujours passionné les architectes ! Les constructions qui interagissent avec la nature sont complexes, elles nécessitent une compréhension approfondie de la géographie et du climat, une approche mesurée qui puisse garantir que la marque indélébile que l’on vient ajouter au paysage existant ne le pollue pas – dans tous les sens du terme.
Parmi les bâtiments cultes qui nourrissent notre imaginaire et cette ferveur à réconcilier l’homme et la nature, on peut citer les plus célèbres : la Maison sur la cascade (1939, Pennsylvanie), de Frank Lloyd Wright, incrustée dans la roche et suspendue au-dessus d’une chute d’eau ; la Casa Malaparte (1942, Capri), d’Adalberto Libera et Curzio Malaparte, bâtie à partir de pierre extraite du site, comme si elle était née de la falaise ; la maison Farnsworth (1951, Illinois), de Mies van der Rohe, dont les murs sont presque tous en verre, mais dont la proximité des arbres apporte ombre et fraîcheur ; ou bien encore la Casa das Canoas (1953, Rio de Janeiro), d’Oscar Niemeyer, exemple d’idéal moderniste, où l’intérieur et l’extérieur se mêlent, donnant l’impression que les pièces s’étendent jusqu’à la jungle environnante…
Mais nous n’en sommes plus là. Ces grands noms de l’architecture internationale, aussi révolutionnaires et géniaux esthètes soient-ils, ont laissé place à une génération autrement préoccupée. Le collectif montreuillois Ciguë, que nous avons rencontré pour ce numéro, en est un excellent exemple. Dans sa pratique, ce n’est pas le geste « signature » que ses quatre membres valorisent, mais, tout au contraire, le « geste minimal » : « Regarder ce qui est déjà là définit la stratégie que nous défendons depuis le début et qui prend de plus en plus de sens aujourd’hui avec l’économie de moyens et la nécessité de ne pas rapporter de matière inutile. »
De la même manière que pour Jacques Labro, dans les années 60-70, s’adapter fut une évidence, gageons que les architectes d’aujourd’hui, mais aussi leurs commanditaires, sauront mettre à profit la même exigence d’effacement.
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