Pour celles et ceux qui apprécient tourner les pages d’un livre, les observer longuement ou encore rechercher les détails d’une image pour en saisir l’atmosphère, voici une liste non exhaustive de beaux-livres de photo récemment publiés. Chacun d’entre eux dévoile la pluralité d’une pratique artistique et révèle mille et unes histoires et géographies.
Pour découvrir un genre singulier de la photographie
Le premier volume paru à l’occasion de l’exposition Photo – Brut collection Bruno Decharme & compagnieaux Rencontres de la photographie d’Arles en 2019 a désormais un petit frère. Photo – Brut #2 permet de découvrir des œuvres inédites mêlant photographies et autres techniques comme le dessin, l’écriture, le tissage, le collage, le photomontage… Très souvent autodidactes, les créateurs dévoilent une part de leur histoire à travers le médium de l’image en empruntant des voies non conventionnelles. En détournant les photographies, les découpant, les gribouillant, ils offrent d’autres manières de recevoir une image.
> Photo – Brut #2, Collection Bruno Decharme, Bruno Decharme, Anne-Françoise Rouche, 264 pages, Éditions Flammarion, 39€.
Pour une réécriture des injonctions féminines à travers l’autoportrait
Qu’arrive-t-il lorsqu’un livre d’une autre époque est redécouvert ? En s’emparant de l’ouvrage intitulé « Ce que vaut une femme : traité d’éducation morale et pratique des jeunes filles », le duo photographique Elsa & Johanna propose une réécriture de ces injonctions jadis transmises à travers des livres. Elles y incarnent vingt-quatre archétypes féminins et illustrent ainsi avec une certaine ironie les propos inculqués à travers l’ouvrage. Si un dialogue entre textes, rédigés par Marie Robert, conservatrice en chef au musée d’Orsay, et images s’instaure instantanément, c’est aussi le contraste troublant entre deux époques qui ressort de ces pages.
> Ce que vaut une femme : les douze heures de jour et de la nuit, Elsa & Johanna, Marie Robert, 176 pages, The Eyes Publishing, 45€.
Pour porter aux détails un regard nouveau
Avec ce deuxième volume de Distances, le photographe Romain Laprade compile une sélection d’images prises lors de voyages qui invitent à l’évasion. Une esthétique aux teintes chaudes et un souci des lignes en ressortent et confirment ainsi son style photographique déjà bien reconnaissable. En prêtant attention aux détails les plus banals comme ceux qui peuplent les paysages urbains ou naturels, il permet à celles et ceux qui se trouvent face à ses images d’observer la subtile géométrie de ses compositions.
> Distances, Romain Laprade, 92 pages, Yvon Lambert, 29€.
Pour retomber en enfance à travers des images tendres et nostalgiques
Cette réédition du livre de Roger Ballen, photographe prodige du noir et blanc, rassemble des clichés autour d’un sujet universel : celui de l’enfance. Initialement publié en 1979, l’ouvrage a récemment été republié avec un nombre plus important d’images. En parcourant les continents européen, asiatique et nord-américain, l’artiste révèle des clichés singuliers qui dépeignent la jeunesse vécue par des petits garçons, leurs moments de jeux et leurs aventures, le tout teinté d’innocence et d’espièglerie. Quel que soit l’endroit d’où ils viennent, ces enfants semblent tous reliés par le lien invisible et pourtant non moins tangible de la fraternité.
> Boyhood, Roger Ballen, 112 pages, Damiani, 60€.
Pour un voyage vers la lumière
À la suite de sa première exposition personnelle à l’occasion de Photo Saint Germain cette année, les clichés solaires d’Antoine Hernault sont désormais compilés dans un livre. Capturées aux quatre coins du monde (en Martinique, en Géorgie, aux Açores…), les photographies de ce jeune photographe, pareilles à des toiles impressionnistes, dévoilent avec intensité des scènes de vie, des portraits, des paysages mais aussi des natures mortes incandescentes. Les couleurs et les jeux d’ombre et de lumière confèrent à chacune des photographies une douce intensité.
Insolations, Antoine Henault, 68 pages, 37.2, 40€.
Pour explorer l’histoire des femmes au XXe siècle
Dans l’optique d’offrir aux lecteurs et aux lectrices une relecture éclairée de l’histoire des femmes au XXème siècle, la journaliste Agnès Grossman retrace les éléments marquants d’un siècle synonyme d’émancipation. En présentant différentes typologies selon un ordre chronologique bien précis (l’éducation des filles, le sport, le rôle des femmes pendant la guerre…), elle annote des centaines d’images rassemblées par l’agence Roger-Viollet. Cet impressionnant travail de recherche historique et iconographique donne lieu à un livre essentiel pour saisir comment les femmes qui nous précèdent ont vécu.
> Une histoire photographique des femmes au XXe siècle, Agnès Grossman, 256 pages, Gründ, 37,95€.
Pour retrouver les joies du roman photo
Qui a dit que le roman photo était ringard ? Alors qu’il signe cette année son grand retour, la maison d’éditions delpire&co propose un livre à l’univers loufoque et décalé construit avec les images et les dialogues originaux du film Qui êtes-vous Polly Maggoo ? de William Klein, sorti en 1966. Quelques décennies plus tard, le découpage riche et dynamique des images et des textes est présenté sous le format d’un beau livre de photo. Ce dernier permet de découvrir autrement l’intrigue comique et satirique du scénario imaginé par ce grand photographe.
> Qui êtes-vous Polly Maggoo ?, William Klein, 544 pages, Éditions delpire & co, 65€.
Pour un éloge de la création
Que se passe-t-il lorsque la philosophie et la photographie se rencontrent ? Sous l’impulsion d’Axelle de Buffevent, le livre Alchimie moderne réunit les images de Viviane Sassen et les pensées d’Emanuele Coccia, offrant ainsi la possibilité aux deux univers de dialoguer. En résulte une série de quatre-vingts photographies aux couleurs vives et à l’esthétique surréaliste et un essai singulier sur l’acte créatif. De cet assemblage fertile et foisonnant se dégage un exaltant manifeste qui invite à imaginer tous les possibles.
> Alchimie moderne, Viviane Sassen et Emanuele Coccia, 160 pages, Jean Boîte Editions, 35€.
Pour aborder un retour au pays natal
Préfacé par l’écrivaine américaine Lucy Sante, le livre It Was Once My Universe présente une facette plus intime du travail photographique de Marie Tomanova qu’elle n’a pu le faire auparavant. À travers ce livre de photo, elle dévoile en effet des images qui témoignent d’un retour dans son pays natal, la République Tchèque, huit ans après qu’elle en soit partie. Capturées pendant l’hiver 2018, les photographies, montrant aussi bien des autoportraits que des scènes de vie quotidienne dans la ferme familiale, interrogent sur les notions universelles que représentent la maison, la famille, la distance et les souvenirs. De cette expérience résulte une série d’images teintées d’émotions contradictoires.
It Was Once My Universe, Marie Tomanova, Lucy Sante, 128 pages, Super Labo, 69€.