Retour sur Paris Photo 2022 et le mois de la photographie

Paris Photo, Photo Saint Germain, Photo Days... Autant de manifestations pour les curieux et les passionnés de l'image. Retour sur le mois qui célèbre la photographie sous toutes les coutures.

Le mois de novembre à Paris est certainement le plus grisant de l’année pour les amateurs et les professionnels de la photographie. A l’instar de Paris Photo 2022, de nombreuses expositions dédiées à cette pratique artistique peuplent en effet la capitale et permettent autant la (re)découverte d’œuvres classiques que l’exploration du champ des possibles avec des clichés plus contemporains.

Paris Photo 2022 : une 25e édition sous le signe du renouveau

Du 10 au 13 novembre dernier, au Grand Palais Ephémère, s’est tenue la plus grande foire internationale dédiée à la photographie. L’occasion pour cette 25e édition de se renouveler en accueillant pour la toute première fois des galeries comme Einspach (Budapest), Hestia (Belgrade) ou encore Deepest Darkest (Le Cap), et de permettre ainsi de comptabiliser 30% de nouveaux participants par rapport à l’édition précédente.

Découpée en trois catégories – le secteur principal, le secteur Curiosa et le secteur éditions – Paris Photo 2022 avait pour invitée d’honneur Rossy de Palma. En sélectionnant vingt-cinq œuvres exposées, l’artiste pluridisciplinaire proposait un parcours captivant à travers la foire qui oscillait entre tradition — avec un cliché de la célèbre Série VIII de Brassaï par exemple — et contemporanéité, avec un portrait chatoyant pris par Marguerite Bornhauser.

Les femmes photographes n’étaient pas en reste comme l’a subtilement dévoilé le parcours Elles x Paris Photo, curaté par Federica Chiocchetti, directrice du musée des Beaux-Arts du Locle en Suisse. En s’appuyant sur la tradition de la tombola napolitaine, cette spécialiste de la photographie et littérature a sélectionné 77 artistes : un numéro pensé comme un clin d’œil aux jambes des femmes … et au diable. Ce joli pied de nez a ainsi valorisé des artistes comme Letizia Battaglia, Tina Modotti, Nan Goldin ou encore Zanele Muholi.

Issu de la série The Other End of the Rainbow, ce cliché de Kourtney Roy se retrouve désormais dans un livre édité chez André Frère et présenté au secteur éditions de la foire cette année.
Issu de la série The Other End of the Rainbow, ce cliché de Kourtney Roy se retrouve désormais dans un livre édité chez André Frère et présenté au secteur éditions de la foire cette année. © KOURTNEY ROY

Juste avant le secteur éditions qui comptabilisait cette année 32 éditeurs (soit cinq en plus que lors de la précédente édition), un vent nouveau soufflait également sur Curiosa. Sous le commissariat d’Holly Roussell, conservatrice à l’UCCA (Center for Contemporary Art) à Pékin, ce secteur mettait aussi bien en avant des œuvres allant au-delà des genres traditionnels de la photo que des scénographies variées. Non loin de là, un véritable laboratoire photographique animé par des étudiants et impulsé par le photographe Thomas Mailaender permettait d’assister au processus de développement d’une photographie.

Complétée par des rencontres avec les photographes, des signatures d’ouvrages, des conférences tenues à la Plateforme et bien d’autres événements, cette 25e édition de Paris Photo misait sur la diversité avec un retour flagrant des procédés techniques anciens et de la photographie noir et blanc. Le livre, qui y a également occupé un rôle prépondérant, a lui aussi révélé ce besoin de revenir aux fondamentaux pour faire exister les images autrement qu’à travers les écrans.

Photo Saint Germain : une synergie exaltante

Parmi les autres événements photographiques marquants du mois de novembre, Photo Saint Germain se déploie du 3 au 19 novembre. Créé en 2010 par Benoît Sapiro, ce festival propose un parcours insolite dans l’élégant quartier de Saint-Germain-des-Prés. Impulsée par la volonté de réunir différents acteurs culturels comme les musées, les galeries, les librairies ou encore les centres culturels, cette manifestation permet une riche exploration géographique du quartier où flotte encore l’héritage d’une âme littéraire et intellectuelle.

Gratuit et libre d’accès, le festival donne lieu à une déambulation ludique qui révèle des artistes et des photographies, ainsi que des lieux singuliers. C’est le cas par exemple de la Maison d’Auguste Comte dans laquelle sont exposés des clichés en noir et blanc pris par Elsa & Johanna. Pénétrer dans cet appartement de style Empire — qui a conservé des éléments d’origine comme les tomettes, le mobilier ou encore le parquet en point de Hongrie et Versailles — revient à traverser les espaces de vie de l’illustre philosophe, tout en découvrant le nouveau projet du duo qui s’intitule Ce que vaut une femme : les douzes heures du jour et de la nuit et qui s’intègre à merveille dans cet appartement chargé d’histoire.

Le cliché Sans Titre de Tanya Habjouqa s’inscrit dans une exposition qui questionne la place de l’eau dans le monde au Noor (Atelier Néerlandais).
Le cliché Sans Titre de Tanya Habjouqa s’inscrit dans une exposition qui questionne la place de l’eau dans le monde au Noor (Atelier Néerlandais). © Tanya Habjouqa

Au Musée Delacroix, la même ambiance se dégage des clichés solaires d’Antoine Henault, ainsi qu’aux Beaux-Arts où sont exposés les travaux d’étudiants. Cette édition est aussi l’occasion de (re)voir des photographies capturées par des pointures comme Gisèle Freund (Maison de l’Amérique Latine), Martin Parr (Centre Culturel Irlandais) ou encore Laure Albin Guillot (galerie Roger-Viollet).

D’un éclectisme à tout épreuve, le festival permet aux amateurs de photographies de parcourir tous les genres : du photojournalisme avec Pascal Maitre (Académie des Beaux-Arts) ou encore Fabiola Ferrero (Réfectoire des Cordeliers), à la nature morte avec les clichés de Christophe Beauregard (galerie Ségolène Brossette) en passant par le collage avec notamment une exposition de Tami Amitai-Tabib (galerie Olivier Waltman), il y en a pour tous les goûts !

Complété par une programmation associée riche et variée (rencontres, projections, signatures, visites guidées…), Photo Saint Germain se fait ainsi un événement incontournable ce mois-ci et témoigne de la perpétuelle inventivité de l’image photographique et de sa mise en récit.

Photo Days : une démocratisation de la photographie

Pour sa 3ème édition, le festival Photo Days occupe plus d’une centaine de lieux de la capitale et de la région Île-de-France. Jusqu’au 11 décembre, de nombreuses expositions investissent donc tout autant les murs de grandes institutions comme le Centre Pompidou, la Maison Européenne de la Photographie, le Jeu de Paume, que de lieux plus insolites et intimistes comme la Rotonde Balzac ou ou encore les jardins de l’hôtel de Rothschild.

Divisé en deux parties (« Photo pas Photo », qui explorait jusqu’au 6 novembre les nouveaux langages de l’image photographique et « Place à la Photo» jusqu’au 11 décembre), le festival a pour vocation de rendre la photographie accessible à tous, tout en exposant une sélection pointue. Ainsi, Photo Days donne lieu à de nombreuses expositions monographiques, collectives mais aussi à des cartes blanches et des rencontres avec les artistes dans l’optique de rendre plus accessible cette pratique artistique.

L’exposition Oaxaca Transylvanie révèle le poétique travail de Nadja Massün à l’Institut Culturel du Mexique.
L’exposition Oaxaca Transylvanie révèle le poétique travail de Nadja Massün à l’Institut Culturel du Mexique. © Nadja Massün

Dans cette optique inclusive et altruiste, la fondation photo4food propose un format qui, grâce à la vente don de photographies de jeunes artistes (Letizia Le Fur, Julien Mignot, FLORE…), permet de financer des repas aux plus démunis. Pour remercier les photographes de ces dons d’œuvres, la fondation expose leur travail dans des lieux remarquables comme l’Hôtel particulier de Sauroy.

En plus de la photographie, la vidéo est, elle aussi, considérablement représentée. La programmation associée aux expositions donne en effet lieu à deux événements phares dans lesquels l’image en mouvement est mise à l’honneur : une soirée de projection au Grand Rex curatée par Jessica Castex, conservatrice en charge de la vidéo au Musée d’Art moderne de Paris, et la remise du Prix StudioCollector à la Maison Européenne de la Photographie.